Peut-on vraiment soigner le mal de dos en changeant son alimentation ?

assiette illustration mal de dos
La thèse est défendue par de plus en plus d’ostéopathes, chiropracteurs et kinésithérapeutes : l'alimentation pourrait avoir un impact direct sur le mal de dos. Une bonne nouvelle pour toutes celles qui souffrent de douleurs chroniques.

Soulager une sciatique chronique en supprimant le café au lait, en finir avec des douleurs lombaires en réduisant l’apport en viande, éradiquer une douleur à l’omoplate en éliminant le gluten… Dans le monde un brin conservateur de la médecine, faire le lien entre nourriture et pathologies musculo-squelettiques peut faire désordre. Désireux d’apporter une vraie réponse aux patients prisonniers des douleurs comme des médicaments, un nombre croissant de spécialistes n’hésitent plus à faire table rase de leurs croyances académiques pour explorer des voies alternatives.

"C’est parce que je n’avais pas de résultats suffisamment probants avec l’ostéopathie que j’ai complété ma pratique avec une formation en naturopathie et en micronutrition", expliquait Jean-Pierre Marguaritte au congrès Respirer la Santé de Saint Malo en 2017. "Les aménagements alimentaires faits par mes patients ont montré leur efficacité sur des douleurs articulaires et musculaires jusque là récalcitrantes." De ces expériences, l’ostéopathe a tiré une méthode complète de traitement par l’alimentation qu’il expose dans l’ouvrage Le mal de dos est dans l’assiette (éd. Promostéo).

La congestion abdominale dans le viseur

Pour expliquer les relations entre ventre et dos, Jean-Pierre Marguaritte aime comparer ce dernier à un bateau dont la coque serait le bassin : deux hanches articulées de part et d’autre du sacrum. Sur celui-ci, viennent s’empiler les vertèbres lombaires, dans le rôle du mât. Les hanches sont stabilisées par deux masses musculaires fixées sur la colonne vertébrale, comme les haubans du bateau. "Il suffit qu’un côté du dos soit plus tendu que l’autre et rien ne va plus ! Le bassin se vrille, le sacrum s’incline et les premières vertèbres finissent par glisser en avant, ce qui pince le disque intervertébral", décrit l’ostéopathe. Ou la naissance d’une douleur lombaire !

Quel est le lien avec le ventre ? "Si l’un des haubans se tend plus que l’autre, c’est parce que sa vascularisation est moins bonne." La circulation sanguine est ralentie, l’acide lactique stagne dans le muscle qui se contracte. Ce phénomène se produit quand le trajet artériel entre le cœur et le bassin n’est pas fluide. C’est justement le cas quand le ventre et les organes digestifs sont congestionnés, comprimant par endroits la grosse artère qui le traverse et se divise en deux pour distribuer le sang à chacune des hanches et aux jambes. En fonction du segment artériel comprimé, le hauban musculaire gauche ou droit se met sous tension, déclenchant la bascule de la hanche correspondante. D’où la nécessité pour la patiente d’agir sur son hygiène alimentaire pour réduire l’inflammation digestive.

Comment ? En limitant l’apport de toxiques : café, thé, chocolat, sodas, alcool, tabac. Et surtout le plus gros des poisons pour le dos : le café au lait. "Les tanins du café précipitent la caséine et la rendent encore plus indigeste. Le pire des petits déjeuners : yaourt, pain et café", pointe Jean-Pierre Marguaritte. Ballonnements assurés ! "Un côlon enflammé peut déclencher des problèmes de dos en générant par exemple une pression au niveau du psoas - le muscle tendu entre le bassin et les lombaires, voire même créer des adhérences", confirme la chiropracteur parisienne Caroline Lambert.

L’acidité aggrave l’arthrose

Pour la spécialiste du squelette, les douleurs chroniques, en particulier celles de nature arthrosiques et rhumatismales, sont souvent liées à l’acidité du corps. Même en cas de problème mécanique, quand la manipulation s’impose, le régime anti-inflammatoire peut faire du bien ; il n’est pas rare, surtout après 40 ans, que les dérèglements mécaniques se doublent d’une composante arthrosique. "Sucres, céréales raffinées, pains, viande et tout ce qui génère des toxines… plus le régime est acidifiant, plus l’inflammation des tissus s’installe. Désenflammer la zone aura forcément des effets positifs", expose-t-elle. D’où l’intérêt de diminuer au maximum l’apport en produits carnés et lactés pour atténuer les crises et freiner la dégénérescence articulaire.

C’est tout le propos du régime Seignalet, inventé par le clinicien du même nom. Ce chercheur biologiste au CHU de Lille a établi la correspondance entre certaines maladies auto-immunes, dont des pathologies auto-immunes arthrosiques comme la spondylarthrite ankylosante ou la polyarthrite rhumatoïde, et les molécules de blé et de lait ; ainsi, la molécule de la caséine trouvée dans le lait bovin n’est pas digérée par l’homme. Créé en 1985, son régime a fait ses preuves sur de nombreux patients, comme en témoigne Jacqueline Lagacé dans l’ouvrage Comment j'ai vaincu la douleur et l'inflammation chronique par l'alimentation (Thierry Souccar éditions) paru en 2011. La scientifique y raconte sa victoire sur l’arthrite et l’arthrose qui la privaient de l’usage de ses doigts, grâce au fameux régime.

Ce dernier préconise fruits et légumes frais, biologiques de préférence, consommés crus, pour conserver les vitamines et minéraux (calcium compris) ou cuits à une température inférieure à 110°C. On les assaisonne idéalement avec des huiles vierges crues (onagre, bourrache, olive, soja, colza), extraites à froid. Sont exclus tous les laits animaux et leurs dérivés. Egalement sur la touche, les céréales génétiquement mutées (blé, maïs, seigle, orge, avoine, kamut, épeautre, petit épeautre, millet...). Seules les céréales non mutées (riz, sarrasin, sésame) sont autorisées. La patiente peut ré-introduire progressivement les aliments interdits, en quantité limitée, une fois les symptômes guéris.

La monodiète pour nettoyer le foie

Selon Jean-Pierre Marguaritte, c’est l’habitude mensuelle à installer de toute urgence pour mettre au repos cet organe vital qui est au cœur de toutes les pathologies dès qu'il fonctionne mal. "On ne peut pas le soigner avec un médicament, puisque la chimie aggrave les symptômes hépatiques. Pour l’aider à régénérer ses cellules, il suffit de le nettoyer régulièrement, exactement comme le filtre de nos machines à laver ! Une monodiète est parfaite pour cela", affirme l’ostéopathe-naturopathe.

Marche à suivre ? Pendant 24 heures, consommez uniquement une catégorie d’aliments à valeur non énergétique : fruits ou légumes. Durant les douze premières heures, le corps, privé d’énergie, vide le stock du foie en glucose. "À partir de la treizième heure, il commence à nettoyer le filtre", décrit le thérapeute.

"Avant, je le faisais tous les mois ; désormais, étant donné que j’ai dépassé soixante ans, je le fais tous les quinze jours. Je commence dimanche soir, après les repas souvent plus riches des weekends." Les premières fois, il est possible d’éprouver des troubles désagréables, à la hauteur de sa détoxication. Migraines, diarrhée et fatigue se dissipent au bout de deux ou trois jours. En cure intensive, Jean-Pierre Marguaritte préconise un jour par semaine, puis toutes les deux, trois semaines et enfin quatre semaines.

Les femmes éviteront la monodiète pendant les règles et les jours qui les précèdent. Le foie étant sollicité durant la seconde partie du cycle pour fabriquer certaines hormones, il s’agit de lui éviter une double charge de travail.

La mastication est essentielle

Le masseur kinésithérapeute Gilles Bacigalupo rejoint l’approche alimentaire de ses confrères par un autre raisonnement qu’il expose dans Mal de dos, mal de bouffe (éditions du Rocher). Pour lui, les symptômes musculo squelettiques dérivent d’une lente détérioration de nos tissus graisseux qui deviennent durs et adhérents à cause d’une nourriture mal assimilée. Ces graisses qu’il sent régulièrement sous la peau de ses patients exercent des pressions sur des petits nerfs sous cutanés. Les terminaisons nerveuses envoient alors des messages vers la moelle épinière… qui répond par un ordre réflexe de contraction aux muscles de la zone concernée.

Ses conseils : une nourriture saine, anti inflammatoire, bien assimilée grâce à une bonne mastication, qu’il appelle gentiment "la polka des mandibules", et une abondance d’huiles végétales de qualité (première pression à froid). L’alimentation anti-inflammatoire est une évidence pour l’ostéopathe Alexandre Gorecki, qui considère le travail de la sphère hépato digestive comme partie intégrante de la consultation ostéopathique. "Même si certains patients estiment que l’ostéopathie se cantonne au musculo squelettique, le message d’hygiène alimentaire est une question de bon sens."

À ses patients qui n’aiment pas causer régimes, Caroline Lambert conseille le test des quatre semaines. "Il faut 21 jours pour que les cellules se régénèrent. Au bout d’un mois, la personne se sent mieux car moins congestionnée. Cela lui permet de tirer les conséquences… et la motivation pour continuer. Ou de recommencer régulièrement."

Changer notre manière de voir la santé

D’après Jean-Pierre Marguaritte, parce que l’acidose induit un manque d’élasticité des tissus et une contracture anormale des muscles, l’interaction sur le squelette est évidente. La sédentarité aggrave le processus. "Plus vous bougez, mieux ça circule, car 80% des artères sont situées dans les muscles."

Favoriser une respiration profonde permet au couple foie-diaphragme de bien fonctionner : le cœur envoie du sang vers le bas du corps à travers la grosse artère qui traverse le diaphragme. Si le foie est surchargé, il enfle, le diaphragme n’arrive plus descendre… cette dernière est comprimée. La vascularisation baisse, le cercle vicieux dorsal s’installe. 85 % des maladies professionnelles sont liées aux troubles musculo-squelettiques* et une personne sur trois souffre du dos.

Pour Jean-Pierre Marguaritte, le symptôme a pour origine un problème abdominal dans plus de la moitié des cas. Le thérapeute ouvre le champ de réflexion : "Il faudrait créer un nouveau volet dans notre système de santé, celui d’une prévention active qui interviendrait avant même l’apparition du trouble fonctionnel." 

Hygiène de vie, stress, fatigue et émotions ont un impact conséquent sur le corps. Aller voir l’ostéopathe tous les six mois permet d’agir en amont, de libérer le corps avant que les déséquilibres se cristallisent sur l’organe ou la partie la plus faible du moment. La prévention est d'or.

*Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés -Cnamts

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