Pourquoi de plus en plus de femmes se détournent de l’amour romantique

Par Gwendoline BeauchetÉva Mordacq
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amour romantique
Autrefois érigée en modèle incontournable et immuable, la vie de couple est presque devenue une injonction sociétale pesante. En ce sens, de plus en plus de femmes refusent désormais l’amour romantique en trouvant leur équilibre autre part.

Selon le dernier recensement de l'INSEE (2017) la France compterait 18 millions de célibataires. Un chiffre en constante évolution depuis les années 1950. 

Mais cette dernière enquête à date précise surtout que 2 célibataires sur 3 étaient une femme, comme le rapportait alors RMC. "Franchement je comprends, réagit Justine, 26 ans, ne pas se préoccuper d’une deuxième personne et du couple en général, c’est tellement libérateur, une vraie charge mentale en moins !". 

Alors que le couple a toujours été la "norme", de plus en plus de femmes décident de se détacher de ce schéma quasi injonctif en mettant de côté pendant quelques temps - ou en refusant tout bonnement - l’amour romantique, en trouvant leur équilibre autre part.

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L'émancipation féminine et la fin de la vie de couple

"Même si l’amour est omniprésent dans les chansons pop, les livres, les émissions de télévision et la télé-réalité, tout le monde ne veut pas tomber amoureux", rappelle justement la psychologue Kendra Cherry pour Very Well Mind.

Un virage désormais de plus en plus assumé qui peut s’expliquer par de nombreux facteurs, l’émancipation féminine en tête. Car n'oublions pas qu'il y a moins de soixante ans, les femmes ne pouvaient - légalement - pas faire grand-chose sans un homme. Elles passaient du statut de "fille de" à "femme de" et c’est seulement sous ce dernier statut qu’elles avaient la possibilité d’ouvrir un compte en banque, d’acheter des biens ou même de travailler. 

Si la vie de couple s’est alors imposée comme une norme, c’est aussi parce que le statut marital des femmes avait une incidence directe sur leur indépendance financière. Pour rappel, ce n’est que depuis le 13 juillet 1965 et la loi promulguant la réforme des régimes matrimoniaux, que les femmes mariées sont libérées de ce carcan.

"C’est certain qu’à l’époque, je me serais sûrement posée la question. Mais je me dis que faire le choix de refuser cette injonction à l’amour amoureux aujourd’hui c’est aussi rendre hommage à toutes ces femmes qui n’avaient pas le choix", poursuit Justine. 

Des diktats encore bien ancrés

Pour autant, le poids de l'expression "trouver chaussure à son pied" pèse toujours sur les épaules des femmes, comme le souligne Gwendoline, une trentenaire célibataire :

"Mon célibat est devenu une source d'inquiétudes et de railleries pour certains membres de ma famille. Ma mère s'inquiète et me demande souvent si j'ai des rencards, ou si je vois quelqu'un en ce moment. Ma petite sœur me taquine là-dessus. À chaque évènement familial, elle dit en rigolant : 'Pas de +1 pour Gwen'".

"Plus le temps passe, plus j’ai l’impression qu'en tant que femme, j'ai une date de péremption", confie-t-elle. La sexothérapeute analytique et thérapeute de couple Alexandra Morin rebondit sur cette affirmation en expliquant : "Les relations sociales sont primordiales pour l’espèce humaine. Et ‘à cause’ du mythe hollywoodien, beaucoup pensent que cet équilibre se retrouve uniquement dans l’amour romantique".

Amis, travail, passion : trouver le bonheur et l’amour ailleurs

Pourtant, trouver l’amour ailleurs n’est pas si difficile selon Laura, 30 ans. "Ce n’est pas forcément un choix de base, je l’avoue. J’ai longtemps attendu l’amour pour finalement comprendre que j’étais heureuse sans, donc pourquoi forcer ?". 

Aujourd’hui, la jeune femme admet se "sentir complète" et "aimée". “C’est mon travail, mes passions, ma famille et mes amis qui font mon équilibre. Je peux dire que je vis ma meilleure vie, même si je n'ai pas de copain", sourit-elle. 

Et Alexandra Morin confirme : "Il est primordial d’avoir des personnes dans sa vie en dehors du couple. Toutes les formes d’amour sont importantes, pas seulement la romantique. L’amour, qu’il soit parental, fraternel ou amical, a aussi une place de choix. C’est cette pluralité qui rend heureux".

Ne pas être en couple ne veut pas dire être seule pour autant.

Sentiment partagé par Raphaëlle, une étudiante dans la vingtaine : "Je n’ai jamais été en couple et je n’ai jamais été amoureuse non plus. Pourtant, je suis parfaitement heureuse. Je peux vivre sans partenaire et ça me plaît comme ça. Ne pas être en couple ne veut pas dire être seule pour autant. J’ai des amis sur qui compter". 

Elle a même du mal à se mettre à la place de ceux qui, au contraire, sont à la recherche de l’amour : "Pour moi, la romance et l’amitié c’est à peu près la même chose. Mais la romance est beaucoup plus complexe à mes yeux. Donc quand j’apprécie quelqu’un, je me dis juste 'autant être ami !'. Se mettre en couple, j’ai l’impression que ça prend une énergie folle, et je n’en ai pas envie".

Dissocier sentiments et sexualité pour être épanouie sans le couple

Quid du sexe se demande-t-on alors ? L'occasion de rappeler qu'abstinence et mise à distance de l’amour romantique ne vont pas forcément de pair. 

"Au début mes copines me demandaient souvent pourquoi je suis sur Tinder alors que je ne veux pas de mec. Comme si, parce que mon but n’est pas le couple, je n’avais pas pas le droit à une vie sexuelle. Je pense que si j’étais un homme on ne s'interrogerait pas autant”, souligne Justine. 

En mars 2023, l’IFOP publiait pourtant une enquête attestant d’une "dissociation croissante entre sentiments et sexualité : les femmes étant aujourd’hui deux fois plus nombreuses (61%) qu’en 2006 (26%) à penser qu’on ‘peut avoir des rapports sexuels avec quelqu’un sans l’aimer’". 

D’autres ne se posent même pas la question. Raphaëlle confie ainsi s’identifier comme asexuelle et aromantique.

Un rejet entre choix engagé, besoins déjà comblés et peurs

Si ce rejet de l’amour romantique, qui n’est pas "définitif" pour la plupart de nos témoins qui indiquent ne pas être "fermées aux belles histoires" - la nuance réside dans le fait qu’elles ne les cherchent pas - il convient toutefois de noter que derrière cette idée peuvent aussi se cacher des peurs

La psychologue Kendra Cherry liste ainsi "la peur d’être blessée ou abandonnée", ou encore "une faible estime de soi". Dans ce cas-là, quand le choix n’en est pas vraiment un et vous heurte, il est recommandé de solliciter l’aide d’un thérapeute.

"Avant de décider d’exclure définitivement le fait de tomber amoureux, il est essentiel de comprendre vos motivations et pourquoi vous pourriez ressentir cela", appuie la psy américaine. 

Parce que l’important reste d’écouter son cœur, qu’il soit occupé par un.e amoureux.se ou qu’il soit comblé avec des amours plurielles, sans que la romance y trouve une place (pour le moment, ou pour la vie).

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