"Ménopause est un gros mot" : dans un documentaire fort, Julie Talon délivre la parole des femmes ménopausées

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Dans son film documentaire "Ménopauses", Julie Talon met en lumière cette période encore et toujours taboue dans une société qui continue de prôner le jeunisme. De la dissimulation à la libération, douze femmes se confient face à sa caméra. À l'occasion de sa diffusion ce mardi 25 juin sur Arte, "Marie Claire" s'est entretenu avec la réalisatrice.

"Je vois mes collègues au travail aller aux toilettes et revenir le visage complètement mouillé, mais elles ne veulent pas en parler" ; "Quand je parle de ménopause, même à des femmes, il y en a qui me disent 'Oh non ! Oh quelle horreur !'"; "On nous signifie que ça n'intéresse pas les médecins et le corps médical de parler avec nous de cette période. C'est une histoire de gonzesse".

Dès les premières minutes du film documentaire Ménopauses. Quand les femmes en parlent de Julie Talon*, on comprend l'ampleur du non-dit autour de cette période vécue par toutes les femmes - sans exception - à l'aube de la cinquantaine, voire bien plus tôt avec les prémices de celle-ci, la dénommée pré-ménopause. Pourquoi la taire ? Pourquoi la cacher ? Pourquoi tant de honte ? À qui en parler ? Autant de questions auxquelles la réalisatrice a voulu répondre à travers douze témoignages de femmes, filmées face caméra. Entretien. 

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Marie Claire : après Préliminaires (2021), pourquoi avoir voulu mettre en lumière la période de la ménopause ? 

Julie Talon : Quand j'ai rencontré les jeunes filles que l’on voit apparaître dans Préliminaires - qui étaient âgées de 12 à 23 ans - j'ai été très étonnée par la liberté qu'elles avaient à parler d'elles, de leur désir, de leur corps et en particulier des règles. À cette période, je me suis questionnée et ce documentaire m’a renvoyée à ma propre adolescence.

J’ai passé ma vie à cacher mes règles, les douleurs, les règles abondantes, les suites de couches… À ne pas en parler, à prendre sur moi. Je me suis dit que j’allais certainement reproduire la même chose à la ménopause, mais il est hors de question que je vive cette nouvelle étape de ma vie dans la honte et en la cachant. J’ai alors commencé à interroger des femmes autour de moi et beaucoup d’entre elles n’en avaient jamais parlé. 

Il y avait un constat de tabou qui n'est pas dit, parce que si seulement on disait que c'est un tabou, mais on n'en parle pas, on le cache, on ne dit rien. Pour moi, le but était de libérer la parole. 

Pourquoi l’avoir intitulé Ménopauses, au pluriel ? 

Je pense qu'il ne faut vraiment pas rétrécir la femme à un état. Oui, il y a des ménopauses. Une ménopause peut être vécue de manière très différente à différents âges, car les hormones fluctuent, le corps bouge.

Revendiquer sa ménopause est politique.

Comment avez-vous abordé les femmes qui témoignent dans votre documentaire ? Certaines ont-elles été réticentes et pourquoi ?

Nous avons passé des annonces sur Instagram pour trouver et rencontrer un large public. Il paraît qu'il y a 14 millions de femmes ménopausées en France, nous en avons eu seulement une centaine au téléphone... Sur ces 100 femmes prêtent à témoigner, environ 30 % d’entre elles disaient vouloir le faire mais pas à visage découvert parce que disaient-elles : 'mon mari n'est pas au courant', 'mes enfants ne sont pas au courant', 'je vais être stigmatisée au travail'.

Bien sûr, j'entends et je respecte leurs réticences. Moi-même, je suis pudique et je comprends tout à fait la pudeur des autres... mais qui dans ce cas précis était souvent plus de la honte que de la pudeur.

 

Pourquoi ces femmes ont-elles encore du mal à parler de ménopause ? Pourquoi ont-elles ce sentiment de honte ?

Je pense que le sentiment de honte est lié à notre éducation. On nous a toujours appris à 'gérer'. Et à cette période, on ne gère plus les kilos par exemple. Et une femme qui prend du poids, c'est une femme qui se laisse aller. 

Mais comment voulez-vous que les femmes se sentent bien dans leur corps quand elles voient les photos qui illustrent les articles des magazines féminins sur ce sujet ? Ce sont souvent des femmes de 20 ou 25 ans. On enjolive toujours la chose. Pourquoi ne pas représenter et apprendre à regarder le corps tel qu'il est ? Est-ce qu'un corps de 50 ans est dégueulasse ?

Beaucoup de femmes n'en parlent pas à leur mari.

Avec la ménopause, les femmes se sont crues libres parce qu'elles ont le droit de travailler, d'avoir un chéquier, de divorcer, de s'exprimer, de se montrer... Mais, on n'a pas le droit de vieillir. Tout comme le chômage, la ménopause est un gros mot, on n'est plus tout à fait active. Revendiquer sa ménopause est politique. Les questions qu'elle pose la dépassent et concernent tout le monde. La ménopause a quelque chose qui relève de notre état, de notre impuissance et de notre soumission. Mais il faut se sentir légitime et dire que l'on est mal quand c'est le cas, que ce soit au travail ou à la pharmacie. 

Vous abordez beaucoup la question du couple et de la sexualité...

Beaucoup de femmes n'en parlent pas à leur mari ou ne disent pas qu'elles souffrent pendant leur rapports, qu'elles ont des douleurs pelviennes ou une baisse de la libido. Elles n'en parlent pas, car elles ont peur d'être quittées. Il faut réinventer le sexe et les hommes sont alors obligés de se poser des questions, de réfléchir à comment donner du plaisir à une femme autrement qu'en la pénétrant. Il faut se montrer autrement, être désirée autrement et prendre du plaisir autrement. Mais avant d'en arriver là, il faut en parler. 

Comment les femmes peuvent-elles reprendre le pouvoir ? 

Comme dans chaque étape de la vie, on décide de donner un coup de pied dans le fond de la piscine et on remonte : il faut se réinventer. Mais cela demande beaucoup d'énergie, de la curiosité, de l'imagination, un retour sur soi. Il faut aussi que les femmes soient informées et 'prêtes' afin de pouvoir prendre le dessus sur cette ménopause. 

* Diffusé mardi 25 juin 2024 à 22h30 sur Arte et disponible sur arte.tv jusqu'au 23 janvier 2025.

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