Témoignage : "Je vis avec une stomie"

témoignage stomie
La vie de Claudie a basculé il y a deux ans et demi, lorsque son intestin a été relié à une stomie. Après avoir eu beaucoup de mal à accepter le regard des autres, elle assume aujourd'hui de mieux en mieux sa nouvelle apparence et les contraintes qui vont avec.

Environ 80 000 personnes vivent en France avec une stomie, c’est-à-dire une déviation de l’intestin ou de la vessie vers une poche accolée à l’abdomen. À 48 ans, Claudie en fait partie. 

"Tout a commencé à cause d'une erreur médicale. Je devais subir une hystérectomie car j’avais des fibromes utérins qui saignaient beaucoup et me faisaient mal. Cette intervention est théoriquement bien rodée. Mais au bloc opératoire, le chirurgien m’a sectionné par inadvertance l’intestin grêle et le côlon. Quand j’ai vu mon ventre en salle de réveil, avec des pansements partout et une poche posée sous mes côtes, ce fut un véritable choc. On m’a expliqué ce qu’il s’était passé et que je devrais certainement conserver cette poche intestinale un bon bout de temps. L’idée m’était insupportable.

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J’ai eu envie de mourir. 

"Ce que ma poche représentait me faisait horreur"

Au début, je ne voulais pas voir ni toucher ma stomie. Ce n’était pourtant qu’une petite boule rouge de 70 mm et dont la taille a vite diminué de moitié, mais ce qu’elle représentait me faisait horreur. Quand l’infirmière venait à mon domicile pour la nettoyer et changer les poches deux fois par jour, je ne faisais que pleurer. Puis, il a bien fallu que j’apprenne à gérer la situation. Une nuit, j’ai eu une fuite car la poche était mal adaptée. Du coup je n’ai pas eu le choix : j’ai retiré la vieille poche, lavé ma stomie, découpé une nouvelle poche à la bonne taille... Cela m’a prouvé que j’étais capable de me débrouiller toute seule.

Mais au départ ce n’est pas évident : la découpe ne doit être ni trop large ni trop étroite pour que la poche épouse parfaitement les contours de la stomie, sans l’étrangler. Il y a beaucoup de chose à apprendre. J’étais aussi suivie par une psychologue qui m’a aidée à prendre du recul et à mieux accepter la nouvelle apparence de mon corps. Mais le vrai déclic est venu quand mon fils m’a dit : "Tu sais, tu as failli mourir. C’est grâce à cette poche que tu es encore là". Un jour, j’ai vu une émission de télé avec Charlène, une jeune fille stomisée connue sous le pseudonyme de "Kangouroo Girl" sur les réseaux sociaux. Son cas est pire que le mien, mais elle a tant de force et de volonté en elle que j’ai été gagnée par sa positivité.

Le regard des autres, une peur difficile à affronter pour les stomisés

J’ai mis beaucoup de temps avant de pouvoir m’observer dans la glace, mais le regard des autres me paraissait au début encore plus terrible. Comme je savais que ma poche était un "sac à caca", je pensais que tout le monde le devinait. Je faisais aussi une fixation sur l’odeur et craignais qu’elle se sente de loin. En fait c’est totalement faux car la poche est hermétique et totalement inodore.

Pendant plusieurs mois, je n’ai pas osé sortir en public.

Quand on est habillé, le handicap est invisible mais j’avais honte et j’étais persuadée qu’on allait se moquer de moi. Finalement, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis retournée au café avec des amis. Et j’ai vraiment revécu le jour où j’ai eu ma première housse pour 'habiller' ma poche. Il en existe de toutes les couleurs, avec des motifs différents. C’est vraiment sympa. On peut aussi en commander avec des inscriptions personnelles. Ma préférée est celle où il est écrit 'J’ai un détail en plus et ce détail me rend belle'.

Aujourd’hui je vais au restaurant et même à la plage en mettant les nouvelles petites poches qui ressemblent de loin à des sortes de pansements. Certaines personnes me regardent, mais pas plus que si j’avais les cheveux teints en rouge et bleu. On ne peut pas porter des charges trop lourdes avec une stomie. En revanche, il est possible de pratiquer des sports différents, comme la danse ou le VTT. J’ai un ami qui fait près de 200 km de vélo par jour avec sa stomie !

Des relations intimes bouleversées

Je vivais en couple avant mon opération, mais mon mari m’a dit dès mon retour de l’hôpital : 'Je ne veux pas une poche à merde dans mon lit'. Ce fut la double peine car j’ai dû surmonter la stomie et la rupture en même temps. J’étais désespérée et je pensais ne plus jamais vivre de relations amoureuses. La réalité fut toutefois différente. Quand j’ai réussi à accepter mon nouveau corps et à en parler librement, j’ai rencontré des hommes qui l’ont accepté aussi. J’ai aujourd’hui un ami pour qui ma stomie n’est pas un problème."

Pour beaucoup de patients comme Claudie, la stomie n’est à priori que provisoire, le temps que les organes cicatrisent bien dans le ventre. Mais pour d’autres, elle est définitive. Toutes les stomies ( il en existe deux sortes : les stomies urinaires et les stomies digestives) ne résultent heureusement pas d'une erreur médicale. La plupart sont mises en place dans le cadre d’un traitement visant à guérir un cancer du côlon, du rectum ou de la vessie, une maladie de Crohn, une rectocolite hémorragique, une diverticulite, une maladie rénale ou encore une occlusion intestinale sévère.

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