En France, deux tiers des personnes se disent concernés par ce qu'on appelle la fatigue chronique, selon l’enquête CoviPrev de Santé Publique France lancée en 2020. Ça vous parle ? Moi, oui. Un peu, beaucoup, passionnément même. Je suis "la fille la plus fatiguée de la planète", comme dirait le même tiré du compte Instagram @SquareSayings. Je pourrais même le mettre en tête de mon CV.

C’est simple, je suis épuisée depuis deux décennies et ne cesse de creuser, nuit ratée après nuit ratée, une dette de sommeil digne de celle d’une mère célibataire à la tête d’une tribu de sextuplés. L’épuisement est mon état naturel, l’anti-cernes et la BB Crème ma seconde peau et je fantasme plus sur une nuit complète de 7 heures que sur la réouverture des bars ou la potentielle démission d’un ministre haut placé. C’est vous dire.

Alors quand on m’a demandé d’enquêter sur comment récupérer ses heures de sommeil, forcément, j’ai accepté sans hésiter.

Bonne nouvelle : rattraper ses insomnies, c'est possible !

Mais avant de me lancer dans la quête de mon PEL spécial heures de sommeil égarées, il me fallait répondre à la question préliminaire fondamentale : est-il humainement possible de compenser ses insomnies et autres nuits passées les yeux grand ouverts ?

“Si l’insomnie conduit effectivement à une privation de sommeil, cela n’est pas toujours le cas”, nous répond-il par mail*. “Et surtout, les retentissements sur la journée du lendemain sont souvent très différents”, souligne-t-il. Sa réponse ne concernera donc que les heures de sommeil à récupérer après des nuits (trop) courtes, qu’elles soient provoquées par un nouveau-né un brin fêtard, une surcharge de travail, une session de binge-watching devant Netflix ou plus si affinités...

Si on considère la privation de sommeil, le meilleur moyen de récupérer est de dormir mieux et plus.

En bref, des nuits trop courtes par rapport à vos besoins physiologiques, les exigences en termes de sommeil variant bien évidemment d’un individu à un autre. “Si on considère la privation de sommeil, le meilleur moyen de récupérer est de dormir mieux et plus, tranche le spécialiste.

Une bonne nouvelle donc, mais que le professeur Davenne s’empresse de nuancer : “Cette récupération doit être constituée du sommeil "indispensable" qui ne s'est pas produit lors de la privation de sommeil, c'est-à-dire beaucoup de sommeil lent profond et un peu de sommeil paradoxal.”

Dormir oui, mais au bon moment

Ce sera tout ? Non, une seconde condition vient déterminer l’efficacité de ces potentielles heures supp’ passées à dormir. “Il faut que l'horaire de ces heures de sommeil récupératrices soient bien placées sur le nycthémère”, précise Damien Davenne, le nycthémère désignant l’espace de temps qui comprend un jour et une nuit (24 heures), soit un cycle biologique.

En d’autres termes, il ne suffit pas de dormir “mieux et plus” pour récupérer ses heures de sommeil manquantes, encore faut-il qu’elles interviennent au bon moment. Mais lequel ? “La chronobiologie nous apprend que c'est soit en début de nuit, soit à l'heure de la sieste”, nous répond notre expert.

Dormir plus tard est à proscrire. Au mieux c'est sans véritable effet sur la récupération, au pire c'est catastrophique pour la qualité des journées consécutives.

Première solution donc, se coucher plus tôt. Une promesse vaine que je me fais chaque matin devant mes 12 capsules de café mais qui aurait le mérite d’être salutaire si je me décidais à m’y tenir une fois pour toutes. Et pour cause, en se couchant plus tôt que d'habitude, le manque de sommeil va favoriser l'endormissement à un horaire où le sommeil lent profond (le sommeil de la récupération) est programmé par notre horloge biologique.

À l’inverse, retarder son réveil, snoozer sans fin l’alarme de son réveil jusqu’à épuisement de la batterie de son smartphone ou miser sur les grasses matinées du week-end se révèle inutile voire contre-productif. “Dormir plus tard est à proscrire. Au mieux c'est sans véritable effet sur la récupération, au pire c'est catastrophique pour la qualité des journées consécutives”, alerte le chronobiologiste.

Dès le lendemain, pleine de bonne volonté, je m'exécute et me couche approximativement à la même heure que ma voisine nanogénaire. Si la première tentative ne fut pas des plus concluantes, je dois avouer que mes premiers bâillements se sont par la suite progressivement calés sur ce nouveau rythme auto-imposé et, sans non plus bondir du lit à 5h du matin façon “miracle morning”, mes matins se sont révélés de moins en moins pénibles. C’est déjà ça de pris.

Reste encore à prolonger cette nouvelle discipline sur la durée, ce qui n’est pas forcément gagner.

La sieste a du bon 

Autre possibilité si notre to do list à rallonge nous empêche de nous coucher après le journal de 20h ? “Le deuxième moyen de récupérer de la privation de sommeil est de faire la sieste. C'est-à-dire de s'allonger pour dormir une vingtaine de minute en début de l'après-midi. Cela nécessite un peu d'apprentissage (de conditionnement) mais c'est très efficace”, assure Damien Davenne.

Et pour cause, les bénéfices de la sieste sur la santé seraient en opposition symétrique avec les effets délétères de la privation de sommeil. La sieste renforcerait ainsi le système de défenses immunitaires, préviendrait les maladies cardiovasculaires et métaboliques, stimulerait la cognition ou encore réduirait notre propension à commettre des erreurs et accidents.

En une heure ou deux de sommeil supplémentaire, on peut récupérer plus de 10 heures manquantes.

Pas étonnant donc que certaines entreprises l'aient autorisée voire organisée dans leurs locaux, à l’image des ténors de la Silicon Valey qui se targuent d’avoir des salles à siestes à disposition de leurs salariés. Pour avoir tester celles des bureaux d’un grand moteur de recherche sur Internet, je dois vous avouer que le concept a de quoi séduire et peut s’avérer salvateur, bien que peu de salariés n’osent en réalité l’utiliser, pression sociale oblige. Pourtant une question demeure : comment vingt minutes vont venir compenser à elles-seules mes 20 ans de sommeil déficitaire ?

“La récupération n'est pas donnant-donnant : elle est beaucoup plus rapide que la perte, en une heure ou deux de sommeil supplémentaire, on peut récupérer plus de 10 heures manquantes", m’assure le scientifique.

On va donc le croire sur parole et s’astreindre à passer quelques instants en PLS sur son canapé, avant le début du point du jour que le boss s'entête à caler religieusement chaque jour. S’il m’est personnellement difficile de m’endormir profondément sur commande, je dois avouer que les quelques minutes que j’ai pu occasionnellement réussir à grappiller m’ont effectivement permis de mieux aborder le reste de ma journée.

Et rien que pour ça, ça valait le coup d’essayer.

*Pour les personnes souffrant d’insomnie, le professeur recommande de s’attaquer aux problèmes divers et complexes qui sont à l'origine de ces troubles. En cas de troubles du sommeil chroniques, n'hésitez pas à consulter.