Cinq femmes racontent le retour de leur libido

Par Maïa Mazaurette
retour de libido
L’envie de sexe, ça va, ça vient … et, bonne nouvelle, ça revient ! Mais qu’est-ce qui se cache derrière les hauts et les bas de notre libido? Cinq femmes racontent leur retour au désir et au plaisir.

Ça s'enflamme pour une poignée de phéromones, ça se brise pour un mot de trop, et ça repart au moindre souffle sur les braises... « Le désir fluctue en fonction du niveau de l'humeur, résume Philippe Brenot, psychiatre et psychothérapeute de couples. Il est intimement lié à l'équilibre psychosomatique, notamment du côté de l'affirmation et de l'estime de soi. On sait que les phases dépressives sont des phases sans libido, et inversement. Le rythme de vie aussi joue un grand rôle. Trop de pressions ou de contrariétés ne donnent pas les conditions de l'amour. »

Pas d'autoflagellation, donc. Cela arrive à tout le monde d'avoir moins envie de faire l'amour, ou plus envie du tout. Pas question pour autant d'accepter la situation et de se ranger une fois pour toutes au rayon des corps brisés. La libido c'est le désir de vivre. Ça ne se maîtrise pas. Mais ça mérite toute notre attention. « Pour imaginer comment le désir peut revenir, encore faut-il se demander comment il est parti, poursuit le spécialiste. Il peut y avoir l'habitude, le désamour, la désillusion, la dépression... Les perturbations hormonales ? C'est rare. Tout dépend en fait de la ­relation qu'on entretient avec l'idéal de soi (l'idée qu'on se fait de soi, de l'autre, de l'amour...). En général il s'agit de ramener de la passion amoureuse et/ou de l'excitation dans la vie quotidienne. A l'intérieur ou à l'extérieur du couple.»

Les femmes que nous avons rencontrées ont toutes connu la traversée du désert. Elles nous racontent comment, finalement, le désir en elles a repris tous ses droits.

Retour de libido : un jour, j'ai eu un déclic

Le témoignage de Suzanne, 43 ans, s'est acheté de la lingerie pour raviver le désir

« Ne plus avoir envie, ça m'est arrivé plein de fois. Ça ne revient jamais de la même manière, mais jusqu'à présent c'est toujours revenu. (Rires.) Parfois c'est juste que tu en as marre du mec avec lequel tu fais l'amour. Dans ce cas c'est simple : tu te tires... Mais quand tu vis avec un ­homme que tu trouves vraiment excitant, c'est plus troublant. Ça m'est arrivé très récemment, et ça a duré environ cinq mois.

Depuis un moment déjà, je me trouvais grasse, molle, pas "baisable". Peut-être que je me sens vieillir... Moi qui suis une folle de lingerie, j'avais arrêté d'en acheter. J'évitais de me regarder dans la glace. Je m'évitais. L'idée de faire l'amour m'effrayait. Ça me paraissait un investissement épuisant... C'est une drôle de sensation, ne plus avoir de désir. Comme si le corps était éteint. Une bûche.

Et puis un jour j'ai eu le déclic. Un truc idiot : dans un magazine, des filles grosses qui expliquaient pourquoi et comment elles s'acceptaient telles quelles. Elles rayonnaient. En rentrant chez moi je me suis regardée. Objectivement. Je pensais à Moni­ca Bellucci, mille fois plus belle que moi (rires), mais ronde. A toutes les autres... Et il y a eu un truc magique, je me suis dit: "Je suis comme ça." J'ai pensé aux courtisanes et à la lingerie qui cache tout ce que tu n'aimes pas... J'ai couru m'acheter des dessous. Le soir même j'entreprenais mon mec, et c'était reparti. C'était trop bon, j'avais envie encore et encore, et ça dure. (Rires.) Le désir, en fait, revient quand tu cesses d'imaginer le regard de l'autre sur toi. C'est une prise de pouvoir sur soi. On laisse tomber quelque chose, on lâche prise. » 

Libido : régulièrement, j'ai besoin de me resexualiser

Le témoignage de Albine, 35 ans, lit de la littérature érotique 

« Régulièrement j'ai besoin de me "resexualiser". Je couche avec le même homme depuis sept ans, mais je fonctionnais déjà comme ça avant. Avec des périodes "priapiques" (rires) et d'autres de jachère totale. Rien : morne plaine. Mon truc à moi, c'est la littérature érotique. Pas du porno - non, surtout pas. Ça, ça me fait plutôt rire ou, selon les moments, ça peut même me dégoûter. Mais l'érotisme, surtout écrit, ça me réveille. (Rires.) Peut-être, en fait, que quand j'attrape le livre le désir est déjà un peu de retour. En tout cas, lire des scènes d'amour, imaginer le désir et le plaisir des autres... Ça m'excite vraiment. En parler, aussi.

Parfois, peut-être juste qu'on oublie le désir. On n'a pas le temps, on pense à tellement d'autres choses. Un petit shoot de ­désir des autres, c'est radical. Dans ma bibliothèque, j'ai quelques petits bijoux qui me font un effet dingue... (Rires.) En fait, la littérature ça t'autorise à tes propres fantasmes. Moi j'adore me raconter des histoires. J'en ai besoin. Quand le sexe devient routinier, ou juste sexuel, c'est la mort. J'ai besoin de jeu. Chez moi, tout ce qui remet du jeu dans le sexe ranime le désir. »

Libido et infidélité : plus il m'échappait, plus il m'excitait

Le témoignage de Nathalie, 33 ans, a eu un regain de désir quand son mari l'a trompée

« Je n'aurais jamais imaginé que ça puisse revenir... Je sortais avec Paul depuis presque dix ans, et lentement mon désir pour lui était mort. Pas mon amour, mais la petite flamme, le truc qui vibre au fond du ventre... En revanche, je pouvais vibrer pour d'autres, j'avais même eu une liaison pendant deux ans, très chaude. (Rires.) Lui, je l'avais relégué à la place du frère, du meilleur pote, du gros chat rassurant qui sommeille sur le canapé. On faisait parfois l'amour - rarement, en fait, et sans beaucoup d'ardeur. Plus par tendresse que par désir vraiment ­charnel. Jusqu'au jour où une autre femme est entrée dans sa vie.

Il n'a eu besoin de rien dire, je l'ai senti tout de suite. C'est peut-être une histoire de phéromones, en tout cas un truc animal. Il est rentré un soir avec un regard différent : un éclat dans l'œil que je reconnaissais, un truc d'avant qui s'était réveillé. D'ailleurs, il ne me regardait plus de la même façon. Le gros chat avait quitté le canapé... (Rires.) J'étais tellement surprise que j'ai posé des questions, des tas de questions. Et quand on veut trouver, on trouve. Oui, il y avait une femme - une chanteuse, en plus, une fille dans la lumière, belle, bien sûr, amoureuse, évidemment... Bref, c'est moi qui, d'un coup, devenais la vieille copine à qui on peut tout confier. Le sol se dérobait. Intérieurement je passais par tous les états de la jalousie, de la perte. 

J'avais un autre homme en face de moi, un inconnu, un homme. Je n'ai rien compris à ce qui m'arrivait, mais du jour au lendemain j'ai retrouvé pour lui une libido de jeune vierge. Plus il m'échappait, plus il m'excitait. Lui-même, je crois, n'en revenait pas. J'avais envie de lui en voiture, au cinéma, au restaurant. Et quand il n'était pas là et que je le savais avec elle... J'étais déchirée, mais de nouveau je vibrais. Comme jamais. Je crevais d'angoisse à l'idée de le perdre, et je revivais. Ce regain de désir m'a même donné la force et la patience d'attendre. Au bout de ­quelques mois, sa crise de passion a cessé. Et, j'avoue, ma crise de libido avec. Mais le désir était de retour entre nous. Il y avait de nouveau une tension d'homme à femme. C'était ­reparti... Pour combien de temps ? Je n'en sais rien. Mais ça dure encore, presque un an après. C'est fou comme c'est tordu, le désir. »

Libido : je suis sortie de mon hibernation sexuelle avec un autre

Le témoignage de Martine, 51 ans, a retrouvé le désir en trompant son compagnon

« Pour ressentir à nouveau du désir, il a d'abord fallu que j'accepte l'idée que je n'avais plus envie de l'homme qui partage ma vie depuis vingt-cinq ans - et que j'aime ­encore, d'une certaine façon. C'était une évidence, puisqu'on ne faisait quasiment plus l'amour et que ça ne me manquait pas du tout. Mais regarder les choses en face, c'était se dire : "Mon couple est un échec" - de ce point de vue du moins. Pas facile, quand on a trois enfants, une vie de famille plutôt agréable, une histoire et des valeurs communes. J'ai enfin pu sortir de cette hibernation sexuelle quand j'ai pris la décision de ne pas remettre en cause tout ça, mais de m'autoriser à tromper mon compagnon si l'envie m'en prenait.

Pour être tout à fait honnête, j'avais déjà une relation amicale assez ambiguë avec un homme dont je savais qu'il me ­plaisait profondément. Et quand j'ai cédé à cette attirance, le désir m'a emportée avec une force inouïe. Nous entretenons depuis une relation assez sporadique mais extrêmement ­inten­se. Comme quoi on se rassure sur une libido à zéro en invoquant l'âge, la sagesse, la ménopause ou que sais-je, alors que ça n'a rien à voir !

Je n'ai pas quitté le père de mes enfants. Je n'éprouve aucune culpabilité, ce qui me surprend beaucoup, mais je crois que c'est justement parce que le désir transcende tout. Il m'est tout simplement impossible de résister à cette force, cette énergie vitale. Ne me ­demandez pas comment tout ça finira, je n'en ai aucune idée. »

J'ai retrouvée l'envie, mais avec une femme cette fois

Le témoignage de Sarah, 27 ans 

« Ma libido est restée en sommeil pendant un an et demi. Difficile à imaginer quand on me connaît... (Rires.) Puis un jour je me suis réveillée : j'ai eu envie d'une femme. Et je suis passée à l'acte. Elle était mariée et mère de famille, aussi nous sommes-nous vues en secret à l'hôtel, pour une seule nuit, qui fut magique. Et qui a mis le feu à mes hormones. Je me suis inscrite sur un site d'amateurs de webcams coquines, je chattais aussi sur les réseaux sociaux sans plus me cacher...

Et j'ai ­enfin réussi à dire à mon mec que notre couple était mort depuis des mois. »

L’avis de la psy Sophie Cadalen* : « Le désir a besoin de dérangements »

  • Marie Claire : Que nous révèlent ces témoignages ?

Sophie Cadalen: Que le désir n'a rien de constant, de liné­ai­re. Il a toujours besoin de faille, de rupture, de trans­gression, d'inattendu. Plus on est engoncé dans quelque chose qui ne suppor­te plus aucun dérangement (comme, souvent, notre couple), moins le désir a d'espace pour circuler, respirer. Il y a une expression terrible : « Je suis casée ». Il ne faut pas s'étonner, dans ce cadre, de se sentir « fatiguée », de n'avoir pas « très envie »... Dans tous ces témoignages il y a des dérangements, de la déflagration.

  • Et c'est ce qui sauve le désir ?

Oui. On croit souvent que le désir s'alimente de la proximi­té. Au contraire, il ne circule jamais mieux que dans la séparation. Cela ne signifie pas forcément qu'il faille se séparer de son conjoint... Mais de toutes sortes d'images. De l'idée qu'on se fait de soi : souvent une infidélité casse l'image de femme vertueuse dans laquelle on s'enfermait (« Ça, ça ne m'arrive­ra jamais »). De l'idée qu'on se fait de l'autre : l'homme qui nous trompe se révèle différent de ce qu'on croyait - et ô combien séduisant... L'adultère n'est pas forcément à conseiller à tout le monde, mais j'entends beaucoup de témoignages de ce genre. On s'était dit qu'à la moindre trahi­son, « il prend ses bagages et il dégage », et quand ça arrive on n'a qu'une pensée : lui sauter dessus. La distance que cette trahison met entre nous crée l'espace où peut émerger et circuler le désir.

  •  Mais ces « déflagrations » ne se décident pas. Peut-on se battre pour ressusciter le désir ?

Non, c'est une bataille perdue d'avance. Ce qui est certain, c'est qu'il s'agit d'abord de se réconcilier avec ses va-et-vient. On voudrait bien toujours être au top, que le désir soit repérable, quantifiable. Eh bien non. La libido n'est pas ­toujours orientée vers le sexe. Cette énergie désirante peut se mettre à fond dans le travail, le sport... D'autres activités « jouissives ». Faut-il se le reprocher ? Non. Si l'on veut réagir, il y a une rupture à trouver quelque part. Dans notre mode de vie, notre façon de considérer le désir, notre façon de nous regarder, nous... Ça peut être infime et banal : se faire du bien pour sortir d'une spirale d'obligations. S'offrir une récréation, quelque chose de transgressif. L'amant, c'est la transgression ultime, mais ça peut aussi être l'après-midi qu'on se consacre, l'achat d'une ­fringue, le dîner entre copines... Le désir va toujours avec une idée de malice, la notion de « c'est pas le moment », « pas l'endroit ». Le truc qui va déroger à notre fonctionnement habituel. Déroger à la règle. Des petites choses qu'on ne s'autorise pas d'habitude. Des choses de l'ordre du détail plus que de la grande entreprise. Rien de tel pour ranimer le désir que de réveiller le sale gosse en nous.

*Psychanalyste et auteure de "Vivre ses désirs, Vite !"

Article initialement paru en avril 2016 - Mis à jour en octobre 2018

[Dossier] Tout savoir sur la libido et les fluctuations du désir - 14 articles à consulter

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