Femmes trompées, vivre avec une étiquette collée sur le front

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Trompées par leur partenaires, ces femmes choisissent de pardonner, par-delà la déception. Mais ce choix pas toujours évident leur colle une nouvelle étiquette, apposée par des proches envahissants et une société emplie d'injonctions.

L'infidélité conjugale ? Un thème sur-filmé par les cinéastes, sur-mis en scène par les dramaturges de boulevard, sur-étudié par les sociologues, mais aussi, sur-traité dans les magazines. Presque un marronnier pour la presse féminine, qui répète aux femmes trahies qu'elles ont le droit de partir. Une évidence cruciale à surligner.

Mais pour certaines, ce droit de partir martelé par leurs proches - certainement bienveillants mais sourds à leur volonté - s'est transformé en injonction à ne pas rester. On le lit peut être moins mais, ces femmes trompées (et l'on parle ici que d'elles, et non des victimes de violences physiques, psychologiques, verbales, ndlr) ont aussi le droit de rester, et ce, sans craindre d'être mal-vues par leur entourage qui estimerait que pardonner l'adultère est un incompréhensible signe de faiblesse de leur part.

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Des femmes qui ont décidé de rester auprès de leurs conjoints infidèles confient à Marie Claire leur double peine : la tromperie, puis l'incompréhension de leurs proches, qui, par leurs agissements désapprobateurs, ont collé sur leur front à la Glu un post-it "cocue".

Une mauvaise comédie romantique 

Un peu comme dans une mauvaise comédie romantique. L’épouse tourne la clef dans la porte du foyer familial, en criant "Chéri, je suis rentrée plus tôt aujourd’hui !" et découvre le "Chéri" en question, nu, se couvrant le sexe sous le drap en bégayant. 

Ce jour-là, pour la première fois de sa carrière, Agathe quitte sa boutique aux alentours de 17h30. Deux heures plus tôt que la fermeture officielle. La fatigue, les clients plus râleurs qu’acheteurs... cette fois-ci, c’en est trop : rideau ! Elle imagine faire une surprise à son mari, architecte d’intérieur, qui doit être en train de dessiner des plans sur son ordinateur depuis son bureau à la maison.

La surprise avait une autre saveur. Son époux depuis quatre ans à l’époque, était en train de se rhabiller lorsqu’Agathe a poussé la porte. La maîtresse s’était déjà enfuie, mais l’atmosphère de la chambre ne laissait place à aucun doute. Un préservatif déchiré sur la table de chevet, une serviette parfaitement positionnée au centre du drap, pour ne pas le tâcher. Terrible cliché du "cinq à sept", cette tranche horaire dans la journée que les infidèles accordent à leurs maîtresses ou amants.

"Pris en flagrant délit !", rit aujourd’hui Agathe, avec trois ans de recul. "Boris s'assoit au coin du lit. Il a la décence de ne pas nier. Il ne tente même pas de me faire croire que c'est la première fois qu'il faute", rembobine la femme de 36 ans. 

Le choix de rester

Le couple s’explique durant de longues heures, Boris plaide sa cause, sèche les larmes d’Agathe et en verse quelques unes lui-aussi. Une scène qui se répètera plusieurs nuits les semaines suivantes.

Lorsqu’elle se retrouve seule à sa boutique, Agathe se confie à ses amis, à sa sœur et à sa mère, à l’autre bout du fil. "Je ressentais le besoin d’être écoutée dans ma souffrance de femme trompée, de pleurer sans honte auprès d’intimes. Mais je refusais que mes proches jugent, insultent mon mari ou l’autre femme, ça ne me soulageait pas", assure Agathe. Un jour, sa soeur Anne-Sophie* lui lance : "Arrête de me raconter tout cela, car je ne veux pas le détester, si jamais tu choisis de rester avec lui". Ça ne manquera pas.

Je suis restée, non pas par manque de courage, ni par peur de me retrouver seule ou de repartir à zéro avec un nouvel homme [...].

"Je suis restée, non pas par manque de courage, ni par peur de me retrouver seule ou de repartir à zéro avec un nouvel homme, ni pour des enfants que nous n’avons pas encore, et encore moins par dépendance financière, mais parce que Boris était littéralement l’homme de ma vie, c’est-à-dire, celui que j’avais choisi pour construire un parcours de vie. Il m’avait trahie, déçue aussi, mais prendre soin de notre relation et de nos projets à longs termes demeuraient mes objectifs, ils prenaient le dessus. J’y croyais encore", développe clairement la femme trompée.

Pourtant, au fil du temps, sa sœur n’entend rien de ses arguments, envahie par une colère envers celui qui a fait du mal à sa chair. "Comme si, déjà, j’avais à me justifier sur ma décision…", soupire Agathe, agacée par ce "faux réflexe protecteur".

Des proches qui condamnent

Alors que le couple tente de se reconstruire à sa manière, sort au restaurant, va à des concerts ou chez leurs amis, "qui ont cette délicatesse d'agir normalement", la grande sœur d’Agathe décline leurs invitations à dîner. La situation devient si pesante que leur mère organise un goûter de réconciliation. Un piège, en réalité, car les sœurs ne savent pas que l'autre y est aussi conviée.

Je sais qu'elle m'a trouvée faible. C'est insupportable. Et si pour moi la vraie faiblesse aurait été d'abandonner ?

Anne-Sophie lance des regards crucifiants à Boris, qu'elle estime désormais être une mauvaise personne, pour son infidélité, mais aussi à Agathe, qu'elle accuse d'être faible. "Ma sœur a découvert avoir été trompée durant trois ans, sur toute la durée de sa plus longue relation, il y a quelques années. Elle avait quitté son conjoint sur-le-champ, dévastée par cette trahison. Je crois qu'elle n'est pas mal-intentionnée envers nous, mais qu'elle ne peut s'empêcher de comparer. Pourtant, ces deux histoires, comme toutes les histoires d'amour, sont différentes", décrypte Agathe, calmement. Avant de s'emporter : "Je sais qu'elle m'a trouvée faible. C'est insupportable. Et si pour moi la vraie faiblesse aurait été d'abandonner ?"

Repenser l'infidélité

"Il n’est même plus nécessaire de sortir de chez soi pour tromper l’autre, on peut avoir une liaison tout en étant au lit à ses côtés", écrit l'Américaine Esther Perel, psychothérapeute et thérapeute du couple et de la famille, dans son essai pour "repenser l'infidélité" au titre provocateur, Je t'aime, je te trompe (ed. Robert Laffont).

"Notre époque connectée offre des occasions de flirter à n’en plus finir. De nos jours, 75% des Français possèdent un smartphone – ce qui revient à transporter "une ribambelle de célibataires 24h/24 dans votre poche", comme le dit l’humoriste Aziz Ansari. Et pas seulement des célibataires. Les personnes mariées ont leurs propres sites de rencontres (...)", rappelle-t-elle aussi.

Parmi ces mariés clandestinement connectés à l'interdit : l'époux de Cécile*. Mariée depuis quinze ans à Vincent*, avec qui elle élève leurs deux enfants, Cécile est "tombée d'un gratte-ciel" lorsqu'elle a découvert, sur son iPhone qu'il laissait traîner et qui ne cesser de vibrer, son échange sans équivoque avec une inconnue rencontrée en ligne. L'interrogée ne souhaite pas s'étaler sur le contenu de ces messages. "Cela reste un mauvais souvenir, qui pince mon cœur, quand je le réveille".

Un silence gêné

Parlons alors de la suite, à deux, à quatre. Trahison, mais pardon. C'est le choix de Cécile, pour qui "se séparer du père de ses enfants pour cette écartade aurait été égoïste", répète-t-elle. En quinze ans de relation, Cécile et Vincent ont construit leur monde autour d'eux, une bande de couples d'amis solides, partenaires de toutes leurs vacances, façon film de Guillaume Canet. Et comme dans Les Petits Mouchoirs, leurs copains optent pour un silence gêné. 

Ils étaient si gênés que je me suis imaginais qu'ils avaient connaissance d'autres tromperies que j'ignorais.

"Nos amis savaient, bien sûr, ou par l’un ou par l’autre. Ils n’avaient peut être pas tous la même version, ce qui devait accroître leur malaise", repense Cécile. Elle se souvient avoir "appréhendé leurs regards". "Certains étaient fuyants, ils semblaient plus mal à l'aise que moi. Ils étaient si gênés que je me suis imaginais qu'ils avaient connaissance d'autres tromperies que j'ignorais", se rappelle-t-elle douloureusement.

La décision du pardon appartient à la femme trompée

En discutant avec certains d'entre eux, l'épouse de Vincent comprend que leur embarras résulte simplement du fait qu'eux, n'auraient pas réagi, puis agi, de la même manière qu'elle face à l'adultère. "Autrefois, divorcer vous couvrait de honte. Désormais, c'est refuser de le faire alors que vous en avez la possibilité qui vous déshonore", pointe, à ce propos, la thérapeute de couple Esther Perel.  Qui soulève ici un point fondamental : en plus du poids de la trahison qu'elles ont à porter, ces femmes trompées se voient lourdement jugées par leurs proches. 

Mais comme l'explique avec justesse Cécile, "ce n'est pas à eux d'estimer si cette situation était pardonnable ou ne l'était pas. D'accord, je me suis confiée à eux, je leur ai demandé conseils, et oui, ils devaient m'épauler, si j'en ressentais le besoin, mais cela restait notre épreuve de couple. Je les ai rassurés, mais en m'affirmant". 

En somme, nos témoins disent la même chose : la décision du pardon appartient encore à la femme trompée. Et à Agathe de s'exclamer : "Encore heureux !".

*À la demande des interrogées, les prénoms ont été modifiés.

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