Non, la rupture amoureuse n’est pas forcément synonyme d'échec 

rupture pas échec
Acte libérateur, leçon de vie ou point de départ d’une nouvelle histoire, la rupture amoureuse s'émancipe de son carcan négativiste pour mieux révéler ses vertus bienfaitrices. Pour la relation, pour l’autre mais surtout pour soi.

“C’était mon idée de brûler ma robe de mariée. Et c’était fantastique.” Deux semaines après que son divorce avec son époux pour adultère avéré soit officiellement prononcé, Marie-Renée peine à dissimuler son excitation.

Pour fêter l'événement, cette américaine interviewée par The Cut raconte en détails les tenants et aboutissants de sa “divorce party”, considérée comme les nouveaux “enterrements de vie de jeune fille” par le magazine féminin.

“Elle a placé la robe sur le haut du barbecue, avec par-dessus un hot-dog représentant son ex", précise l’organisatrice de la fête, mentionnant également des jeux de fléchettes à l’effigie de la maîtresse du-dit mari infidèle. Si le concept a de quoi laisser perplexe, il jouit pourtant d’une popularité exponentielle dans le pays du tout-business.

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Selon Christine Gallagher, “divorce party planner”, le nombre de demandes a presque triplé en vingt ans : elle organise désormais trois fêtes de séparation par mois, à des tarifs allant jusqu’à 20 000 dollars la soirée.

Alors que le nombre de mariages ne cesse de baisser (- 5000 en France entre 2017 et 2016 selon l’Insee) et que les divorces continuent d’augmenter (+4 400 entre 2016 et 2015, toujours selon l’Insee), il n’est pas déraisonnable d’envisager l’arrivée prochaine de ses célébrations déjantés dans nos contrées, particulièrement friandes par ailleurs de ces concepts made in USA, à l’image des EVJF et autres baby shower stéréotypées.

La rupture amoureuse, un échec stigmatisant socialement

“Cela marque un changement dans l’acceptation du divorce par la société. Ce n’est plus comme à l’époque où le divorce était quelque chose de honteux et que vous arrêtiez d’être invité aux dîners de vos amis mariés", commente l’auteure.

Exit le divorce déchirant à grands renforts de joutes judiciaires ou la rupture larmoyante façon Bridget Jones, sur fond de Chardonnay et de Céline Dion : la séparation amoureuse façon 2022 se veut positive et réjouissante, aux antipodes d’un paradigme socialement construit qui tend à la considérer comme un échec aussi cuisant que stigmatisant.

"Rien que la terminologie est biaisée : on dit qu’une relation s’est “brisée”, qu’elle s’est “terminée”, que l’on a “rompu” : c’est négatif et culpabilisant", souligne sur Refinery29 la psychologue clinicienne Linda Blair, tout en rappelant les injonctions à la perfection de la société contemporaine, qui conduisent à faire du succès la valeur cardinale de notre épanouissement, voire de notre identité.

Une leçon de vie comme une autres 

“Nous avons tendance à nous identifier à nos échecs, à les essentialiser, à confondre avoir raté et être un raté", pointe le philosophe et romancier Charles Pépin dans son podcast hebdomadaire.

Résultat ? Plus qu’un simple revers, la rupture se mue alors le plus souvent en vertigineuse remise en question, mêlant pertes de repères et failles narcissiques ravivées. Or, selon l’auteur de l’ouvrage Les Vertus de l'Échec (Allary, 2016), ce dernier peut être au contraire l’occasion d’avancer plus rapidement, d’affirmer son caractère, de faire l’expérience du réel ou d’être tout simplement une précieuse source d’enseignement.

“Une rupture n’est pas un échec : vous avez appris que quelque chose ne vous convenait pas, ne convenait pas à l’autre ou à tous les deux. Et puis, peu de relations durent pour toujours !”, abonde le Dr. Blair, la psychologue plaidant pour une réhabilitation de la rupture comme une leçon de vie dont il est possible de tirer profit.

Au lieu de voir ça comme la fin de quelque chose, on préfère le voir comme le début d’un nouveau chapitre de notre relation.

C’est par exemple ce qu’a appris récemment Julie*, 26 ans, tout juste séparée de son compagnon. “Mon meilleur ami est devenu mon mec… qui est maintenant mon ex", résume la jeune femme. "Au lieu de voir ça comme la fin de quelque chose, on préfère le voir comme le début d’un nouveau chapitre de notre relation.”

Après une période de séparation physique et émotionnelle, les deux vingtenaires n’ont pas hésité à se fréquenter de nouveau et apprendre à renouer des liens singuliers, ensemble et séparément. Ou quand la fin d’une relation sonne le début d’une nouvelle, avec l’autre… ou tout simplement avec soi.

Un acte d’amour féministe 

Pour Marion, 36 ans, sa rupture fut l’occasion de mettre fin à une relation amoureuse aux accents toxiques mais surtout, comme le disait Simone de Beauvoir, d’entreprendre la grande aventure d’être soi.

“Ma psy m’a dit qu’elle me sentait beaucoup plus épanouie depuis ma rupture, et une amie m’a lancé que je rayonnais depuis que j’étais célibataire. Elles ont raison, je me lève chaque matin avec le sourire et un sentiment d’euphorie et d’alignement qui ne me quitte pas", confesse celle qui décrit sa rupture comme un grand élan féministe.

"Être alignée avec ses convictions, c’est un sentiment ultra-puissant qui fait pousser des ailes". Un sentiment que partage Kelli Maria Korducki, autrice de L’étonnante histoire féministe de la rupture amoureuse (Ed. Marchand de feuilles, 2020).

Toutes les femmes que j’ai interviewées reconnaissent avoir tiré du positif de leur rupture. (...) Elles utilisent toutes le vocabulaire de la libération.

Dans son livre, la journaliste basée à New York explique combien la décision de rompre reste pour une femme un acte radical, presque révolutionnaire, en raison - entre autres - de la sempiternelle injonction sociétale à se mettre (et rester) en couple, élevée en idéal de vie suprême.

Un discours engagé, qui en dépit de son caractère militant s’inscrit dans une réalité avérée qu’ont pu observer à grande échelle certains sociologues.

C’est le cas de François de Singly qui évoquait déjà dans l’une de nos interviews les bénéfices individuels de la rupture amoureuse. "Toutes les femmes que j’ai interviewées reconnaissent avoir tiré du positif de leur rupture. (...) Elles utilisent toutes le vocabulaire de la libération et vivent même ce changement comme un "rajeunissement" et une reprise en main de leur vie", décrit-il.

De quoi moins redouter sa prochaine rupture que de l’attendre avec impatience.

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