SPA, trois lettres qui ont changé ma vie. Je m’appelle Laurie, je suis atteinte de Spondylarthrite Ankylosante (SPA), une maladie mal connue et mal perçue sur laquelle j'ai envie de faire un peu la lumière aujourd'hui.

J’ai été diagnostiquée en janvier 2014, j’avais 20 ans. Pourtant, je souffrais depuis déjà plusieurs années du dos, mais personne n’a rien vu. Les médecins, kinés, ostéopathes me disaient que j’avais une sciatique, que je m’asseyais mal, que je me tenais mal… Bref c’était de ma faute. On me donnait un anti-inflammatoire puis ça finissait par passer, et par revenir quelques temps plus tard.

Au départ, des maux de dos insoutenables

À la fin de mon BTS, je m’installe avec mon copain. Les douleurs sont toujours là et empirent, au point de ne plus pouvoir passer l’aspirateur dans notre 30m². J’en parle à me belle-mère qui me conseille de consulter sa propre rhumatologue, effarée par le récit de mes souffrances. Je lui explique tous mes maux depuis environ 5 ans. Comment j’en viens à me coller le fessier contre mon radiateur brûlant tellement j’ai mal en bas du dos

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Elle m’ausculte, me fait passer des radios qui semblent normales, puis me donne son premier diagnostic : "Il est possible que vous ayez une maladie rhumatismale, rien de grave, il y a des traitements pour vous soulager, mais on va vérifier en faisant une prise de sang".
Une maladie rhumatismale ? Mais je ne suis pas âgée ! Je regarde son ordonnance pour la prise de sang, dans laquelle elle prescrit une recherche génétique du HLA B27 pour "suspicion de SPA". SPA ? HLA B27 ? Je cherche des infos sur Internet : le moteur de recherche affiche plusieurs pages intitulées "Spondylarthrite Ankylosante" qui détaillent cette maladie dont moins de 1% de la population française est victime.

Un système immunitaire défaillant, une maladie qui ne se guérit pas

La spondy, comme je l’appelle - on est intime maintenant - est une maladie auto-immune, inflammatoire et chronique, qui touche les articulations du bassin, de la colonne vertébrale et du thorax principalement, mais aussi les genoux, les talons… Tout ce que l’on appelle les grosses articulations.

Elle se manifeste par des poussées inflammatoires très douloureuses et invalidantes. Pour résumer : la spondy est causée par le système immunitaire qui fait n’im-por-te quoi ! Le corps produit des anticorps qui s’attaquent aux tissus sains des articulations, d’où les inflammations et les fortes douleurs. Ensuite, les tissus s’auto-réparent en s’ossifiant petit à petit causant une perte de souplesse et de mobilité des articulations. C’est pour cela que la spondy est aussi appelée "la maladie de la colonne bambou". Cela fait référence à une colonne vertébrale dont tous les os ont fini par se souder entre eux.

Inquiète, je m’empresse de faire ma prise de sang. Une dizaine de jours plus tard, je reçois les résultats de la recherche génétique : "HLA B27 négatif", donc je n’ai pas ce fameux gène. MAIS, il y a un mais : tous mes symptômes coïncident et je lis un peu partout que le HLA B27 n’est pas présent dans tous les cas de spondylarthrite. La rhumatologue ne s’arrête pas là et me demande de passer une IRM des sacro-iliaques et du rachis-lombaire.
Le bilan de l’IRM tombe : "Aspect de sacro-illite gauche en poussée inflammatoire évocatrice d’une spondylarthropathie". Le médecin nous indique qu’il semblerait bien que j’aie une SPA, que des traitements de fond existent mais que cette maladie ne se guérit pas et qu’il faut que je vois la suite avec ma rhumatologue.

Kiné et anti inflammatoires à hautes doses

Je sors un peu sonnée du diagnostic et en même temps soulagée de pouvoir enfin poser un mot sur mes maux. Mon père qui m'accompagne m'explique que ça devrait aller, après tout, je ne "risque pas d'en mourir". Je me tais, vexée, et je comprends que ce qui va être compliqué maintenant, c’est de recevoir le jugement non éclairé des autres. En effet, c’est une maladie qui ne se voit pas dès lors qu’on n’est pas en fauteuil roulant. Mais cela arrive dans certains cas.

Je retourne voir ma rhumatologue avec les résultats de l’IRM. Pour la première fois, elle me parle de spondylarthrite ankylosante, m’explique ce que je sais déjà un peu et tente de me rassurer. Elle choisit de me faire tester d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens et me prescrit des séances de kiné. Quant à moi je m’applique à apprivoiser cette nouvelle venue dans ma vie, avec chaque jour son lot de nouveautés. J’ai peur de l'évolution de la maladie. Vais-je pouvoir faire le métier que je souhaite ? Vais-je pouvoir continuer mes études ? Je suis tellement fatiguée, et j’ai mal.

Un matin, je me réveille avec une immense douleur dans la poitrine qui descend jusqu’au ventre et s’étend à mon dos. Je ne peux pas bouger, j’ai terriblement mal et je n’arrive pas à respirer, je panique. Je pense bêtement que je fais une crise cardiaque ! Non, en fait la spondy a atteint ma cage thoracique. Il faudra que je m’y habitue. Il faudra aussi que je m’habitue à demander de l’aide pour me lever et me déplacer les jours où je ne peux pas marcher seule car la crise est trop forte. Ça ne m’arrive pas souvent, mais c’est frustrant quand ça se produit. Mon compagnon est compréhensif et nous arrivons même à nous amuser de ces situations.

Dans les moments de poussées, anti-douleurs et dérivés d'opium

À l'époque, je teste au total trois anti inflammatoires, mais l’effet n’est pas optimal. La rhumatologue décide de me faire passer à un traitement plus lourd : les immunosuppresseurs ou Anti-Tnf alpha, qui devraient "calmer" la folie de mon système immunitaire. Je m’injecte un premier Anti-Tnf tous les mois, puis un second toutes les semaines.

Je dois faire attention à ne pas attraper froid, à contrôler la moindre infection car les anti-tnf réduisent mes défenses immunitaires. Je suis plus fragile et encore plus fatiguée. Toutefois, il semble que mes douleurs s’apaisent, même s’il y a des hauts et des bas. En même temps, je continue régulièrement mes séances de kiné, pour travailler ma souplesse et masser les zones douloureuses.

J’essaie aussi d’améliorer mon confort au quotidien. Par exemple, je me suis achetée un coussin chauffant que je ne quitte plus lorsque je m’allonge sur la méridienne de mon canapé. J’ai une bouillotte sèche que j’installe sous mon dos tous les soirs en me couchant, hiver comme été…et tant pis s’il fait chaud ! Enfin, je me masse avec un mélange de macérât huileux de millepertuis et de l’huile essentielle de gaulthérie couchée. Mais quand c’est trop douloureux et que je suis bien bloquée, je dois m’en remettre à de puissants antidouleurs, du dérivé d’opium.

Au quotidien, "je calcule tout ce que je fais pour me fatiguer le moins possible"

Aussi, et c'est certainement le plus compliqué, je dose et calcule tout ce que je fais pour me fatiguer le moins possible : mes sorties, mes efforts… Je dois me préserver car je sais que mon corps me le fera payer même si je dois faire face à l’incompréhension de mon entourage proche ou plus éloigné, au risque de passer pour une casanière ou une hypocondriaque. Mon compagnon me soutien et petit à petit ma famille commence à comprendre ce que je vis. J’arrive finalement au bout de mes études et valide mon Master en Management des Industries du Tourisme. Je suis fière d’y être arrivée.

Puis je me mets à chercher du travail. Je sais que je ne peux pas tout faire. Je ne peux pas rester longtemps debout, je ne peux pas marcher sur de longues distances. Je ne peux plus conduire au-delà d’une heure sans que mon genou se bloque ou réveiller mes névralgies… Je me décide alors à demander la RQTH (Reconnaissance en Qualité de Travailleur Handicapé), que j'obtiens, pour me couvrir car je ne sais pas ce que me réserve spondy.

L'espoir de la recherche

Aujourd’hui, j’ai un travail qui me plait beaucoup, dans le conseil aux entreprises de tourisme. J’ai eu quelques mois de mieux et je pensais être en rémission. La rhumatologue a décidé de faire une pause avec les anti-Tnf pour voir comment mon corps réagissait. Les douleurs sont revenues, plus ou moins fortes et handicapantes selon les jours.

Cinq ans après le diagnostic, je commence à accepter ce mal qui me ronge et j’arrive parfois à l’oublier ! Je tente aussi de rester optimiste sur les évolutions de la recherche. Peut-être qu’un jour des scientifiques trouveront la ou les causes de cette maladie et un traitement pour la guérir ? Bref, la SPA fait désormais partie de ma vie, c'est un boulet dont j'essaye de faire une force car après tout, c’est vrai, "on n’en meurt pas".