Pas de vacances pour la charge mentale : épuisées, des mères racontent un été et une rentrée surchargés

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Après l'été et le farniente, on s'attendrait à retrouver tout le monde reposé. Mais les mères sont loin de reprendre la route du travail apaisées. D'après une nouvelle étude, elles rentrent même stressées et épuisées des congés, tandis que leurs compagnons se déclarent détendus à souhait. Trois d'entre elles témoignent de cette charge mentale post-vacances dont on ne parle pas assez.

Quand vient la fin de l’été, les valises reviennent bourrées de souvenirs et… de charge mentale. Du moins pour les mères - qui ont d'ailleurs sûrement fait les valises susmentionnées.

La charge mentale est "le fait de devoir tout prévoir et d’être la cheffe de projet de la maison. Ce n'est pas forcément l'exécution, c'est surtout le fait de penser à tout et que ce soit normalisé au sein de la famille. Cela a des conséquences directes sur la mère, comme la fatigue, mais aussi la dépendance financière, car elle a forcément moins de temps que son conjoint", rappelle Julie Hebting experte des questions d'inégalités femmes-hommes au sein de la sphère domestique et familiales, et fondatrice et directrice de l'association Maydée

Car si elles sont la tête et les bras de leur famille tout au long de l’année (à gérer les charges médicale, émotionnelle, organisationnelle, domestique…) et qu’à l’aube des vacances, elles en font toujours plus que leurs moitiés, leurs congés ne sont pas non plus de tout repos. 

Un constat établi pour une nouvelle étude menée par l’IFOP et le site Bon plan voyage New York, publiée le 29 août 2023. On y lit que "les femmes achèvent leurs congés beaucoup plus 'fatiguées' (70%) que les hommes (57%)". Et que "cette fatigue féminine est à lier au fait que les femmes parties en couple cet été ont assumé beaucoup plus de travail domestique que leur conjoint : 53% des femmes déclarent s’être plus chargées des tâches du foyer que leur conjoint durant leurs vacances, contre 39% qui en ont fait 'à peu près autant' et 8% 'moins' que lui". 

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Les vacances, un temps de repos... pas pour tout le monde

"J’avais presque hâte que mes enfants commencent l’école et la crèche pour avoir un peu de temps pour penser. Toutes les vacances, j'ai été en mode 'full organisation' : penser les trois repas par jour, prévoir les menus, les courses, les bagages, les affaires de bébé...", débute Ariane*, 35 ans, en couple et maman de deux enfants de 3 ans et 3 mois. 

Si cet été a été particulier pour la famille, car le premier passé à quatre et en plein post-partum pour Ariane, la journaliste n'a noté aucune différence quant à la charge mentale qui pesait déjà sur ses épaules. 

"Mon conjoint est très présent et on partage beaucoup de choses, mais lui il est plus du genre à demander si on a la crème solaire une fois sur la plage, alors que j'ai pensé à la mettre dans le sac bien en amont", illustre la mère de famille. 

Lui est plus du genre à demander si on a la crème solaire une fois sur la plage, alors que j'ai pensé à la mettre dans le sac bien en amont.

Que ce soit à la plage ou à la maison, la charge mentale ne prend pas de vacances. Car il est utopique de penser que l'été et son rythme ralentit remettent en question un modèle familial inégalitaire - encore plus sur une période où le maître-mot est repos. L'étude IFOP évoque même une "surcharge féminine" durant cette période (ménage, préparation des repas, lessives...). 

Un constat qui n'étonne pas Julie Hebting. "Tout part de l’inégale répartition. Chez certaines mamans, elle peut aussi s'accentuer avec le poids de la culpabilité qui reste ancré. Notamment celle de devoir 'rattraper' le temps du reste de l'année, où elles travaillent. Elles vont alors avoir tendance à surcharger le programme pour pouvoir profiter et faire plaisir à leurs enfants". 

Penser à la rentrée quand toute la famille profite de l'été

Et même quand (presque) tout le monde est occupé à barboter, il faut déjà penser à la rentrée. "Au fil de l'été je me suis préparée une ligne avec au moins 50 bullet points pour préparer septembre", confie Ariane.

Une visualisation nécessaire pour que la rentrée se passe le plus sereinement possible et que son compagnon ne comprend pas toujours. "On ne fonctionne pas pareil. Lui, il va penser à notre 'bien-être' avant, alors que moi je vais faire les choses pour pouvoir me poser, comme faire la vaisselle pour lire mon livre, tandis que lui, il va lire et se dire ‘je verrais ça tout à l’heure’. Forcément, ça crée un déséquilibre".

Si la trentenaire évoque un couple où les tâches sont plutôt équitablement réparties, elle regrette toutefois que certaines de ces actions ne soient pas reconnues. "Par exemple, il prépare le petit-déjeuner et fait manger notre grand, mais après, il ne range pas les restes ou la vaisselle. C’est moi qui dois passer derrière et ça fait partie des choses que je fais et qu’il ne voit pas, comme si la table s'était débarrassée par magie". 

En ces premiers jours de septembre, avec la routine de rentrée enclenchée et à l'aube de son retour au travail, Ariane s'octroiera "une semaine où [elle] n'a prévu que des choses qui [lui] font plaisir". 

"Les mamans ne peuvent pas se la couler douce"

Un sas de décompression dont rêve également Gwendoline, 31 ans, journaliste et maman de Noah, 6 ans, qu'elle élève seule. "Je rêve d’une semaine de vacances rien que pour moi, parce que je n’ai plus réfléchi que pour moi-même depuis la naissance de mon fils", commence la jeune femme.

C’est frustrant quand on est deux et que c'est toujours la même qui prépare le sac, qui s'occupe de la douche…

"Nous partons en vacances tous les deux depuis qu'il est tout petit, il a l'habitude des allers-retours entre Paris et le Sud pour aller voir ma famille. Mais pendant ces moments-là, on est toujours sur le qui-vive, on n'est jamais totalement détendue : il faut prévoir les repas, les activités, les horaires, garder un équilibre... Les mamans ne peuvent pas se la couler douce. Même quand j’étais avec le papa, j’avais déjà cette charge - les valises, l’organisation des vacances…"

Une aide que Gwendoline aurait pourtant appréciée. "Ça m’aurait soulagé d’un poids colossal d’avoir de l’aide. C’est frustrant quand on est deux et que c'est toujours la même qui prépare le sac, qui s'occupe de la douche…". 

Pour les mamans solo, la rentrée vécue comme un stress décuplé

Et la journaliste relève une autre chose à prendre en compte quand les vacances en famille viennent. "Quand il part seul dans ma famille, c'est presque une double charge de travail, avec toutes les règles que j’ai construites à la maison et qui sont forcément oubliées quand mon fils arrive dans le Sud. Il faut tout réapprendre quand il revient et souvent, je passe pour la méchante", témoigne Gwendoline. 

Pendant ce temps, en Île-de-France, la maman solo prépare déjà la rentrée : "il faut regarder l’armoire et les fournitures scolaires pour faire l'inventaire et tout organiser pour que tout soit parfait quand il rentrait de vacances. Une fois revenu, on anticipe même les devoirs pour la lecture. Les vacances ne sont pas terminées que je stresse déjà, j'ai peur qu'il se noie dans les apprentissages si je ne l'aide pas en amont". 

D'après une étude IPSOS, menée pour Even en août 2023 auprès de 1000 répondant.es ayant des enfants à charge au sein du foyer, "les parents célibataires sont près de la moitié à ressentir le stress de la rentrée (42%)" et ils sont près de 70% à "reconnaître avoir un besoin d’aide sur cette période". Durant cette période, seul.es 12% des interrogé.es confient s'appuyer sur l'aide de leur ex-conjoint. 

Les vacances ne sont pas terminées que je stresse déjà, j'ai peur qu'il se noie dans les apprentissages si je ne l'aide pas en amont.

Alors, une fois la cloche de la cour sonnée, la maman souffle enfin (un peu). "Que je parte ou non, la charge mentale est clairement décuplée en vacances et à la rentrée, je n'en ressors jamais reposées", alors "je suis contente que mon fils reprenne le chemin de l'école pour prendre du temps pour moi, faire du travail, faire des courses, boire un café".

Et d'ajouter, "même quand on délègue un peu, on reste sur le qui-vive. Cette année, Noah était chez son papa à la veille de la rentrée. J'avais bien appuyé qu'il ne fallait pas oublier de mettre le doudou dans le sac pour le premier jour. Et qu'est-ce qui a été oublié ? Le doudou. Pourtant, c'est autant son rôle que le mien", prend la mère célibataire en exemple. 

La rentrée des classes, "une course permanente" pour les mères

Marie a 40 ans, elle est séparée de son ancien conjoint et s'occupe de son fils en garde alternée. "Quand on était ensemble, on a toujours été à 50/50 même dès la sortie de la maternité, c’est rare, mais c’est normal. Je n’ai jamais souffert de fatigue parce qu’on a toujours su s’organiser, par contre c’était devenu une coloc et c’était difficile de trouver des moments en famille ou en couple", nuance-t-elle. 

On a parfois l'impression de passer à côté de sa vie.

La séparation amorcée, c'est une "course permanente" que décrit celle qui développe aujourd'hui des applications. "Gérer seule la rentrée dans un nouveau travail pour moi et une nouvelle école pour lui, ça a été un vrai stress... On a parfois l'impression de passer à côté de sa vie. En plus, on est dans une culture de la performance où il faut réussir la vie pro, la vie perso, la vie de mère... Donc on culpabilise limite d'être soulagée quand ils reprennent l'école". 

Marie l'admet, c'est une charge mentale dont elle avait "moins conscience avant". Et elle remarque aussi que les frais peuvent vite s'amonceler. Alors, elle décide de se lancer dans le développement d'une application pour répondre à son besoin d'allègement de la charge mentale en créant "Sweetie", un médiateur financier de poche, pour gérer les frais de la famille au quotidien, pour régir les frais entre différentes personnes pour une personne en commun (lancement en octobre 2023). 

"Parce que généralement, chaque frais est lié à une tâche faite. Là, on a une plateforme qui est neutre et via laquelle on va recenser qui a fait quoi pour qui. Tout mettre à plat facilite la discussion et permet de rééquilibrer les choses pour se dégager du temps et de l'argent pour reconstruire sa vie", explicite-t-elle. 

Les outils pour alléger sa charge mentale 

Tout mettre à plat, c'est justement l'une des recommandations de Julie Hebting, pour que la charge mentale soit équitablement répartie entre les partenaires. 

"Même si c'est parfois des conversation difficiles, il faut (re)mettre les bases, poser un constat avec son co-parent, que ce soit sur le papier, sur son appli, afin de visualiser tout ce que l'on fait. Souvent, les femmes sous-représentent les choses qu'elles font et les hommes sur-représentent", observe la spécialiste. 

Ensuite, ne jamais oublier que dans le couple, la communication est clé. "Pouvoir parler, c'est ne pas tomber dans le burn out. S’aimer c’est aussi prendre en compte les difficultés et les charges que gère l’autre. C’est un travail d’équipe".

Enfin, pour celles qui culpabilisent d'être soulagées de voir leurs enfants reprendre le chemin de l'école, "il faut se donner du mou". Heureusement, comme le note nos témoins et notre experte, le tabou concernant ce dernier point se lève peu à peu. Sur les réseaux sociaux, cette rentrée, de nombreuses mères se sont exprimées sur le retour à la maison "pas parfait" et l'épuisement relatif à une charge mentale exacerbée à la rentrée. 

"Accordez-vous un break, parce que vous n'en avez presque jamais. Si vous le pouvez, prenez même une journée off. Célébrez et pensez à vous", termine ainsi Julie Hebting. 

 * Le prénom a été changé

[Dossier] Charge mentale : quand ce sont les femmes qui gèrent tout - 10 articles à consulter

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