"Aussi loin que je me souvienne j’ai toujours eu des règles extrêmement douloureuses. Ma gynécologue, mon médecin traitant, m’ont gentiment dit que ce n’était 'que' des douleurs de règles", confie Aïssa, 32 ans. Comme de nombreuses femmes, Aïssa a dû affronter la banalisation de cette douleur, pourtant liée à une maladie bien réelle : l’endométriose.

En France, 1 femme sur 10 est atteinte par cette pathologie chronique.

L'endométriose, qu’est-ce que c’est ?

Il y a plusieurs stades de développement de l’endométriose, comme nous explique le Dr Petit, fondateur et responsable du centre de l’endométriose de l’hôpital St Joseph : "L’endométriose c’est la migration de cellules de l’endomètre qui tapissent la cavité utérine, en dehors de l’utérus par reflux dans les trompes. Elles sortent de là où elles sont habituellement pour arriver dans le muscle utérin, et en dehors de l’utérus. Il y a des troubles de la contractilité utérine, ce qui fait que l’utérus se contracte le plus souvent dans le mauvais sens, et les règles sont chassées par les trompes. Dans certains cas, ces cellules vont s’implanter, vont s’agréger en profondeur, et ne vont pas être éliminées par les défenseurs de l’organisme. Résultat : elles s’implantent, se développent et provoquent des saignements, sous contrôle hormonal tous les mois."

De ce fait, les organes adjacents sont envahis progressivement (rectum, vessie, trompes, ovaires…), provoquant de vives douleurs.

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Les principaux symptômes de l'endométriose

Il y a trois grands symptômes qui doivent attirer l'attention, nous explique le Dr Petit : "Le premier symptôme c’est les menstruations douloureuses. Si la douleur devient invalidante et empêche la femme d’avoir une activité sociale professionnelle normale, et la contraint notamment à rester chez elle à cause de règles douloureuses, c'est qu'il y a un problème." 

70% des femmes atteintes d'endométriose souffrent de douleurs invalidantes.

Le second symptôme : des règles abondantes, soit en durée soit en quantité, soit les deux. Le troisième symptôme se détecte quant à lui pendant les rapports sexuels, lors desquels il peut y avoir des douleurs en profondeur.

Un retard de diagnostic fréquent pouvant conduire à l'infertilité

Mettre le doigt sur l’endométriose peut prendre beaucoup de temps : "Le paradoxe de tout cela c’est que c’est une maladie immensément fréquente mais sous-diagnostiquée et sous-traitée", analyse le Dr Petit.

Jusqu'alors, l'endométriose n'était pas une thématique abordée dans les facultés de médecine. Fort heureusement, un arrêté du ministère de l’enseignement et de la recherche, publié le 10 septembre 2020, intègre désormais l’endométriose dans le chapitre "De la conception à la naissance, pathologie de la femme – Hérédité – L’enfant – L’adolescent". Les étudiants en médecine qui entrent en deuxième cycle bénéficieront donc d’un enseignement sur la pathologie : savoir diagnostiquer, connaitre les principales complications et les principes de la prise en charge.

7 : c'est le nombre moyen d'années qu'il faut pour diagnostiquer une endométriose.

Une mesure qui devrait, on l'espère, permettre de mieux alerter les médecins de demain et d'éviter un retard de diagnostic. "Il est généralement entre 7 et 9 ans, ce qui est énorme, surtout chez une femme entre 20 et 30 ans, rappelle le médecin. Perdre 9 ans de diagnostic peut aboutir à l’infertilité, c’est un grand risque."

Pour Aïssa, il aura fallu 6 ans avant de poser un diagnostic sur ses maux : "J’ai souffert pendant tant d’années, je me bourrais de médicaments pour faire taire cette douleur. Jusqu’au jour où un gynécologue m’a annoncé que je souffrais d’endométriose. Ce fut la libération, avoir un diagnostic, quelque chose qui justifie ma souffrance, puis un traitement."

Endométriose : quels traitements ?

La première base du traitement est de prendre la pilule de manière continue, sans arrêter les plaquettes, de façon à stopper les règles. "Cette maladie en résumé c’est la fuite des règles par les trompes. Prendre la pilule en continue est efficace car cela supprime les douleurs et plus le diagnostic est établi tôt, plus tôt on supprime les règles à titre thérapeutique. Cela évite les symptômes mais aussi que la maladie s’aggrave, c’est la première base du traitement", explique le Dr Petit.

Le second traitement est chirurgical : "Pendant la chirurgie on enlève toutes les lésions. Cela marche très bien, à condition de reprendre après la pilule en continue, sinon le trouble récidive. La chirurgie toute seule ne suffit pas à résoudre le problème puisque c’est une maladie chronique", poursuit l'expert.

Il n'existe aucun traitement spécifique pour l'endométriose.

Autre solution : des cures de ménopause artificielle. Du Danazol (Cyclomen®), une hormone permettant de bloquer la sécrétion d’oestrogènes par les ovaires afin de réduire les douleurs, peut être proposé. Cependant, ce dernier entraîne des effets secondaires androgènes (acné, poils au visage) mais aussi une prise de poids ou des bouffées de chaleur. Des analogues de la Gn-RH (Lupron®, Zoladex®, Synarel®), des hormones qui bloquent l’activation de l’hypophyse par les hormones de l’hypothalamus, peuvent aussi être envisagées sous forme d'injections. Là encore, des effets secondaires sont à signaler (maux de tête, sécheresse vaginale, sautes d’humeur, perte minérale osseuse, bouffées de chaleur). 

Enfin, il existe également des traitements antalgiques pour limiter les douleurs. "Il faut s’intéresser à la douleur, il faut que dans une équipe multidisciplinaire, il y ait un spécialiste de la douleur qui va aider à se libérer de celle-ci. Notamment grâce à des pratiques alternatives qui sont très importantes comme le sport régulier, la sophrologie, certaines formes d’ostéopathie, de mésothérapie. À long terme, cela finit par porter ses fruits", ajoute-t-il.

Des filières de soins dédiées à l'endométriose

En mars 2019, trois régions ont été désignées pour proposer un "projet pilote" de filières de soins dédiées à l'endométriose.

Début octobre 2020, l’Agence Régionale de Santé Auvergne/Rhône-Alpes a ainsi reconnue officiellementl’association End’AURA comme la première filière ville-hôpital pour la prise en charge de l’endométriose. D'autres régions pilotes (Ile-de-France et PACA) présenteront également leurs projets dans les mois à venir.

Comme l'explique le site de l'association EndoFrance, une filière de soins serait, selon les premiers éléments issus des groupes de travail, composé de 3 niveaux : 

  • Les professionnels de premiers recours (généralistes, sages-femmes, gynécologues de villes, infirmières scolaires…) aptes à diagnostiquer et proposer une prise en charge de première intention (imagerie + traitement) ou orienter vers un professionnel connaissant l’endométriose.
  • Les centres hospitaliers et cliniques aptes à prendre en charge les cas d’endométriose légère.
  • Les centres hospitaliers universitaires et cliniques "tête de pont" de la filière, pour prendre en charge les cas complexes, coordonner les réseaux (mettre en place les staffs pluridisciplinaires, les animer, mener des actions de formation des professionnels, et mener des projets de recherche). Les missions de la "tête de pont" pourraient aussi être portées par les niveaux 2 éventuellement.