16% de la population française est concernée par un syndrome anxieux ou dépressif d'après une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, parue en juin 2022. Des troubles, qui touchent davantage les femmes, et qui ont été accentués par le Covid-19.

Ainsi, "la dépression est la première cause de handicaps au monde depuis 2020", appuie même Christine Barois, psychiatre et autrice de Pas besoin d’être tibétain pour méditer (Solar, 2014). 

Mais alors que ce mal-être s'installe de plus en plus dans la population, et qu'il semble de plus en plus compliqué de pouvoir consulter un professionnel.le afin de diagnostiquer ces troubles psychiques, la Haute Autorité de Santé a élaboré, en 2014, un auto-questionnaire simple et rapide pour aider les individus. Ce dernier permet à celles et ceux qui le souhaitent d'évaluer eux-mêmes la présence d'une forte anxiété et d'une possible dépression.

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Une échelle pour dépister la gravité des troubles anxieux et dépressifs

L'échelle, répartie selon 14 items - sept questions sur l'anxiété et sept autres sur la dépression - se complète en un temps très court. “C'est une échelle qui n’est pas récente, elle a une quarantaine d’années. C’est un outil de référence pour le dépistage et le suivi des troubles anxieux et dépressifs”, ajoute l'experte. Mais en quoi consiste-elle et comment l'utiliser à bon escient ? 

Le questionnaire, prénommé "échelle HAD : Hospital Anxiety and Depression scale" consiste à cocher pour les 14 affirmations - comme "j’éprouve des sensations de peur et j’ai l’estomac noué" ou encore "j’ai l’impression de fonctionner au ralenti" - un score allant de 0 à 3. Par exemple, pour la question "je ris facilement et vois le bon côté des choses", l'échelle propose de sélectionner "autant que par le passé 0", "plus autant qu’avant 1", "vraiment moins qu’avant 2" ou "plus du tout 3". 

Après quoi, il est demandé d'additionner les points pour qu'un score apparaisse : 7 ou moins signifie une absence de symptomatologie, 8 à 10 une symptomatologie douteuse et 11 et plus une symptomatologie certaine. "Pour la symptomatologie douteuse, pas forcément besoin de consulter. On a tous une dose d’anxiété et c’est parfois bien d’être un peu anxieux, d’anticiper les dangers, de prévoir les choses à l’avance. Mais tout est une question de dosage”, ajoute la psychiatre. 

Mais lorsqu’on remplit les critères d'une symptomatologie certaine, il est conseillé de consulter un.e professionnel.le. "Il faut faire la différence entre ce qui est normal et ce qui est pathologique : il y a des périodes de vie où l’on ressent du stress et de l’anxiété, des périodes qui donnent une charge mentale supplémentaire. Mais cela devient pathologique quand ces troubles perturbent notre fonctionnement normal, atteignant les sphères scolaire, professionnelle, familiale et sociale”, précise Christine Barois. 

Différencier l’anxiété normale de l'anxiété pathologique

Car il existe différents niveaux de troubles anxieux et dépressifs. Concernant l'anxiété, il faut différencier l’anxiété du quotidien de l’anxiété pathologique. Pour cela, la dernière doit réunir quatre conditions : tout d’abord, l’anxiété devient maladive “quand elle est disproportionnée et survient en lien avec des choses qui ne sont pas dangereuses en elles-mêmes”, explique Dominique Servan, psychiatre, responsable de l’unité stress et anxiété du CHRU de Lille, à The Conversation

Au-delà de l'aspect irrationnel, c’est lorsqu’elle est beaucoup trop intense dans notre vie que l'anxiété devient maladive. “Au lieu de nous aider à mieux nous adapter à la situation […] l’anxiété forte entrave ce que nous sommes en train de faire et nous la ressentons comme une vraie souffrance”, ajoute le professionnel de santé. Ensuite, elle doit durer dans le temps, donnant l'amère “impression qu’elle ne s’arrêtera jamais, de ne pas voir la fin du tunnel”. 

Pour finir, lorsque dans notre quotidien, notre anxiété devient ingérable, perturbant de trop nombreuses sphères de nos vies - notre travail, nos relations, notre fonctionnement - elle peut alors être catégorisée de pathologique. “Quand nous ne pouvons la maîtriser, nous ressentons de l’impuissance, parfois même de la colère contre nous-mêmes. Nous nous en voulons de ne pas pouvoir agir”, précise le médecin. 

Qu'est-ce qu'un symptôme dépressif ? 

La dépression se manifeste, de son côté, par trois types de symptômes, présents depuis au moins deux semaines : d'abord, "une tristesse profonde, permanente, qui ne s’apaise pas avec un événement plaisant ou une bonne nouvelle. Y sont souvent associées d’autres émotions négatives comme l’anxiété, l’irritabilité, la culpabilité et la mésestime de soi. Il y a une perte des envies et du plaisir ressenti face aux choses habituellement plaisantes", commence Jean-Victor Blanc, psychiatre, à The Conversation

S'associent à ces émotions négatives continues, des symptômes psychomoteurs, tels que "un ralentissement global du fonctionnement des pensées (troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration), mais aussi un ralentissement physique, tant dans le discours (moins fluide, temps de réponse augmenté, ton monocorde) que dans la gestuelle, entravée", continue le spécialiste. D'autre part, les expressions du visage peuvent disparaître peu à peu. 

Pour finir, des symptômes physiques s'ajoutent aux précédents, lorsqu'une personnalité est touchée par une dépression : "les troubles du sommeil, souvent à type d’insomnie avec réveil précoce, sont très fréquents. Une perte de l’appétit avec amaigrissement involontaire, une fatigue qui ne s’améliore pas avec le repos, une constipation ou des règles irrégulières font partie des autres manifestations classiques de la maladie", conclut le psychiatre au média. 

Échelle HAD : que faire après ? 

Si vous cochez toutes les cases de la symptomatologie certaine et/ou que vous remplissez les critères cités par les professionnel.les, il est important de demander de l'aide.

“Si l'on est une personnalité anxieuse, que cela nous gène régulièrement, on doit faire quelque chose, sans forcément aller voir quelqu'un. On peut mettre en place des choses dans sa vie. Il y a des moyens d'actions. Et si on y arrive pas tout seul, on va voir un professionnel”, préconise Christine Barois. 

Concrètement, plusieurs astuces du quotidien peuvent aider à apaiser notre psyché. Pour cela, par exemple, "il faut favoriser la neuroplasticité à travers le sport, la méditation (de la cohérence cardiaque ou des exercices de respiration) et faire attention à son alimentation (il y a un lien de corrélation entre dépression et alimentation)”, ajoute-elle. 

Sans oublier de sortir de sa rumination, en arrêtant de se demander sans cesse d'où peut venir ce mal-être. “Ce n'est pas la bonne question à se poser. On a tous nos raisons d'être mal et il y a de multiples causes identifiées, comme la génétique ou l’environnement. Questionnons-nous plutôt sur ses effets sur notre vie et sur ce que l’on peut faire contre. On n’a pas forcément le contrôle sur les origines mais on a un contrôle sur ce qu’on peut mettre en place dans notre vie pour aller mieux”, conclut la professionnelle de santé.