Si certaines personnes ont l’opportunité de s’épanouir en entretenant des relations saines avec les membres de leur famille, ce n’est pas une généralité.

Parfois, les personnes censées nous aimer le plus nous font du mal et exercent plusieurs formes de violences, notamment psychologiques, sur nous. Parmi ces comportements toxiques se trouve par exemple le gaslighting. Réflexe bien connu dans d’autres sphères de la vie, comme amicale ou amoureuse, mais qui s’opère aussi à la maison.

Traduit de l’anglais par le terme "décervelage", le gaslighting est assimilé à un lavage de cerveau. Véronique Kohn, psychologue, expliquait d’ailleurs à Marie Claire qu’il s’agissait de "manipulation à petites doses" et de "beaucoup de confusions" pour la personne qui en est victime. "Le manipulateur n’est pas maltraitant tout le temps, parce qu’il mélange le tout avec des moments bienveillants, des actes et des paroles qui rassurent", développait l’experte.

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Mais comment reconnaître le gaslighting, quand il est utilisé par notre propre famille ?

Gaslighting familial : un comportement toxique et déroutant

Le gaslighting est dangereux pour la personne qui le subit, car il remet généralement en question sa réalité, son caractère et parfois sa santé mentale.

En d’autres termes, elle ne se sent pas en sécurité psychologique. Ce qui est d’autant plus déroutant lorsque cela se produit au sein de sa propre famille, qui est censée être un cocon sécurisant.

Le gaslighting en famille peut se produire de multiples manières, et provenir d’une tante bienveillante qui "veille sur vous" ou d’un père qui "ne fait que plaisanter", voire vous persuade que vous voulez prendre une décision.

À titre d’exemple, le psychanalyste Robin Stern et le professeur au Child Study Center de Yale, Marc Brackett, décrit au Washington Post une situation parlante : "un homme aimait son père, qui avait élevé ses trois enfants après le décès de son épouse d’un cancer. En grandissant, cet homme a joué au hockey et s’est rendu aux matchs avec son père. Au lycée, il était certain de ne pas vouloir faire de sport universitaire, mais son père lui rappelait à quel point il aimait le hockey et avait toujours rêvé de faire partie d’une équipe durant ses études. L’homme a commencé à se poser des questions : son père tentait-il de projeter ses envies sur son fils en le manipulant inconsciemment ?".  

Quelle forme prend le gaslighting en famille ?

Cette violence psychologique n’est pas toujours décelable de prime abord, encore moins sur le terrain familial.

Nous avons tendance à penser que le gaslighting est lié aux relations amoureuses. Les dynamiques interpersonnelles que nous vivons à l’âge adulte sont toutefois largement influencées par les relations dans lesquelles nous avons grandi.

"Les personnes qui vous apprennent à vous connaître, qui vous aiment et se soucient de vous, peuvent aussi être celles qui essaient de prendre le contrôle à un moment donné ou de se défaire de leurs responsabilités en vous manipulant, même si certaines le font involontairement", développent Robin Stern et Marc Brackett.

Les experts décrivent le gaslighting en famille de différentes manières, car il peut prendre plusieurs formes. D’abord, celle du pouvoir: "Je suis ta mère et je te dis…", mais aussi de la répétition : "combien de fois vais-je devoir te dire à quel point tu es paresseux avant que tu ne changes enfin d’avis ?". 

Cette violence s’exprime aussi via l’humiliation. Elle est aussi déstabilisante : "je n’ai jamais dit ça. Tu inventes comme le menteur que tu es", et minimisante : "c’est quoi ton problème ? Il faut que tu arrêtes d’être aussi sensible et que tu t’en remettes".

Face à ces comportements, comment réagir, alors ?

S’éloigner de sa famille ou lui faire face ?

La plupart du temps, il est difficile de s’extraire de sa propre famille, ou le prix à payer nous paraît trop élevé. Quoi qu’il en soit, il est souvent question de conflit. Mais si vous ne souhaitez pas mettre fin à vos relations familiales et mettre "seulement" un terme au gaslighting, plusieurs solutions existent.

Il convient d’abord de se faire confiance et d’honorer ses sentiments, sans s’attarder sur qui a raison ou tort. Aussi, identifiez les éléments déclencheurs. "Notez les moments où le gaslighting revient sur le tapis et évitez le sujet. Vous pouvez par exemple dire ‘je préfère ne pas avoir cette conversation maintenant’", suggèrent Marc Brackett et Robin Stern.

Il est important aussi de nommer le gaslighting et d’en parler avec son détracteur. Après avoir remarqué quand les dernières conversations commençaient à saper votre réalité, dites : "Je pense que ce qui se passe entre nous est du gaslighting. Lorsque je repense à nos conversations, je remarque qu’elles s’orientent vers…" et donnez un exemple, en expliquant le concept qui n'est souvent, pas conscientisé.

Autrement, l’éloignement physique peut aussi devenir inévitable. "Soyez proactif en limitant le temps passé ensemble, même si le comportement de l’autre s’améliore", conseille les deux experts. "Rappelez-vous que vous ne pouvez pas changer l’esprit ou le comportement de quelqu’un d’autre que le vôtre, et que vous devrez peut-être vous éloigner si la personne qui vous gaslight continue à le faire", ajoutent-ils.

Et si je suis le gaslighter ?

À la complexité de reconnaître cette violence psychologique, qui peut parfois être très subtile, s’ajoute la difficulté de réaliser qu’on est soi-même l’auteur.ice d’un tel comportement.

En tant que parent, il arrive parfois de gaslighter ses proches sans s’en rendre compte. Ici, il convient de s’interroger sur le pouvoir que l’on exerce sur ses propres enfants, mais aussi de prendre en compte leur ressenti.

"Si un membre de la famille dit qu’il est mal à l’aise en réponse à quelque chose que vous avez dit, croyez-le", appuient Marc Brackett et Robin Stern. "Rejouez la conversation dans votre tête pour trouver un point de compréhension. Identifiez vos déclencheurs et n’agissez pas en conséquence. Rappelez-vous que vous n’êtes pas obligé de réagir immédiatement".

Surtout, il est important d’apprendre à gérer ses émotions. Face à la colère ou une toute autre émotion désagréable, usez d’une stratégie de régulation qui fonctionne pour vous ou demandez conseil à qui vous le pouvez. Ainsi, les rapports familiaux s’en porteront mieux et le foyer retrouvera, peut-être, son rôle de cocon.