Législatives et inquiétudes sur le droit à l'IVG : "On peut tout à fait mettre des barrières sans toucher à la Constitution"

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IVG Législatives anticipées
À quelques jours du premier tour des élections législatives, l’inquiétude monte chez les militantes féministes. Les droits des femmes toujours acquis de haute lutte mais jamais gravés dans le marbre, sont-ils en danger ? Quelques questions au Dr Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne, fondatrice de "La Maison des femmes" à Saint-Denis.

Malgré son inscription dans notre Constitution en mars dernier, le droit à l’avortement pourrait-il de nouveau faire débat ? Les médecins se sentiront-ils autorisés à se cacher derrière la clause de conscience en cas d’un nouveau gouvernement ultra-conservateur à l'issue des législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet 2024 ? 

Ces questions, qui nous renvoient à des inquiétudes légitimes, nous les avons posées à Ghada Hatem, gynécologue, militante et fondatrice de la Maison des Femmes à Saint-Denis (93).

Marie Claire : Vous qui avez créé la Maison des femmes à Saint-Denis en 2016, comprenez-vous l’inquiétude des féministes face aux enjeux de ces élections législatives? 

Ghada Hatem : Oui, je comprends parfaitement l'inquiétude féministe parce que les droits que nous défendons sont des droits acquis de haute lutte et qui n'ont pas été défendus notamment par l'extrême-droite, potentiellement appelée à gouverner. Donc oui, je pense que l'inquiétude est tout à fait légitime.

Il faudrait que nos droits soient posés comme non négociables, pérennes et totalement indépendants de tout bord politique.

Il faudrait que nos droits soient posés comme non négociables, pérennes et totalement indépendants de tout bord politique. Or, il y a plein de choses qui reposent sur nos décisions politiques, comme de rembourser l’IVG, de se donner les moyens qu'elle soit disponible partout, de rendre la contraception gratuite accessible. Ce sont toutes choses qui sont des manifestes d'autonomie qui déplaisent aux ultra-conservateurs.

Regards inquiets tournés vers l'Italie

Le droit à l'IVG inscrit dans la Constitution est-il indéboulonnable ? 

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Je pense que rien n'est indéboulonnable. Et je pense que si on ne veut pas se lancer dans une nouvelle modification de la Constitution, il existe des façons beaucoup plus simples de rendre ce droit ineffectif en ne remboursant plus l’IVG, en ne formant plus de médecins, en ne finançant pas les centres de santé sexuelle.  Il est possible de mettre des bâtons dans les roues sans même toucher à la Constitution. 

Comme en Italie où même si le droit à l'avortement est légal, dans certaines régions, 90% des médecins refusent de le pratiquer, en se réfugiant derrière la cause de conscience… 

C'est bien le sujet. Vous avez raison, l'Italie est l'exemple le plus probant parce que les Italiens sont assez proches de nous. Les Italiennes racontent que c'est la croix et la bannière pour trouver un médecin qui ne se cache pas derrière sa clause de conscience. Le politique n'a pas son mot à dire sur la clause de conscience en tant que telle mais quand on est dans un gouvernement qui entrave l'accessibilité à l'IVG", les médecins se sentent beaucoup plus légitimes à répondre : "Non, moi, je ne fais pas ça."

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