L'hiver est-il mauvais pour notre libido ?

Par Ingrid Seyman
COUVERTURE LIBIDO HIVER
Le cliché nous dit que les jours moins longs et les températures au-dessous de zéro auraient un effet néfaste sur le désir. Entre mythe et réalité scientifique, enquête sur le sexe hivernal.

Ce n'est pas une légende : nos corps se contractent sous l'effet du froid, rendant notamment fort improbables les érections par –15 °C. De là à conclure que l'hiver nuit à l'expression du désir, il n'y a qu'un pas, que les inventeurs du chauffage central – et les créateurs de chaussettes – ne nous laisseront pas franchir.

Pourtant, à en croire Frédéric, architecte de 40 ans "qui ne pense qu'à ça en été, car les femmes se promènent à moitié nues", la libido des hommes chuterait en hiver. Certes, "les hommes sont souvent plus sensibles que les femmes aux stimulus visuels", concède le sexothérapeute Christophe Marx*. Avant de rappeler qu'on peut aussi être désirable sous sa doudoune.

De toute façon, le principal ennemi de notre libido en hiver ne serait pas le froid mais le gris. Comme l'explique la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc**, "la baisse de la luminosité et de l'exposition au soleil peuvent entraîner une carence en vitamine D". Carence à son tour responsable de fatigue et de perte d'enthousiasme pouvant aller jusqu'à la dépression… dont Ana, juriste de 38 ans, est très coutumière : "Le ciel de novembre me donne envie de me pendre. J'ai tendance à tout voir en noir lorsqu'il fait gris dehors. Alors, forcément, ma libido en prend un coup."

Car avant d'être du désir sexuel, la libido c'est du désir tout court. Désir de bouger, de séduire, de rire. Des désirs qui auront du mal à s'éveiller chez tous ceux qui se recroquevillent sur eux en attendant (de trois à six mois suivant les régions) le retour du soleil.  

L'homme, un animal comme les autres ?

Faut-il en déduire qu'on s'accouple moins en hiver et qu'il existe, en matière de sexualité et de reproduction, une saison des amours ? Eh bien non, a répondu l'Institut national des études démographiques dans une enquête publiée en 2011, révélant que le boom des naissances, qui intervenait naguère au printemps (et s'expliquait par une programmation des naissances, les couples préférant biberonner en mai qu'en plein hiver), se produit depuis quelques années le 23 septembre. Ôtez neuf mois pour revenir à la date de conception, et vous tomberez à la Saint-Sylvestre. Ce qui tend à prouver, non pas que l'hiver serait plus propice (ou moins) que l'été aux ébats amoureux, mais qu'on oublie plus facilement sa pudeur – ou sa pilule – le 31 décembre. 

Une autre étude, réalisée par Durex dans le monde entier en 2010, met également à mal l'adage "Quand il fait chaud, je suis chaud". Sur le podium des nationalités qui font l'amour le plus souvent, on retrouve, par ordre décroissant, les Grecs, les Brésiliens, les Russes, les Polonais, les Indiens… et les Suisses. En queue de peloton figurent les peuples d'Asie du Sud-Est, région pourtant peu connue pour son climat rigoureux.

On notera enfin qu'en matière de précocité, la palme ne revient ni aux Cubains, ni aux Italiens… mais aux Islandais, qui perdent en moyenne leur pucelage à 15 ans. Peut-on, pour autant, spéculer que les Islandais, afin de contrer l'absence de lumière qui sévit sur leur pays six mois par an, consomment plein de vitamine D ? "S'imaginer que l'homme fait plus l'amour sous tel ou tel climat revient à avoir une vision animale de la sexualité humaine", rappelle Catherine Blanc. 

Fantasmes et estime de soi 

Or, contrairement aux animaux, les humains n'ont pas de période de chaleurs, ni besoin de se reproduire pour avoir envie de faire l'amour. Et s'il existe une dimension animale dans notre sexualité, notre libido est avant tout gouvernée par notre état d'esprit. « Et si la mauvaise image de l'hiver au niveau libidinal était d'abord liée à une image dévalorisée de nous-mêmes en cette période ? » suggère la sexologue, qui rappelle que le désir pour l'autre est d'abord lié à l'estime de soi.

Alors, certes, on peut décider que l'hiver est une saison triste, se trouver moche avec les cheveux mouillés sous la pluie, prendre cinq kilos sous prétexte qu'il fait trop froid pour pratiquer un sport (excellent pour la libido, au demeurant) et passer quatre mois en boule à se détester sous sa couette en attendant que ça passe… mais ce n'est as obligatoire. Et puis – comme Marie, 33 ans, professeure de français « incapable de se concentrer sur le sexe dès qu'il fait froid dans une pièce » – rien n'empêche de garder ses chaussettes pendant l'amour. Et augmenter ainsi de 30 % ses chances d'avoir un orgasme, selon une étude menée par l'université de Groningue, aux Pays-Bas. "Tout est affaire de fantasme et de projection mentale, résume Christophe Marx. La compagne de Jon Snow, dans “Game of thrones”, évolue sur la banquise, et ça ne l'empêche pas d'avoir le sang chaud." D'ailleurs, ça n'étonne personne.

La saison de l'intime

Car, finalement, quelle meilleure excuse que le froid pour pouvoir passer ses journées (à deux) au lit ? Synonyme de repli à domicile, l'hiver est en cela une saison de l'intime, qui peut être synonyme de rapprochement pour les couples. Juliette, photographe indépendante de 36 ans, se rappelle ainsi avec émoi la météo exécrable de 2013 : "Il neigeait tout le temps, donc on ne sortait plus et on faisait l'amour du soir au matin. Quand notre vie sociale a redémarré, avec les beaux jours, j'étais un peu déçue."

Mais l'hiver c'est aussi, comme le rappelle Christophe Marx, "des lumières tamisées. Suggérer plutôt que dévoiler. Une main qui passe sous un pull et provoque une expérience parfois plus troublante que de voir directement la peau nue". Les coquettes de la basse saison savent d'ailleurs tout le charme dégagé par un décolleté qu'on découvre sous un manteau et ces robes très courtes (souvent plus qu'en été) qu'on s'autorise à porter lorsque nos jambes sont parées de collants. Ne reste plus ensuite qu'à se les laisser arracher avant de basculer sur la peau de bête devant la cheminée. Enfin, on peut aussi ne pas avoir envie. Mais c'est une autre histoire, qui n'a rien à voir avec le temps qu'il fait.

* Auteur de « Du désir au plaisir sexuel », éd. Eyrolles.

** Auteure de « La sexualité décomplexée : 50 idées reçues… revues et corrigées », éd. Flammarion.

[Dossier] Tout savoir sur la libido et les fluctuations du désir - 14 articles à consulter

La Newsletter Égo

Bien-être, santé, sexualité... votre rendez-vous pour rester en forme.