Covid long : quels sont les symptômes persistants de la Covid-19 ?

Par Marie-Émilie Hugoni
effets covid persistant
Les symptômes de la Covid-19 disparaissent dans la majorité des cas une quinzaine de jours après leur apparition. Cependant, de plus en plus de malades, considérés comme guéris, sont dits atteints d’un Covid-long. Ces derniers souffrent de symptômes persistants et en voient même apparaître d'autres.

Qu’ils aient été atteints d'une forme grave ou bénigne de la Covid-19, qu'ils aient été hospitalisés ou non, nombreux sont les "anciens" malades à alerter sur la persistance ou la réapparition de leurs symptômes. Pire, certains voient même de nouvelles séquelles se manifester, plusieurs mois après leur contamination. 

Fatigue, perte d'odorat, courbatures... La longue liste des effets à long terme de la Covid-19

La fatigue, l’oppression thoracique ou encore la perte de l’odorat sont les principaux symptômes persistants de la Covid-19, détaillait Dominique Salmon-Ceron, infectiologue à l’Hôtel-Dieu à Paris, dans une interview accordée en mai dernier à Le Parisien.

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Selon une étude publiée en ce début d’année 2021 dans la revue scientifique Journal of Internal Medicine, près de 5 % des patients ayant perdu leur odorat pendant leur infection à la Covid-19, ne l’ont pas retrouvé six mois après.

"Aujourd’hui, on voit de plus en plus en consultation des patients, notamment des femmes jeunes en bonne santé, qui ont développé des symptômes compatibles avec la Covid-19 et qui s’adressent à nous parce que, 30 à 45 jours plus tard, elles se plaignent de nouveau de ces symptômes", confirmait également à 20 Minutes le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches.

D’autres symptômes tels que les maux de tête, la perte de goût, les difficultés respiratoires (essoufflement, souffle court), des manifestations cutanées, une persistance de la toux, mais aussi des troubles cognitifs, des complications cardiovasculaires (tachycardie, hypertension), pulmonaires, musculaires (courbatures) et rénales ont depuis été signalés par les patients. 

Un syndrome de stress post-traumatique s'ajoute aussi parfois à cette longue liste. Il touche notamment les personnes qui ont été placées en réanimation ou celles qui comme Lilas Bass, doctorante en sociologie à l'EHESS et enseignante à Sciences-Po, se sont retrouvées seules, chez elles, démunies face à une violence des symptômes qu'elle ne soupçonnait pas. "Je ne pouvais plus me lever, parler, manger", confiait-elle à Les Inrockuptibles en août 2020.

Un article australien a classifié les troubles neurologiques associés à la Covid-19 : "ils entrent dans 5 catégories : encéphalopathies, syndromes inflammatoires du système nerveux central (SNC), accidents vasculaires cérébraux ischémiques, troubles neurologiques périphériques et divers autres troubles du SNC. Ces symptômes nous obligent à reconnaître un syndrome neurologique post-covid", notent les chercheurs.

Au total, près de 100 symptômes à long terme ont été renseignés dans une enquête menée auprès de plus de 1500 patients par la faculté de médecine de l’Université de l’Indiana. Les chercheurs ont trouvé des preuves de dommages aux poumons, aux reins et au cœur, et un article récent décrit un mécanisme par lequel le virus peut avoir des effets durables sur le cerveau.

Quel est le profil des patients ?

Selon une étude publiée début janvier 2021 dans la revue The Lancet et menée à Wuhan sur plus de 1 700 malades, 76 % des personnes ayant été hospitalisées (ce qui représente un patient sur quatre) en raison de la Covid-19 souffriraient encore d’au moins un symptôme six mois après leur infection.

La fatigue intense ou la faiblesse musculaire sont les symptômes les plus courants, mais aussi les troubles du sommeil et la dépression. Ceux qui ont été le plus gravement malades voient également leurs capacités pulmonaires altérées de façon sévère. Selon les auteurs, il faut approfondir l’étude sur les formes longues afin d’améliorer le suivi. 

En mai 2020, l’hôpital de l’Hôtel Dieu de Paris a ouvert une consultation appelée "post Covid" et une étude PERISCOR, spécifiquement destinée à ces patients atteints par des "formes longues" de la maladie. Etudiés puis analysés, les résultats de l’étude ont été publiés dans le Journal of Infection début décembre.

Depuis l’ouverture de cette consultation et jusqu’à mi-juillet, l’hôpital a recensés 113 patients se plaignant de symptômes prolongés. Leurs données ont été recueillies de façon anonymisée et standardisée sur un questionnaire pré-établi, avec leur accord. Les antécédents des patients, l’histoire clinique initiale et celle des rechutes, les données virologiques, biologiques et radiologiques y ont été précisées.

Parmi les patients qui se sont présentés, 70 avaient bien eu une infection à la Covid-19 documentée, qui pu être confirmée par test PCR ou sérologie. Ces patients étaient relativement jeunes, puisqu’âgés de 36 à 51 ans, avec un âge médian de 45 ans. La moitié d’entre eux pratiquaient un sport régulièrement. Enfin, les femmes étaient surreprésentées dans cet échantillon (78,6 % des participants).

Les symptômes de la Covid-19 survenus lors du 1er épisode s’étaient en général avérés minimes. Seuls neuf patients avaient dû être hospitalisés, parmi lesquels deux avaient dû être mis sous oxygène. Aucun n’avait dû être admis en réanimation.

Lors de la phase persistante, les symptômes observés pouvaient différer de ceux qui s’étaient manifestés initialement. Le plus prédominant d’entre eux était la fatigue. Souvent extrême celle-ci a contraint une grande partie des patients à interrompre le travail qu’ils avaient pu reprendre après la maladie. Cette fatigue était souvent majorée par le moindre effort un peu poussé, aussi bien physique qu’intellectuel.

Comment l'expliquer ?

Plusieurs études ont été lancées par des infectiologues et chercheurs, comme Dominique Salmon-Ceron avec "Covidorl" et "Corec" ou Olivier Robineau avec "Cocolate", afin de définir la cause de ces symptômes qui persistent ou resurgissent. L’hypothèse évoquée par le Dr Davido est celle d’un "dérèglement immunitaire" due à l’infection. Mais pour l'heure, les pistes sont nombreuses et il faudra de toute façon attendre plusieurs mois, voire des années, avant de faire toute la lumière sur ce virus et ses conséquences à long terme sur l'organisme.

Pourrait-il s’agir d’une persistance du virus, qui demeurerait encore dans l'organisme des patients ? Pour Pierre Tattevin, infectiologue, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes et président de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française, interrogé par France Culture en novembre, "probablement pas".

"Ce virus, explique-t-il, n’est pas tellement équipé pour persister au long cours, comme les virus des hépatites ou du sida ou de la mononucléose infectieuse. La plupart des gens qui ont retesté le virus directement par PCR ou par des sérologies, n'ont pas retrouvé d'éléments qui suggèrent qu’il persiste ou continue à se multiplier pendant des mois."

Il évoque par ailleurs toutes les hypothèses envisagées par les scientifiques, pouvant expliquer ces symptômes persistants : "On a pensé que les poumons pouvaient avoir évolué vers une espèce de fibrose ou une altération des tissus. Tous les scanners sont normaux. On a pensé aussi qu'ils avaient pu faire des embolies pulmonaires qui bouchent les vaisseaux qui expliqueraient la fatigue et les difficultés respiratoires. Mais là encore, quand on regarde avec des moyens spécifiques, c’est normal. On a pensé que le cœur peut-être, avait pu souffrir dans la bataille, mais les échographies du cœur, par exemple, qui est quelque chose d'assez précis pour voir si le muscle fonctionne bien, sont normaux. Il y a eu aussi pas mal de prises de sang réalisées pour voir s'il y avait des anticorps, un syndrome inflammatoire qui persiste et là aussi, c'est négatif. On a pensé aussi que ça pouvait être un équivalent d’asthme, avec des bronches devenues réactives. Et là non plus, en général, on ne retrouve pas d’anomalie".

"L’hypothèse la plus solide, sans doute, c'est que ce sont des gens qui se sont très bien défendus contre la maladie en général (n’ont pas eu besoin d'aller à l'hôpital, sont restés quelques jours au repos et c'est tout). Et c'est peut-être un peu tout ce qu'ils ont engagé pour lutter contre le virus, dont ils paient un peu les frais pendant quelques mois. C'est le temps de récupérer tous les efforts qu'ils ont dû faire pour s'en débarrasser", indique-t-il.

Selon le professeur Olivier Bouchaud, responsable du service des maladies infectieuses à l’hôpital Avicenne de Bobigny (AP-HP) "il faut être prudent dans l’explication de ces symptômes. (…) Il faudra faire la part des choses entre des manifestations qui peuvent être liées à des conséquences inflammatoires ou de cicatrisation de l’infection, comme les fibroses pulmonaires. Mais pour la fatigue, par exemple, ce sera très difficile de faire la part des choses entre un syndrome post-infectieux directement lié à la trace que peut laisser le virus dans le corps et une manifestation qui serait purement psychologique." expliquait-il en juin dernier à RFI.

Quelle prise en charge pour les "Covid long" ?

En France, de nombreux hôpitaux ont mis en place des structures de suivi de patients rentrés chez eux après un séjour en réanimation par exemple. Le 2 juin, l’Académie Nationale de Médecine publiait un communiqué destiné à la prise en charge des patients convalescents afin de recenser tous ceux présentant une persistance de symptômes et de leur prodiguer des conseils. Les médecins de ville sont également sollicités pour assurer le suivi après infection.

Le 12 juin, l’hôpital Foch à Paris annonçait le lancement d’un service sur mesure baptisé "Réhab-Covid" pour les patients présentant un syndrome post-covid. 

Un nouvel avis de l'Académie Nationale de Médecine sur les séquelles de la Covid-19 a également été publié le 15 juillet. Il liste les différents symptômes persistants de la Covid-19 recensés et donne quelques recommandations, telle que la reprise rapide d'une activité physique, un suivi médical approfondi pouvant donner lieu à des examens poussés comme des scanners et des IRM, mais aussi l'aménagement du temps de travail pour les personnes en activité. 

L'Association française du syndrome de fatigue chronique s'investit aussi dans le suivi des patients "persistants" : elle prodigue quelques conseils aux malades (fractionner ses activités par des pauses, être à l'écoute de son corps, déléguer ses tâches autant que possible, suivre l'évolution de son état de santé via un petit tableau).

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) appelle quant à elle à une prise en charge et une reconnaissance officielle de ces malades dits "persistants" qui ne souhaitent qu'une chose : qu'on ne leur dise plus que "c'est dans leur tête".

Pour organiser le suivi et la prise en charge à long terme des patients présentant des séquelles de la Covid-19, la Société de pneumologie de langue française (SPLF) réclame la création d’une filière de soins spécifique, qui permettrait notamment une coordination des pratiques entre les pneumologues, les centres de soins et de réadaptation, ainsi que les médecins généralistes.

"Il s’agit également de faire prendre conscience de "l’importance de cette nouvelle maladie respiratoire potentiellement chronique qui est en train d’émerger", indique le Pr Rahérison-Semjen, dans une publication du 18 janvier sur le site Medscape.

Le SPLF est actuellement en train de définir les contours de cette filière, avant une éventuelle officialisation. Le réseau s’appuierait notamment sur les structures de réhabilitation respiratoire déjà existantes, mais probablement insuffisantes, a précisé sa présidente.

Ce parcours de soins spécifique semble d’autant plus justifié qu’il pourrait concerner "beaucoup de patients" atteints de la Covid-19."En France, en se basant sur des études de quelques centres hospitaliers, près de la moitié des patients hospitalisés présentent, à un mois, une atteinte respiratoire fonctionnelle" note le Pr Rahérison-Semjen.

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