Sur les 15 millions d’hypertendus en France, plus de 4 millions s’ignorent, et ce sont principalement des femmes. En cause, les préjugés qui ont la vie dure dans le corps médical. Beaucoup de médecins pensent en effet encore que l’hypertension est une affaire d’homme ou de dames âgées, dans la mesure où les jeunes femmes sont censées être protégées par leurs hormones.

Résultat : ces six dernières années, la prise en charge de l’hypertension artérielle s’est dégradée chez la femme. Elle est moins dépistée et moins contrôlée, assure une étude de Santé Publique France d’avril 2018. Or l’hypertension, qui reste le premier facteur de risques d’infarctus et d’accident vasculaire cérébral (AVC), est "plus fréquente chez les femmes de 18 à 34 ans que chez les hommes du même âge", souligne le cardiologue Thierry Denolle, président de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA). 4% des femmes adultes de moins de 34 ans sont hypertendues et 8% des 35-44 ans.

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Les signes qui doivent alerter

L’hypertension avance à pas feutrés. Elle ne génère souvent pas de symptômes spécifiques, sauf lorsque la tension a déjà grimpé à un niveau très élevé. Mais "certains signes doivent alerter, comme les maux de tête, des difficultés de concentration, des vertiges, une fatigue chronique, des troubles visuels (impression de papillons devant les yeux), des bourdonnements d’oreille voire un essoufflement à l’effort", précise le Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue au CHU de Lille et présidente de la Fédération Française de Cardiologie (FFC).

Chez la femme, le risque de développer une hypertension artérielle (pression supérieure à 140/90 mm Hg) est plus importante à trois périodes de la vie. La prise de la première pilule est un moment critique, surtout chez les jeunes filles sédentaires qui présentent un fort surpoids ou des antécédents familiaux d’hypertension artérielle. 1 à 2% des utilisatrices de pilules voient ainsi leur tension s’envoler. Pour qu’elle revienne à la normale, elles doivent bannir les contraceptifs contenant des œstrogènes de synthèse et opter pour un stérilet au cuivre ou un implant qui délivre de la progestérone.

Durant la grossesse, un contrôle régulier s’impose

Après 35 ans, le système vasculaire devient moins performant et la fabrication du placenta plus délicate, ce qui augmente le risque d’hypertension gravidique (c’est-à-dire chez la femme enceinte). Avec le recul de l’âge de la première grossesse, le nombre de femmes enceintes hypertendues s’est accru. "L’hypertension touche 10 à 15% d’entre elles", alerte le Pr Mounier-Véhier. Ces dernières nécessitent du repos et une surveillance rapprochée afin d’éviter des risques inutiles pour la mère et le bébé (accouchement prématuré et mortalité fœtale). Une hospitalisation peut s’avérer parfois nécessaire.

À la ménopause, une étape décisive

Lorsque les ovaires cessent de fonctionner, la pression artérielle tend à s’élever chez les femmes. Différents facteurs y contribuent : l’arrêt de la production d’œstrogènes, la prise de poids au niveau abdominal et l’augmentation du taux de triglycérides dans le sang. L’apnée du sommeil favorise également son apparition. Après 65 ans, une femme sur deux se retrouve ainsi hypertendue. Le risque d’accident vasculaire devient alors plus élevé que celui des hommes du même âge.

La mise en place d’un traitement hormonal substitutif peut s’avérer salvateur : elle n'élève pas la tension artérielle et "diminue le risque cardiovasculaire, à condition de démarrer le traitement dès le début de la ménopause", indique le Pr Florence Trémollières, responsable du Centre de ménopause du CHU de Toulouse. Une bonne hygiène de vie devient aussi indispensable : réduction de la consommation de sel, pratique d’une activité physique régulière, adoption de techniques antistress (yoga, méditation de pleine conscience…), etc… 

Remédier à l’inégalité

"La prise en charge cardiovasculaire des femmes reste insuffisante, faute d’une bonne connaissance de leurs spécificités biologiques", déplore le Pr Mounier-Véhier. Pour remédier à cette inégalité flagrante, la Fédération Française de Cardiologie s’est engagée à soutenir des programmes de recherche dédiés. Jusqu’à présent, les femmes étaient sous-représentées dans les essais cliniques (moins du quart des patients enrôlés), alors que les maladies cardiovasculaires représentent désormais la première cause de mortalité féminine. Une urgence de santé publique.