Parmi les questions les plus fréquentes que se posent les femmes en termes de carrière professionnelle, on trouve celle de la conciliation entre vie pro et vie de famille, de la demande d'augmentation, mais aussi du management ou encore du travail d'équipe. À chacune de ces questions, pas de réponse unique, mais des techniques fiables à appliquer en fonction de sa personnalité d'abord, et du contexte dans lequel on se trouve.

C'est pourquoi, on a voulu interroger des femmes aux carrières brillantes, afin de connaître leurs bottes secrètes, c'est-à-dire leurs conseils personnels pour répondre aux dix questions les plus courantes sur le plan professionnel. Aujourd'hui, c'est Lucille Desjonqueres, Directrice Générale du cabinet Leyders Associates et présidente de la branche française du réseau International Women’s Forum (IWF)qui nous éclaire.

En 2001, après quinze années passées dans l'industrie pharmaceutique, entre deux jobs, Lucille Desjonqueres se familiarise avec les Ressources Humaines en tant que chasseuse de tête pour un cabinet spécialisé. Elle se passionne alors pour l’humain et n’en démordra plus. En 2013, elle co-crée avec son mari le cabinet Leyders Associates qui se spécialise rapidement dans le recrutement de femmes grâce à son projet "Femmes au cœur des Conseils" visant à favoriser l'intégration des femmes au sein des conseils d’administration en entreprise.

Aujourd'hui Directrice Générale de son cabinet, depuis trois années maintenant, elle préside également la branche française du réseau de femmes influentes International Women’s Forum[1], à l'initiative, le 20 juin prochain, des Assises de la Parité[2]une journée de rencontres placée sous le signe de l’alliance professionnelle entre les femmes et les hommes.

Marie Claire : Quelle est votre botte secrète pour concilier carrière et vie de famille ?

Vidéo du jour

Lucille Desjonqueres : Bien évidemment, c’est essentiel de trouver un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Personnellement, j’essaie de m’imposer une journée en home office[3] par semaine. Quand on en a la possibilité, ça allège beaucoup et c'est moins éprouvant parce qu'on évite les transports et les désagréments de la vie de bureau. Curieusement, on peut même être beaucoup plus productif. Je m'autorise aussi à refuser certains dîners ou afterworks : avant je courrais partout, et maintenant je suis plus sélective. Finalement, ça ne sert à rien d’être dans un tourbillon incessant et de s’épuiser.

Je suis aussi très friande de massages et de méditation. Je trouve ça essentiel de prendre du temps pour soi et de revenir à la nature. J’essaie de créer le plus d'occasions possible. Pour trouver un équilibre intérieur, il faut se tourner vers des sujets autres que matériels et surtout assumer ses choix, notamment celui de ne plus fréquenter les personnes qui ne nous apportent pas grand chose. Il faut apprendre à faire le deuil de ce qu’on ne pourra pas faire, c'est peut-être ça le plus compliqué : faire les bons choix, et savoir dire non, sans culpabiliser.

Pour réussir un entretien d’embauche ?

Lucille Desjonqueres : Un regard franc et net envers son interlocuteur, une poignée de main ferme, je pense que ce sont quelques unes des première clés pour réussir un entretien d'embauche. C'est aussi important d'offrir une excellente écoute, d'être attentif et de poser des questions. Souvent, les candidat.e.s n’osent pas, de peur de paraître ridicule, mais bien au contraire, si l’interlocuteur sent que la personne se projette dans l’entreprise, cela ne peut être que bénéfique. Pour cela d'ailleurs, c'est indispensable d'arriver en s’étant très bien documenté.e sur l’entreprise !

Le plus important, c'est de dédramatiser : un entretien ne peut être qu'une expérience positive pour notre parcours professionnel. Il faut - toujours dans la mesure du possible - essayer de contenir les signes de stress et s'attacher à agir de la manière la plus naturelle et authentique possible. Il faut se connecter à son cœur, ensuite tout roule. Les personnes qui seront assises en face de vous le sentiront et apprécieront cette attitude. Elles ne sont pas attirées par des candidats qui en font trop pour impressionner. 

Surtout, il faut arrêter de s'excuser d’exister et miser sur l’audace. Il ne faut pas avoir peur de ne pas tout savoir faire. Quoi qu'il en soit, l'intérêt quand on prend une fonction, c'est d’apprendre. Sinon on n’évolue pas et on s’ennuie. Assumez-vous !

Pour demander une augmentation ?

Lucille Desjonqueres : Il se dit en France que parler d’agent en société ne fait pas partie de la “bonne éducation”. Dans l'inconscient collectif, une femme qui demande de l'argent, cela fait appel à une mémoire ancienne qui est celle que les premières femmes à avoir demandé de l’argent aux hommes sont les prostitués. Une hérésie qui inconsciemment conditionne une grande majorité de femmes à marcher sur des œufs quand on parle salaire. Il faut donc transcender ce sentiment. Si on n’ose pas demander d’augmentation, elle ne viendra pas toute seule.

Il faut se faire violence car personne ne prendra les devants à notre place. Les femmes ont une valeur et il faut qu’elles la fassent savoir. Il faut arriver dans une entreprise en sachant ce qu’on veut et surtout, il faut ce rendre compte de ce qu'on y apporte, c'est primordial pour l'estime de soi. Si on n’ose pas, on nourrit un sentiment de frustration extrêmement anxiogène, tout sauf productif.

Pour négocier son salaire ?

Lucille Desjonqueres : Le plus simple est de demander à rencontrer directement le Directeur Général de son entreprise, ou son DRH et de démontrer par A+B que l'on vaut se que l'on réclame. L’égalité salariale est une question brûlante. D'autant qu’avec l’index d’égalité femmes-hommes de Muriel Pénicaud, les sociétés vont devoir répondre de leurs politiques salariales. Les femmes doivent s'emparer de ce sujet.

De manière générale, elles doivent oser davantage. Le culot n’a jamais tué personne, bien au contraire. Ce qui a de la valeur a un coût, et elles n’ont pas à se dévaloriser ou à se dégrader. Bien évidemment, il faut être réaliste et ne pas en demander trop.

Pour gérer son stress au travail ?

Lucille Desjonqueres : D’après mon expérience, quand on est porté par un sujet qui nous plaît, on en oublie son stress. Par exemple, si vous m’aviez dit il y a quelques années que j’allais faire les conférences, les interviews, les directs télé que je fais aujourd’hui. Je vous aurai répondu : “même pas en rêve”. Rien que l’idée me pétrifiait. Mais il s‘avère que quand on est vraiment motivé par un sujet qui en plus donne du sens à votre vie, les montagne se franchissent. Il ne faut plus penser à soi, ni aux enjeux, mais au projet en lui même et à ses motivations initiales. Là le stress se déplace et s'estompe car on n’est plus face à soi, face à ses envies.

Ça n’empêche que parfois il persiste. Mains moites, voix tremblante, jambes intenables : dans ces cas là, je conseille des exercices de respiration. Prendre 5 minutes pour soi suffit pour que le corps ne nous fasse plus défaut. Avant un épreuve, c’est salvateur. Autrement, on peut compter sur des élixirs comme les fleurs de bach qui calment naturellement.

Parfois le corps est très fort pour nous donner des indices. Si on arrive tous les matins la boule au ventre au bureau, il faut arrêter.

Il faut surtout être positif : le mental est primordial. Si vous partez à un rendez-vous en vous disant “je vais tout louper”, c’est mal parti. Imaginez la réunion réussie avant de la vivre. Pour cela le retour sur soi est primordial. Si vous êtes tout le temps dans l’hyperactivité, sans prendre de temps pour vous, vous filez droit vers le burn out. C'est le grand drame de notre époque. D'autant qu'on a assez de choses à gérer dans sa vie personnelle pour ne pas s'encombrer en plus de l'anxiété professionnelle. Si nous n’avons pas de soupapes de sécurité pour nous même, c’est de l'auto-sabotage.

Le mot-clé: les femmes doivent se faire confiance et s'écouter. Parfois le corps est très fort pour nous donner des indices. Si on arrive tous les matins la boule au ventre au bureau, il faut arrêter. Et il faut se faire plaisir. Il ne pas vouloir en faire trop, accepter de faire des concessions. 

Pour garder la motivation au travail ?

Lucille Desjonqueres : On est bon dans ce qu’on aime faire. C'est la clé. Si on n’aime pas son métier, il faut essayer d’en changer, même si c'est parfois plus facile à dire qu'à faire. Un point essentiel, c'est qu'il y a en fait le job que l’on a .. et le job que l’on en fait. Pour garder la motivation, il faut nourrir son poste de choses nouvelles.

Aujourd’hui, c’est plus simple, on peut avoir plusieurs carrières. Il faut faire preuve d’imagination pour ajouter à ses tâches une couleur personnelle qui nous motivera. Encore une fois, l’environnement de travail joue beaucoup. Il faut essayer de travailler avec des gens qu’on apprécie : il faut avoir un minimum de plaisir à retrouver son lieu de travail et ses collègues. C’est un peu idéaliste, mais on passe quand même une partie importante de nos vies au travail. C'est dommage de la gaspiller.  

Pour travailler en équipe ?

Lucille Desjonqueres : Le premier conseil primordial que je donnerai, c’est de tout miser sur la communication non-violente. Lorsque quelqu’un collègue nous blesse, on évite d’accuser la personne qui risque de se braquer. On préfère parle de son ressenti, on s'explique, ça désamorce le conflit. Pointer un doigt accusateur sur l’autre n’apporte rien de constructif. Il faut essayer de rester calme, de ne pas monter dans les tons. Sinon le conflit s’installe et l'environnement peut vite devenir toxique. Bien sûr il faut composer avec son caractère.

Le plus important, c'est de ne pas rester dans son coin à ruminer. Il faut avoir la sincérité et l’authenticité de parler vrai, en son nom. Ce n’est pas une honte de parler de ses ressentis.

Pour être un bon manager ?

Lucille Desjonqueres : Un bon manager est celui qui a envie de faire évoluer ses équipes et qui n’a pas peur que l’élève dépasse le maître. Il doit nourrir ses collaborateurs en permanence et ne pas hésiter en connaissance de cause à déléguer, à faire confiance et à l’exprimer. Surtout, son objectif doit-être de les faire grandir.

On vit ensemble donc des liens se créent, mais il faut être juste et parfois voir par-delà les liens d’amitié qui peuvent se tisser. Il faut avoir plaisir à travailler avec les autres et le montrer. Beaucoup de sociétés font par exemple des séminaires hors lieu de travail pour la cohésion d’équipe. C’est très bien on voit qu’un patron peut être moins bon que son employé dans certains domaines.. ça humanise les relations. Il faut mettre de l’humain au cœur de l’entreprise.

Un bon patron est celui qui sait contribuer à ce que ses équipes atteignent une performance optimale. Pour cela, il ne doit pas hésiter à demander de l’aide et des avis en situation de crise. Il doit pouvoir exprimer sa vulnérabilité, plutôt que de faire régner un stress et un mal-être permanent, parfois même de manière inconsciente.

Pour mettre en valeur son travail ?

Lucille Desjonqueres : Je vois des femmes qui ont des carrières hallucinantes avec une énergie débordante, et néanmoins un grand manque de confiance en elles. C’est une question compliquée, parce que d’un côté on doit se mettre en valeur, et de l’autre, on dit aux gens de ne pas paraître trop prétentieux. Il faut donc réussir à naviguer entre ces deux eaux et à trouver le bon curseur. C’est un équilibre personnel difficile à trouver qui relève aussi du bon sens. Je dirai que c’est une alliance entre psychologie et pédagogie.

Point important, il ne faut pas hésiter à se faire coacher sur certains points faibles. Autant à une époque le coaching pouvait passer par une punition parce qu'on était pas assez bon. Autant maintenant, c’est un cadeau, un moyen de s'améliorer dont il faut se saisir absolument. Si on n’a pas les moyens de s’offrir un coach, on mise sur le mentoring. Les rôles modèles sont essentiels pour nous porter, il ne faut pas sous-estimer.

Pour se faire efficacement un réseau ?

Lucille Desjonqueres : La solidarité est essentielle à tous les niveaux, et particulièrement dans l'entrepreneuriat. Les femmes ne doivent pas négliger la possibilité de rejoindre un réseau mixte ou féminin. Il faut faire son choix en connaissance de cause : après avoir identifié des réseaux qui paraissent correspondre à nos attentes, on essaie d’entrer en contact avec des membres pour se faire une idée plus précise. La clé s'est de s’imprégner. Si vous vous reconnaissez, il ne faut pas hésiter à sauter le pas.

Quelquefois, si on ne trouve pas chaussure à son pieds, on crée le sien, on lance un mouvement. on a les outils pour maintenant. ça prend du temps, il faut le savoir, mais c’est tellement riche humainement.  Encore une fois, dans le monde, il y a les personnes qui "prennent" et celles qui "donnent". Pour avancer, il faut trouver des gens qui sont dans la réciprocité et l’échange, et il y en a plus que l’on ne le soupçonne. Il ne faut pas par contre pas hésiter à mettre des limites aux personnes toxiques.

[1] Assises de la Parité - jeudi 20 juin 2019, salle Pleyel (Paris 8ème) dès 8h30.  Informations et inscription sur : www.assises-parite.com  

[2] Plus d'informations sur www.iwffrance.org

[3] Home office : télétravail