Souvent négligée, la respiration a pourtant toute son importance pour notre santé et notre bien-être. Mais que se cache t'-il derrière cet automatisme qui nous paraît si naturel et anodin ? On respire un bon coup. Explications.

Bien respirer : un mécanisme instinctif ?

Cet acte incessant, qui permet d'oxygéner tous les organes de notre corps, se déroule sans effort particulier. Le mécanisme est instinctif : à l'inspiration, la cage thoracique s'élargit et le dôme du diaphragme (muscle puissant qui sépare la cavité thoracique de l'abdomen) s'abaisse pour que les poumons puissent se remplir d'air frais au maximum ; à l'expiration, c'est l'inverse : le diaphragme remonte et les côtes se resserrent pour expulser l'air chargé de toxines (sous forme de CO2) produit par l'activité des cellules.

Dès la naissance, le processus se met en place sous la houlette du système nerveux autonome, qui orchestre également d'autres fonctions vitales, comme le battement du cœur ou la régulation de la température.

Prendre le contrôle de son souffle est toutefois possible : le bloquer volontairement de quelques secondes à quelques minutes, accroître sa cadence, inspirer par la bouche, souffler par le nez... Mais il suffit que la vigilance se relâche pour que l'automatisme reprenne aussitôt le dessus.

Respiration : le diaphragme, l'élément clé

La respiration optimale, celle qui crée un environnement propice à l'équilibre de l'organisme, se déroule paisiblement, sans à-coup. Ample et fluide, elle prend sa source dans le périnée et mobilise tout le ventre comme le font spontanément les bébés. Seulement, voilà, avec les contrariétés de la vie moderne, le stress et la fatigue nerveuse, elle s'accélère et perd en amplitude. Le souffle devient plus court, plus superficiel, haletant. Le diaphragme, trop sollicité, se contracte en position basse. On n'inspire plus avec le ventre mais en gonflant seulement le thorax. Ou, pire, on respire carrément à l'envers, en sortant le ventre à l'expiration. Du coup, notre capacité respiratoire est tronquée, d'un facteur deux à trois. Les échanges de gaz au niveau des alvéoles pulmonaires se réduisent à peau de chagrin, le corps se fatigue et des douleurs surviennent.

"Lorsque le diaphragme ne joue plus son rôle de piston, les organes digestifs sont comprimés et perdent en liberté de mouvement, ce qui peut engendrer de nombreux dysfonctionnements", observe Frédéric Zenouda*, ostéopathe à Paris. Une constipation, des soucis gastriques, des perturbations rénales, voire des troubles veineux, sont susceptibles d'apparaître.

Les neurosciences ont en effet prouvé que la répétition de ces exercices de respiration consciente harmonisait les deux composantes du système nerveux autonome

De même, une respiration haute donne parfois naissance à des douleurs cervicales, dans la mesure où les muscles respiratoires accessoires utilisés pour élever les premières côtes (les scalènes) s'attachent aux vertèbres du cou. Si l'inspiration d'air repose principalement sur eux, à la longue, les cervicales en pâtissent. "Une mauvaise respiration est également un signal d'alerte possible d'un blocage mécanique ou d'un organe en souffrance, dont il faut rechercher la cause", explique l'ostéopathe. Par exemple, en irritant les piliers postérieurs du diaphragme, une dorsalgie peut être à l'origine d'un problème respiratoire. Débloquer les tensions vertébrales libère alors le diaphragme et supprime par effet ricochet les troubles du transit associés.

Il s'ensuit une amélioration générale de l'état de santé, car les nutriments sont mieux assimilés et les déchets mieux évacués. L'acidité du corps, résultant d'un stress chronique excessif et/ou d'une alimentation moderne déséquilibrée (trop de viande, de sel et de céréales raffinées, pas assez de fruits et légumes), sera également en partie neutralisée. Une respiration déficiente contribue en effet à la baisse du pH sanguin, ce qui grignote à la longue notre capital osseux et induit un état inflammatoire généralisé qui perturbe la flore intestinale, altère l'état de la peau, augmente les douleurs rhumatismales, induit des tensions musculaires et épuise le système nerveux. Rétablir le va-et-vient régulier du diaphragme déclenchera ainsi moult effets thérapeutiques en chaîne insoupçonnés.

Comment rééduquer son souffle ?

Il est donc vital de réapprendre à respirer à plein régime pour accéder à une meilleure hygiène corporelle et mentale. "Rééduquer son souffle peut passer par l'initiation au chant, soutient Anne Peko*, chanteuse et coach vocal. Il est en effet impossible de maîtriser sa voix sans travailler sa colonne d'air, dont on doit sentir le flux monter depuis le périnée, le plancher de notre abdomen." Jouer d'un instrument à vent exige les mêmes contraintes.

Selon le Dr David O'Hare***, l'idéal est de commencer par des exercices de respiration conscienteEn pratique : assise bien droite face à une table ou à un bureau, inspirez puis expirez profondément durant trois minutes en suivant mentalement le parcours de l'air qui traverse votre corps : le nez, la gorge, la poitrine, les poumons... La bouche doit rester fermée et la langue appuyée contre le palais. Essayez ! Une fois à l'aise avec cette pratique, renouvelez l'expérience en dessinant sur une feuille de papier des vagues correspondant à votre respiration. Synchronisez votre main et votre cage thoracique : le crayon monte ainsi à l'inspire et redescend à l'expire. "Le fait de dessiner renforce le signal corporel envoyé au cerveau, ce qui lui permet de mémoriser plus facilement", précise le Dr O'Hare.

Les neurosciences ont en effet prouvé que la répétition de ces exercices de respiration consciente (à faire trois fois par jour) harmonisait les deux composantes du système nerveux autonome : le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique. Le premier, sollicité par l'inspiration, mobilise l'énergie nécessaire à l'action. Lorsqu'il entre en jeu, "le cœur accélère, les artères et les veines se contractent, les poumons se détendent et les pupilles se dilatent", souligne le Dr O'Hare. À l'expiration, c'est le système parasympathique qui est stimulé. "Le contraire se produit alors : le rythme cardiaque diminue, les artères se dilatent, les poumons se contractent ainsi que les pupilles, poursuit-il. L'organisme récupère, se relâche, se répare, se repose." Quand les deux systèmes sont en parfait équilibre, on est serein, alerte mais parfaitement détendu.

C'est pourquoi nombre de méthodes de développement personnel (sophrologie, gestalt-thérapie...) ont recours à la respiration consciente profonde pour apaiser les tensions mentales, guérir les blessures du passé et mieux gérer ses émotions, tout en maintenant sa tonicité physique et psychique intacte.

La qualité de l'air, aussi importante que la façon de respirer

En ville, la qualité de l'air laisse souvent à désirer. Les polluants rejetés par les automobiles, le chauffage et les activités industrielles environnantes provoquent des gênes respiratoires (toux, asthme...). Certains gaz, comme le dioxyde d'azote, favorisent aussi le développement d'infections. Quant aux particules fines, elles s'immiscent si profondément dans le corps qu'elles engendrent des insuffisances pulmonaires et des troubles cardiovasculaires.

Pour limiter la quantité de polluants inhalés, évitez le sport (jogging, vélo) près des artères à fort trafic. Lors d'un exercice physique, on ventile quatre à dix fois plus qu'au repos. À la maison, où l'air est encore plus pollué qu'à l'extérieur, aérez au moins quinze minutes par jour et évitez les produits ménagers bourrés de parfums et autres composés chimiques peu recommandables. Préférez les détergents naturels ou ceux dotés d'un écolabel.

* Cofondateur du site d'information et de coaching www.desmauxetdesmots.com.
** Elle organise notamment des ateliers de chant à la Thalassothérapie de Roscoff (Finistère).
*** Auteur de Cohérence cardiaque 365 et de Maigrir par la cohérence cardiaque (éd. Thierry Souccar).