Libido asymétrique : comment gérer le désir débordant ou inexistant de son partenaire ?

Par Elsa Gambin
asymetrie sexuelle
Passée la très commune et délicieuse période des premiers mois à la sexualité débordante, chacun des partenaires découvre la "véritable" libido de l’autre. Et lorsque celle-ci s’avère fortement dissymétrique, il est primordial d’ouvrir le dialogue pour éviter culpabilité et pression.

"Ça m’a longtemps fait me sentir bizarre, d’être aussi peu désirant-e. Mais j’ai fini par comprendre que chacun a sa propre libido".

En couple depuis 4 ans, Val, 28 ans, se souvient de leur début "raccord" sur le plan sexuel. Puis un arrêt de pilule, une endométriose, une libido au point mort, une absence de dialogue, et l’inquiétude gagne le couple. "On a vu un thérapeute de couple, ça nous a permis d’en parler. C’est très compliqué pour moi d’avoir un rapport. L’idée du sexe me stresse. Les crises d’endo[métriose], la peur des cystistes… Mais en fait, je n’ai juste pas de libido ! Lui avait simplement besoin d’être rassuré, de savoir que ce n’était pas dû à lui."

Val et son compagnon ont appris à communiquer sur le sujet, lui entend le besoin de Val d’être dans "de bonnes conditions", dans "un état safe après une journée tranquille" comme iel le résume. Le couple s’est mis d’accord sur "un code", une tenue particulière, qui est venu comme objet transitionnel rétablir le dialogue sur le sujet, et permettre à Val d’exprimer son désir, quand il surgit.

"Le risque dans ce genre de situation, c’est de ne plus se dire quand on a envie". Le couple fait l’amour environ une fois par mois. La discussion a pu mettre sur le tapis la question de la masturbation, le fait, aussi, de ne pas avoir envie d’aller voir ailleurs. "Aujourd’hui ça ne le dérange pas. Il me dit qu’il n’a pas ‘besoin’ de sexe", conclut Val. 

La libido asymétrique, une problématique récurrente

Pour Guillemette Stevens, conseillère conjugale et sexologue, la dissymétrie de la libido est une problématique récurrente lors de ses consultations. La thérapeute s’agace des injonctions encore très présentes à avoir une sexualité épanouie tout le temps. Et conseille d’ouvrir le dialogue, le meilleur des alliés.

"La difficulté, c'est que souvent les personnes viennent consulter après plusieurs années, quand cette dissymétrie est déjà bien installée. Dans l'absolu, ce n'est pas un problème d'avoir ‘moins’ de désir - encore faudrait-il déterminer quelle est la bonne dose de désir sexuel ! - En effet, il n'y a pas une fréquence normale de relations sexuelles, la normalité n'existe pas dans la sexologie, ce qui est pris en compte c'est la présence d'une souffrance."

Dans l'absolu, ce n'est pas un problème d'avoir ‘moins’ de désir - encore faudrait-il déterminer quelle est la bonne dose de désir sexuel !

Si une souffrance existe sans être discutée et entendue, elle peut durablement abimer le couple. Alors oui, la libido n’est pas linéaire tout au long de notre vie, elle connaît des fluctuations, des hauts et des bas, des pics et des fossés, ou des chemins plats mais caillouteux. Ces évolutions pluri-factorielles sont parfaitement normales, liées aux circonstances de la vie et à ce que nous traversons (grossesse, décès, travail, séparation, maladie…).

Mais sur la durée de vie d’un couple, une importante dissymétrie, si elle n’est pas réfléchie conjointement, peut fragiliser, voire faire exploser une entente par ailleurs tout à fait bonne.

Retrouver une tendresse, sans plus

Martin, 31 ans, a vécu deux ans de relation avec une jeune femme en demande de sexe quotidiennement. Sans être culpabilisante, elle lui faisait clairement entendre, et comprendre, l’ampleur de son désir. "Au début je pouvais y répondre, ce n’était pas un souci, mais à long terme ça m’inquiétait. J’ai compris que c’était sa libido ‘habituelle’, j’ai eu des craintes, je me disais que je ne lui suffirais jamais..." 

Le dialogue et la confiance mutuelle ont permis d’apaiser la situation pendant un temps. "Mais je crois qu’elle, ou bien moi, avions sous-estimé sa demande…" La relation vole en éclats. Avec le recul, Martin est pragmatique. "L’équilibre peut être très précaire dans ces cas-là. Il faut se demander si ça nous va, si on peut ou non faire avec, et comment. Le sexe n’a pas à être une esquive, une obligation ou une pression." 

Alors quelles solutions pour que l’un-e ne se sente pas frustré-e et l’autre surtout pas (surtout pas !) obligé-e ?

"Il n'y a pas de remède miracle et universel", soutient Guillemette Stevens. Une communication fluide, où chacun peut exprimer librement ses envies ou non envies, ses appétences, ses goûts, sans peur de blesser l’autre, demeure un socle solide.

Arrêter pendant un temps permet au couple de lever la pression, et de retrouver de vrais gestes de tendresse.

Pour d’autres, la sexologue recommande de passer par une étape d’arrêt des rapports sexuels. "Arrêter pendant un temps permet au couple de lever la pression, et de retrouver de vrais gestes de tendresse." Car la personne "demandeuse" va avoir tendance, malgré elle, à percevoir chaque geste, chaque marque de tendresse comme l’esquisse possible d’une relation sexuelle. "Et la personne la moins en demande a l'impression qu'accepter un baiser ou une caresse va être interprété comme une ‘ouverture’."

Retrouver une proximité physique dénuée d’espoirs et d'attentes, une tendresse brute, sans plus, est nécessaire. Et parfois suffisante. 

Trouver ses solutions, en respectant l'autre

Chacun-e doit pouvoir aussi trouver ses solutions sans que cela ne vienne mettre l’autre dans une position de souffrance ou de violence. Le consentement reste le maitre-mot. N’oublions pas qu’une zone grise peut vite mener au viol conjugal.

"Il est indispensable pour la personne qui est dans la frustration, de n'être pas ‘en demande’, insiste la conseillère conjugale. Respectez l'autre. La moindre pression renforce le blocage, et peut mener à de la répulsion, rendant le moindre contact pénible. Pas de négociation, pas de bouderies, si l'autre n'a pas envie, on doit respecter ça entièrement".

Moi, je suis toujours partante. Ma libido n’est pas perturbée par le stress ou le quotidien. Lui il a ses heures, ses moments.

Louise, 39 ans, respecte la libido de son mari, avec qui elle est depuis sept ans. Seulement, ce n’est pas la sienne. "Moi, je suis toujours partante. Ma libido n’est pas perturbée par le stress ou le quotidien. Lui il a ses heures, ses moments. Il est très câlin. Et moi tu me touches, je décolle."

 Louise reconnaît qu’elle est un peu frustrée, elle se masturbe donc régulièrement, avoue que le couple n’a pas vraiment cherché de solutions communes car il est compliqué pour son mari de parler de tout ce qui à trait à la sexualité.

"Je n’ose pas le brusquer sur ce sujet". Alors, sans vraiment y avoir réfléchi, et une rencontre fortuite faisant le reste, elle a pris un amant, qu’elle voit de manière ponctuelle, avec qui il est plus aisé de parler de sexe. "Quand on se voit c’est très intense. Mais ce n’est pas dans le ‘contrat’ de mon couple, donc c’est une solution inconfortable et insatisfaisante…", reconnait-elle.

Ne pas faire du sexe, le ciment de son couple

L’insatisfaction est souvent supportable, atténuée par la multitude d’autres éléments majeurs qui soudent le couple.

"Il n’y a pas que ça qui nous lie, raconte ainsi Marie, 46 ans, en couple depuis trois ans. Ça ne change rien aux sentiments que j’ai pour lui. Et ce n’est pas une question d’amour, je l’aime profondément".

Atteinte d’une sclérose en plaques qui explique en partie sa baisse de libido, Marie n’aime pas son corps, et se questionne sur le désir très présent de son compagnon pour ce corps qu’elle n’apprécie pas. Le couple alterne des périodes très actives et de longues semaines sans sexe. Leurs relations sexuelles, quand elles ont lieu, se passent très bien.

"Lui patiente. Il est très respectueux, très à l’écoute. Il est hors de question que je me force à quoi que ce soit de toute façon ! Il y a des moments plus propices pour moi… Mais je suis parfois frustrée moi-même de ne pas avoir plus envie". Marie et son compagnon abordent souvent le sujet, et ne font pas du sexe le ciment de leur couple, ni "une priorité". "Je suis quand même contente qu’il soit très sportif, sourit-elle. Ça lui permet sans doute d’extérioriser".

Se rassurer sur les sentiments de l'autre

Théo, lui, a trouvé un équilibre dans une masturbation plus soutenue, qui lui permet de "compenser". À 31 ans, lui aurait des rapports sexuels plusieurs fois par semaine quand sa compagne, avec qui il est en couple depuis trois ans, est partante en moyenne tous les 10 jours.

"On a pu en discuter lors d’une période où j’étais au chômage et elle non. J’avais moins de fatigue, plus de disponibilité, et comme j’étais toujours la personne qui initiait, on s’est posé pour en parler. Quand tu es toujours initiateur, tu te mets aussi dans une position d’autocensure. Tu n’as pas du tout envie de prendre le risque que l’autre se force à dire oui."

Je m’épanouis autrement dans mon couple. Je n’ai pas envie de ramener le sujet constamment. Je peux acter que sa libido est celle-ci, et tout à fait m’en contenter.

Sa compagne a ainsi pu lui expliquer que sa libido avait toujours été celle-ci, quel que soit le partenaire, et qu’elle avait la sensation de le frustrer. Théo l’a rassurée. "Je m’épanouis autrement dans mon couple. Je n’ai pas envie de ramener le sujet constamment. Je peux acter que sa libido est celle-ci, et tout à fait m’en contenter."

Dans une précédente histoire, le jeune homme avait bien tenté d’avoir une maitresse. Une option qui ne lui convenait pas, définitivement écartée. Alors le jeune couple tâtonne, teste des idées, des jeux pour faire monter le désir, crée des ambiances excitantes, se cherche un équilibre sexuel qui convienne aux deux. 

"Imaginer d'autres scénarios, ré-érotiser son couple, peut être une bonne alternative, explique Guillemette Stevens. C'est souvent l'occasion pour un couple de sortir de sa routine, de découvrir d'autres choses, d'autres façons de communiquer, de passer du temps ensemble".

Quelle que soit l’ampleur de la dissymétrie, et au final qu’elle existe ou non, chacun dans ces couples a besoin d’être rassuré sur la présence des sentiments de l’autre.

Quant au sexe, résume Martin à merveille, et si l’on devait ne retenir qu’une phrase, "il ne faut surtout pas que ça se transforme en soumission au désir de l’autre". 

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