Depuis le 20 septembre 2023 est disponible, sur Disney +, Irrésistible, première série romantique française, avec Camélia Jordana à sa tête. 

Et sans vous spoiler, il est question de coup de foudre, de puissante attraction et donc finalement de chimie amoureuse

Une histoire tel un parcours initiatique amoureux qui nous fait nous interroger de l'autre côté de l'écran : y a-t-il vraiment une formule scientifique à l’amour ? 

Marcel Hibert pharmaco-chimiste, professeur de Chimie à la Faculté de Pharmacie de l'Université de Strasbourg et auteur d'Ocytocine mon amour (Ed. Humensciences) nous éclaire. 

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L'amour, une équation d'une "complexité inconcevable"

Selon le spécialiste, avant même de questionner les origines chimiques de l'amour, il faut poser certaines bases (et revoir, par la même occasion, nos cours de chimie du collège). "Nous ne sommes faits que d’atomes et de vide. Ces atomes se combinent en molécules. Tout ce qui existe sur terre est fait de molécules : les plantes, les insectes et les êtres humains", rappelle-t-il. 

Ainsi, mis "simplement" en mots, on peut dire que tout ce qui se passe ne nous est moléculaire. Et même si ce n'est pas très sexy, l'amour n'y coupe pas : il est le fruit d’interactions moléculaires.

"Mais il ne faut pas que ça retire du mystère à l’inconnu ou que ça déçoive les gens, parce que c’est une complexité inconcevable. Oui, l’amour est sous contrôle moléculaire, mais comme le reste et ça ne sera jamais totalement compris. Tout ce que les scientifiques peuvent faire, c’est tirer quelques petits fils ici ou là pour identifier certains mécanismes impliqués dans telle ou telle fonction. Mais ce n’est pas parce qu’on a compris qu’un mécanisme est impliqué avec plus ou moins d’importance qu’on a compris les secrets de l'amour", poursuit le spécialiste. 

Par quoi nos actions amoureuses sont-elles guidées ? 

Mais qu’est-ce qui guide nos actions amoureuses alors ? "Notre patrimoine génétique : on naît avec certaines prédispositions comportementales et physiques (costaud, grand.e, blond.e, empathique…) et derrière ces dernières passent notre histoire et notre environnement", répond Marcel Hibert. 

Et selon l’environnement dans lequel on va évoluer et les événements que l'on va traverser, tout va se graver en nous à deux niveaux : génétique (c'est ce qu'on appelle l'épigénétique) et puis dans notre mémoire, au niveau du cerveau. "À chaque instant, nos réactions et sentiments - amoureux ou non - vont être guidés par cet ensemble de choses". 

"Passionnel, romantique ou physique, l’amour est le résultat d’une mécanique complexe, mêlant pulsions et envie, colorée d’interdits et d’inhibitions. La biologie n’est pas romantique, mais heureusement notre cerveau invente, colorie, habille et construit le sentiment d’amour !", confirmait déjà en 2018 le neurobiologiste Bernard Sablionnière dans un billet pour The Conversation

"Les émotions que l’on perçoit, c’est le corps qui parle. Les sentiments que l’on ressent, c’est le mental qui juge. La petite musique qui rythme la danse de ces partenaires étroitement enlacés est efficacement orchestrée pour faire tendre la rencontre vers son but ultime : la reproduction de l’espèce… Le cerveau chorégraphie cette évolution, intégrant, évaluant, réagissant et modifiant les nombreuses informations qu’il reçoit via les sens pour adapter nos comportements en conséquence. Pour ce faire, les neurones sont sa baguette de chef d’orchestre. Via des messagers chimiques (les neurotransmetteurs), ils activent, ralentissent ou bloquent certaines voies de communications nerveuses, afin de permettre au cerveau de s’adapter aux stimulations extérieures, et de modifier nos comportements en conséquence : faire savoir que l’autre nous plaît, nous indiffère, nous séduit…", explicitait-il.

L'ocytocine, n'est pas (vraiment) l'hormone de l'amour

En effet, dans l'équation impossible de l'amour, les chimistes sont tout de même parvenus à identifier quelques hormones et neurotransmetteurs qui vont venir moduler nos interactions - augmenter ou diminuer l’empathie, le stress... -. 

"Ce sont des pédales sur lesquelles on peut appuyer pour gérer le tout. Mais en aucun cas une hormone va induire de l’amour. Donc dire que l’ocytocine est l’hormone de l’amour est une aberration totale selon moi", démystifie Marcel Hibert. 

D'après l'expert, l’ocytocine est plutôt l'un des millions de mécanismes moléculaires qui interviennent dans tout ce qui va se passer lors de la rencontre amoureuse. "Oui, elle joue un rôle dans l’amour et l’attachement, mais réduire le tout à une molécule serait stupide". Pour autant, si elle n'est pas "l'hormone de l'amour", l'ocytocine reste centrale à notre survie (interaction sociale).

"Dans ma vie, j’ai travaillé sur 7 ou 8 hormones différentes et à chaque fois qu’on a cherché à bricoler des molécules qui bloquent ou qui miment leurs effets, on a toujours réussi à trouver. Sauf avec l’ocytocine. Elle est tellement importante pour la survie de l’espèce que l’évolution a trouvé un système de protection pour qu’il n’y ait pas de substance toxique qui vienne agir avec, parce que cela menacerait l’espèce. Ce récepteur est très bien protégé et à raison", témoigne le professeur. 

La compatibilité amoureuse, une question d'odeur

Mais alors, de quoi découle la compatibilité amoureuse, s'il n'existe pas d'hormone de l'amour ? Tout (ou presque) serait une question d'odeur. 

"Des résultats suggèrent que nous sommes attirés par des personnes qui ont des odeurs particulières, émanant de personnes qui ont des systèmes immunitaires complémentaires au nôtre. C’est extrêmement curieux car nous ne connaissons pas notre système immunitaire comme on pourrait connaître notre groupe sanguin. Il semblerait que ce soient les odeurs émises par la personne qui soient comme une sorte de code-barres. Et au cours de l’Évolution, chacun aurait appris à trouver plutôt agréables des odeurs qui nous compléteraient pour donner à nos enfants un spectre plus large de défenses immunitaires", partage l'universitaire.

Quoiqu'il en soit, une chose est sûre, l'amour reste encore un mystère pour tous et trouver sa formule magique ou chimique ne se fera pas demain. "On peut aborder l’amour en philosophe, en poète, en chimiste, en biologiste… Mais derrière un coup de foudre, les mécanismes moléculaires sont tellement complexes et l’histoire de chacun est tellement particulière, qu’aucun biologiste n’arrivera à l’expliquer. On sait d'ores et déjà que l'on n’arrivera jamais à mimer un coup de foudre", termine Marcel Hibert.