"On ne couche pas avant le troisième date". "On n’embrasse pas le premier soir"... Nous avons tou.tes entendu un.e ami.e exposer ces règles au détour d'un débrief post rendez-vous amoureux, - si l’on n’est pas nous-même cette personne un brin moralisatrice -.

Pourtant, il est visiblement impossible de remonter aux réelles origines de ces étapes relatives au dating. Le sexologue Lawrence Siegel souligne d'ailleurs, auprès du HuffPost, que s'il pense que ces idées ont pris racine à la fin des années 80, "la règle des trois rendez-vous est l'une de ces choses que les gens aiment citer, mais que personne ne peut jamais sourcer".

Malgré tout, elles résonnent chez la majorité d'entre nous parce qu'elles ont largement été véhiculées par la pop culture des années 90/2000. Et notamment via la parole de Carrie Bradshaw et de ses meilleures amies héroïnes de Sex and the City, à cause de qui ces règles internalisées nourrissent encore aujourd'hui des "attentes hétérosexistes" en matière de parade amoureuse.

Mais que disent-elles de nous et faut-il vraiment suivre une stratégie bien ficelée pour miser sur une relation saine et durable ? 

Règles de dating : la réponse universelle n'existe pas

"Non", répond d’entrée Mélanie Frison, conseillère sentimentale. Cependant, elle admet qu'il s'agit là d'une préoccupation qu’elle observe très régulièrement en coaching. 

"C’est une vraie demande. On veut savoir au bout de combien de mois, on peut être intime, au bout de combien de temps, on peut dire qu’on est couple… Mais il n’y a pas de réponse universelle, toutes les relations sont différentes". 

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D'autant que l’exemple le plus parlant debunkant ce schéma se trouve finalement dans les messages véhiculés eux-mêmes. Si la règle des trois dates sans sexe semble être la plus connue, sur TikTok, où les récits amoureux se sont fait une place de choix ces dernières années, nombreux sont les coachs en amour - généralement non certifiés… - qui recommandent d’attendre le même nombre de rendez-vous pour embrasser son/sa partenaire. 

Si passée cette deadline décisive, aucun contact physique n’a été amorcé, alors, vous devriez considérer que relation amoureuse, il n’y aura jamais.

@coachjakemaddock Are you dating a man or a mouse?? ?? #jakemaddock #relationships #relationshipadvice #dating #datingadvice ? original sound - Jake Maddock

Mais alors, quel mode d'emploi suivre ? Et quid de celles et ceux qui préfèrent prendre leur temps ? Des timides ? Des personnes qui sortent de relations difficiles ? Visiblement, aucune exception n’est prise en compte dans l’univers impitoyable de la recherche de l’amour. 

Des injonctions qui créent une pression paralysante

C’est justement ce qui dérange Marion*, 26 ans. Elle qui n’a "jamais vraiment eu de petit ami" s’inquiète de ces "obligations non dites" qui pourraient lui "mettre la pression" une fois un futur partenaire en vue. 

"C’est déjà assez difficile de trouver quelqu’un de sérieux aujourd’hui, notamment sur les applis, donc si j’avance dans le processus des dates en me disant qu’à chaque fois, il faudra avoir franchi une étape physique, c’est angoissant au possible", plaide-t-elle. 

Même son de cloche du côté d’Aurélie, 34 ans, elle aussi célibataire. "Ça créé une attente chez l’autre, comme si on n’était pas 'normale' de vouloir prendre notre temps. Pour moi, l’intimité est sacrée et voir la personne trois fois avant d’être nue dans un lit avec, ce n’est clairement pas assez". 

Mélanie Frison rappelle que non, "ce n'est pas parce qu'on ne va pas embrasser directement qu’on va passer pour une prude". Il existe d'ailleurs d'autres manières de sensualiser un rendez-vous sans pour autant passer pas la case bisous : "il y a les jeux de regard, les mots et le toucher... Si votre partenaire vous met la pression, ce n'est absolument pas normal. On peut dire non à tout moment et l'autre doit le respecter".  

Fille facile et relation sans lendemain : des croyances qui pèsent sur les femmes 

À l’autre bout du spectre, il y a aussi celles qui craignent le slut shaming alors qu’elles ont juste écouté leurs envies. 

Si, à 23 ans, Camille explique désormais ne plus être rythmée par ces règles, elle a pu l'être au début de sa vie amoureuse. 

"Il y a une fois où j’ai ressenti de la culpabilité, à 18 ans. J’avais rencontré quelqu’un et on s’était vu une fois. Il y avait juste eu bisou. Lors du second rendez-vous, il m’a proposé de passer la nuit ensemble, mais j'ai refusé, parce que j'avais peur d'avoir l'étiquette de la fille facile, qu'on parle de moi derrière mon dos", confie-t-elle. 

Laura, 31 ans, abonde. "Je n'ai pas dit tout de suite à mes copines que j'avais conclu avec mon mec le premier soir. J'avais peur qu'on me dise que c'était n'importe quoi, qu'il allait partir parce qu'il avait eu ce qu'il voulait". 

En effet, au-delà de l'étiquette, qui rejoint le débat autour du body count - dont les hommes eux, ne sont pas dotés, lorsqu'ils décident de coucher le premier soir, comme nous le confirme Paul, qui admet "ne jamais avoir ressenti de pression sur ce terrain-là, au contraire" -, persiste aussi la croyance que partager des moments intimes avec une nouvelle personne "trop tôt" tuerait la relation dans l'oeuf. 

"Ça n'a jamais empêché personne d’avoir des relations saines et heureuses. Il n’y a pas de corrélation, quand les partenaires sont sur la même longueur d'ondes. Il n’y a pas d’injonction à attendre ou à faire ci ou ça à tel ou tel moment", martèle la conseillère sentimentale.  

Bisous, sexe, officialisation : quelle temporalité ? 

Comme le note Camille, ces règles semblent perdre de leur valeur en grandissant et les relations passant. "On reste sur le feeling, sur l'envie, sur le consentement des partenaires... Et c'est tout !", sourit-elle. 

Une pensée qui s'inscrit dans une envie de déconstruction des règles autour du dating, à l'heure où les applications de rencontres sont de plus en plus délaissées. 

Pour Mélanie Frison, il est également important de souligner qu'au-delà de messages récupérés de sa série préférée, il s'agit aussi parfois d'un besoin de contrôle - "si tu ne respectes pas ce schéma, ta relation ne fonctionnera pas" -, mais là encore, l'état d'esprit n'est pas le bon. "On ne peut pas contrôler l’autre, il faut venir avec intégrité et ouverture dans la relation", rappelle la spécialiste.  

Enfin, le sujet peut tout à fait être abordé en duo - notamment si vous craignez que votre partenaire "attende" quelque chose de vous à la fin de chaque rendez-vous -. Mélanie Frison invite donc à jouer cartes sur table et à évoquer le sujet, afin de ne pas nourrir une pression - et des angoisses - inutile(s).