Comment garder le cap du désir à tout âge ?

Par Béatrice Massenet
couple desir
Au début des émois sexuels, on se dit que l’appétit durera toujours. Puis le long fleuve tranquille connaît ses premières turbulences. Comment garder le cap du désir tout au long de sa vie sexuelle ?

C’est un fait : l'époque est à la performance sexuelle, aux orgasmes multiples, au jouir ensemble, toujours plus intensément. Magazines et instituts de sondages regorgent d'enquêtes et de statistiques en tout genre, tendant à prouver que la normalité est de faire l'amour chaque jour, quel que soit son statut social, son âge ou ses problèmes. Mais bien sûr.

Comme si la crise, le boulot - quand on en a un -, les enfants et la morosité du quotidien n'affectaient en rien notre libido. Comme si l'âge aidant, les hormones se déréglant et la routine s'installant, on restait excité.es comme lors de nos premiers émois.

Le désir dure dix-huit mois

Il suffit de surfer sur Internet pour tomber sur les conclusions de quelques obscurs chercheurs qui n'ont rien d'autre à faire que de regarder sous la couette de leurs congénères. Comme on sait bien qu'ils y sont rarement conviés, cela revient à dire que ces travaux sont très largement liés au déclaratif. Et comme il n'est pas "sexuellement correct" ni admis de déclarer, "je préfère regarder Netlfix que de revisiter le Kamasutra", même si beaucoup d'entre nous le pense, les résultats sont forcément faussés.

Vidéo du jour

D’autres enquêtes très sérieuses cherchent à démontrer la corrélation entre la recherche du bonheur et le sexe. Comme par exemple cette étude de l’université du Colorado en 2013, publiée dans le journal Social Indicators Research et intitulée “Sex and the Pursuit of Happiness”, qui dit que “ce qui rend vraiment heureux un couple, c'est de savoir qu'il fait l'amour plus souvent que ses voisins”. Soit. Ceci dit, c’est peut-être pour ça que certain.es de mes propres voisin.es aiment faire monter les décibels lors de leurs ébats : pour montrer aux autres que ce sont eux les plus heureux.

Toujours selon cette étude, les chercheurs aurait déterminé la journée idéale dans laquelle le sexe tient une place très importante : 106 minutes à faire l'amour, 36 minutes à travailler, 48 minutes devant son ordinateur, 82 minutes de socialisation, 75 minutes à manger, 47 minutes de tâches ménagères et 46 minutes de repos… C’est très précis et très optimiste. Les experts ajoutent également que, contrairement à ce que disait Frédéric Beigbeder, le désir “spontané” dure de douze à dix-huit mois.

Le désir, ça se travaille

Et après ces dix-mois ? Il faut un petit peu se stimuler. D’autant que d’après une enquête de l'Ined et l'Inserm de 2007 on a gagné deux partenaires de plus et dix années de vie sexuelle, en seulement 30 ans. Chiffre à prendre avec des pincettes puisque ni les Smartphones ni la 4G et ni Netflix n’existaient pas encore. A noter également qu’en 2013*, 90 % des femmes de plus de 50 ans vivant en couple affirment avoir une vie sexuelle, alors qu’elles n’étaient que 53 % il y a trente-huit ans. Un libération des langues et des moeurs. Mais à l’inverse, c’est à cause de toute cette pression qu’il est difficile de faire comprendre aux plus jeunes qu’une vie sexuelle épanouie se travaille. D’autant que, selon une énième enquête, les 50-70 ans qui font l’amour vivent plus vieux, en meilleure santé et sont plus heureux : de très bons arguments pour s’entraîner régulièrement.

Sachant que la femme française a son premier rapport sexuel en moyenne vers 17 ans et qu’elle a son premier enfant à 28 ans (contre 24,2 ans en 1967), cela laisse dix bonnes années pour pratiquer. Parce que oui, pour schématiser grossièrement, entre 20 et 30 ans, on apprend ; de 30 à 40, on profite ; de 40 à 50 ans, on se calme, mais il faut s’accrocher parce qu’à partir de 55 ans, ça repart. Mais reprenons depuis le début, et avant même notre tour du cadran, rappelons que ces observations ne sont ni des injonctions ni des normes : encore heureux, on est libre de sa sexualité et ce, à tout âge.

Le désir à 30 ans : sexe, job et baby blues

A 30 ans, souvent, on travaille dur dans son “premier vrai job” mais on ne demande rien à personne. On gagne sa vie, on pense à acheter même si on ne peut pas toujours, on sort, on s’amuse, on part en week-end, et on fait l’amour tous les jours, matin et soir. Enfin on essaie du moins.  A noter également que pour les sexologues, c’est l’âge de l’apogée sexuelle, chez la femme du moins. C’est l’époque aussi bénie où, quand on est en couple, on se dit qu’on ne fait qu’un avec l’autre. Ce n’est que bien plus tard, on comprendra qu’on est trois : lui, nous et le couple que l’on forme.

“Au milieu des années quatre-vingt, j’avais 30 ans, raconte Caroline. J’étais très amoureuse, j’avais un bon salaire, mon partenaire aussi, et si un patron nous agaçait, c’est simple, on claquait la porte parce qu’on était sûrs de retrouver un job le lendemain. La vie était facile, festive et contrairement à nos mères, la pilule faisait partie de notre quotidien. Et puis on a décidé d’avoir notre premier enfant.”

La première grossesse, c’est le premier chamboulement hormonal. La libido fait du yo-yo. Certaines ne pensent qu’à ça, d’autres refusent tout contact, paniquées à l’idée qu’un rapport puisse faire du mal au bébé. “J’ai eu une grossesse formidable et j’avais tout le temps envie de mon mari : on s’est ingéniés à tester des positions spéciales grossesse et ça nous a beaucoup… stimulés”, reprend Caroline. “Ce n’est après la naissance que j’ai compris que faire l’amour n’allait plus forcément de soi.”

Si par hasard, il nous restait un peu d'énergie pour faire l'amour, je n'arrivais plus à jouir systématiquement

A l’arrivée du premier enfant, fini les week-ends entre copains, les sorties impromptues, les câlins du soir et/ou du matin. Et bonjour les biberons, les longues heures nocturnes à essayer d'endormir le nourrisson, la course aux places en crèche et aux baby-sitters, sans compter le boulot, les réunions tardives qu'on assumait autrefois sans sourciller et qu'on est désormais obligées de quitter en plein milieu pour libérer la nounou. “On était crevés, ajoute Caroline. Et si, par hasard, il nous restait un peu d'énergie pour faire l'amour, je n'arrivais plus à jouir systématiquement. En fait, j'étais plutôt concentrée sur le baby phone. S'il sonnait, je me levais en pleine action, et s'il ne sonnait pas, de toute façon je me levais pour vérifier s'il n'était pas déchargé ou si mon bébé dormait vraiment. Pour mon deuxième enfant, ça a été plus facile”.  

À 35 ans : amants ou parents ?

Cinq ans plus tard, on est généralement organisées, mais toujours débordées. D’autant que la société veut qu’à 35 ans, on se doit de tout réussir : son job, sa vie de famille, sa vie sociale et évidemment son couple. Le fait de rester sous la couette le week-end relève du doux rêve. On essaye d’organiser tout un tas d’activités pour les enfants. On tente au mieux de partager la charge mentale. On se (re)met au sport aussi.

Au lit, c’est le temps des premières excuses : de “les enfants vont nous entendre” à “je n’ai pas la tête à ça”. Quoique, on n’a pas toujours besoin d’avoir la tête à quoique ce soit. “Je reconnais que parfois, je pensais à autre chose, poursuit Caroline. Ça allait de la liste des courses à d’autres hommes, d’autres situations, d’autres positions, pour me stimuler”, avoue-t-elle.

Le désir à 45 ans : on se fait une petite pause ?

Dix ans plus tard, le désir peut-être malmené. Selon une enquête Ifop de 2010, “plus d'un Français sur deux connaît un manque de désir dans son couple”. Parmi les mécontents de l’amour, certains évoquent la fatigue (45%), d’autres la proximité des enfants (35%), d’autres encore le stress (33%) et enfin, la fameuse migraine (28%). Les discussions du soir tournent plus autour des menus de la semaine que des nouvelles positions du Kamasutra à tester. Les hormones vont et viennent. La ménopause arrive à plus ou moins grands pas. Certain.es craquent et font leur crise du milieu de vie. Les enfants quittent le nid. Bref, le sexe est loin d’être une priorité.

Nos trois enfants avaient leur propre appartement, on s'est retrouvés comme deux petits vieux. Je tournais en rond, je n'avais envie de rien.

“Je n'avais plus aucun désir pour mon mari, ni même pour aucun autre homme”, avoue Sonia, qui a divorcé à 49 ans, après vingt-deux ans de mariage. “Nos trois enfants avaient leur propre appartement, on s'est retrouvés comme deux petits vieux. Je tournais en rond, je n'avais envie de rien. Mon mari, lui, a eu une réaction diamétralement opposée à la mienne. Il s'est dit que c'était la dernière ligne droite. Il s'est remis à me solliciter, mais je préférais bouquiner. Il avait envie de sortir, de voir du monde. Petit à petit, j'annulais les dîners au dernier moment, puis il y est allé sans moi. Puis un soir, il n'est pas rentré. Ça me pendait au nez”, résume-t-elle.

Sophie, elle, est plus magnanime. “C'est vrai qu'à 50 ans, la sexualité marque un temps d'arrêt. On en a beaucoup parlé avec mon mari. On s'est dit que c'était physiologique. Ça a renforcé notre complicité. On a décidé de trouver une autre façon de faire l'amour, moins classique. On a testé les sextoys mais, franchement, ce n'était pas pour nous. Mais on se touchait beaucoup, on se caressait. Quand les enfants sont partis, on a sabré le champagne en se disant : "Enfin libres !" On a redécouvert les escapades à deux, les petits dîners au bistrot. On s'est fait plaisir autrement. On ne s'est pas lâchés, le temps que le désir revienne, et il est revenu !”, conclut-elle dans un éclat de rire.

Le désir à 55 ans : on remet le couvert

Arrive alors la cinquantaine. Si le couple a tenu bon, c'est tout bon. Dans les Femmes, le sexe et l'amour du sexologue Philippe Brenot (éd. Les Arènes, 2012), on apprend qu'après 55 ans, les femmes retrouvent une sexualité épanouie, surtout si leur partenaire est attentif. Reste que, pour 66 % des femmes de plus de 55 ans vivant en couple, “le sexe est important”. Comme dans leur vie sociale, professionnelle ou familiale, elles n'ont plus rien à prouver, les jeux sont faits. Couple déjà bien établi ou nouveau compagnon, on fait comme on le sent : fini la recherche de performances, les comparaisons, les normes, le temps imparti.

On élargit la notion de plaisir à la sensualité, l'orgasme n'est plus obligatoire. On ne se formalise plus des déficience de l’un ou de l’autre. Tout est prétexte à jouir, au sens large. Le temps passé à deux, un fou rire, sa peau contre la nôtre, le petit déjeuner au lit… Des nouvelles envies et hop ! c'est reparti. Elle est pas belle la vie ?

Article publié initialement dans le magazine Votre Beauté, novembre 2013

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De anonyme
Excellent reportage...c'est exactement ce que nous avons vécu mon épouse et moi .
Après sa ménopause mon épouse se lâchait beaucoup plus et nos parties de jambe en l'air
beaucoup plus intenses
Nous avons 80 ans...... c'est moins souvent certes mais toujours aussi jouissif