Reconversion : j'y vais ou j'y vais pas ?

Par Géraldine Dormoy-Tungate
Publié le
reconversion
On a toutes et tous songé à changer de métier, mais les freins sont souvent nombreux et les démarches à entreprendre parfois décourageantes. Épanouies dans leur nouvelle vie professionnelle, nos cinq témoins ont, elles, franchi le cap. Elles nous racontent leur expérience et nous livrent quelques clés pour passer du rêve à la réalité.

Je suis la reine de la reconversion, s'amuse Marion, Nantaise de 40 ans. Après mon école de commerce, j'ai été commerciale dans la grande distribution, puis institutrice et directrice d'école, avant de devenir, depuis un an, conseillère en immobilier. Aucun regret. Il me faudrait mille vies pour faire tous les métiers qui m'attirent !".

Et Marion ne fait pas exception, car les réorientations sont dans l'air du temps. Selon une enquête BVA/France Compétences, un·e actif·ve sur quatre a connu au moins une reconversion entre 2016 et 2021. Et selon l'Insee, près de 1,072 million d'entreprises ont été créées en France en 2022 – un record. Parmi elles, 61 % sont le fait de microentrepreneur·ses.

Vidéo du jour

On ose de plus en plus se réinventer, quitte à passer du statut de sala-rié·e à celui d'indépendant·e. Une tendance qui n'étonne guère Alexandre Dana, cofondateur de l'organisme de formation LiveMentor et auteur du livre Entreprendre et (surtout) être heureux(1). "Le succès du développement personnel autour de la reconversion l'atteste", observe-t-il. "Notamment à travers le concept d''ikigai' – la 'raison d'être' en japonais."

Il n'y a pas d'âge pour changer de voie 

On ne travaille plus uniquement pour gagner sa vie, mais pour exprimer son identité. On a également une meilleure connaissance de la notion de mal-être au bureau.

"Le burn-out relève de l'épuisement, le 'bore-out' de l'ennui, le 'brown-out' de la perte de sens', décrypte l'entrepreneur. Le Covid a joué le rôle d'accélérateur : Enfermé·e chez soi sans collègues, chacun·e s'est retrouvé·e confronté·e à la même question : 'est-ce que j'aime vraiment ce que je fais ?'".

Notre système éducatif hérité de la révolution industrielle n'étant plus adapté, les réorientations se font de plus en plus tôt. Jean-Laurent Cassely, journaliste et auteur du livre La Révolte des premiers de la classe. Changer sa vie, la dernière utopie(2), note un rajeunissement des profils de reconverti·es : "Avant, on parlait de crise de milieu de vie. Puis cela a gagné les trentenaires. Aujourd'hui, c'est la génération Z qui bifurque avant même d'entrer dans la vie active".

Je suis désormais une vendeuse mécanicienne vélo épanouie, en phase avec mes valeurs.

Quel que soit l'âge auquel pointe l'envie de changer de voie, s'accorder un (long) temps d'introspection est nécessaire. Avant de connaître son projet, se connaître soi-même, sonder ses motivations, tenir compte de son environnement affectif et familial.

"J'ai cherché pendant deux ans ce que je voulais faire, se souvient Adeline, 43 ans, styliste modéliste jusqu'à sa remise en question. J'étais intéressée par la nutrition et le sport. Une formation de naturopathe m'aurait coûté 10 000 euros l'année à temps plein, inenvisageable pour moi financièrement avec deux enfants et un conjoint en train de liquider sa boîte. Lors de journées portes ouvertes, un prof m'a orientée vers le titre de 'conseiller technicien cycle'. J'ai passé un contrat de professionnalisation en alternance, ce qui m'assurait un Smic. Je suis désormais une vendeuse mécanicienne vélo épanouie, en phase avec mes valeurs et capable de réparer ma bicyclette quand j'ai un problème."

Maîtriser l'art de la reconversion professionnelle 

Essayer avant de se lancer s'avère tout aussi indispensable. L'idée est de confronter son rêve à la réalité et de penser en réseau plutôt que de rester isolé. "J'ai posé une semaine de congé que j'ai passée dans les classes de copines instits avant de passer le concours de professeur des écoles, se remémore Marion. Et j'ai vendu trois maisons bénévolement avant de m'engager dans l'immobilier". 

Faute d'immersion, on peut faire des enquêtes métier – interroger des personnes exerçant la profession souhaitée – mais rien ne vaut le terrain. Jocelyne, 38 ans, free-lance en webmarketing à Paris, a été deux ans responsable des achats en fruits et légumes pour l'enseigne "Au bout du champ" avant de devenir agricultrice. "Je voulais me rapprocher des producteurs, raconte-t-elle. Finalement, après des vacances en Dordogne en 2020, j'ai décidé que j'installerai là ma future ferme fruitière. Un an plus tard, j'emménageais à Périgueux pour suivre une formation diplômante. L'année suivante, je me lançais dans l'aventure avec une associée rencontrée lors de ma formation. Cet été, nous récolterons nos premières plantations de fruits rouges".

Tels sont par ailleurs les trois types de connaissances fondamentales à maîtriser lors d'une reconversion, rappelle Alexandre Dana, qui insiste sur la conscience des risques financiers, en particulier pour ouvrir un commerce physique ou monter un lieu. "Gestionnaire, cultivateur, commerçant, communicant... il faut être bon en tout", constate Jocelyne. L'argent demeure la clé de voûte de tout projet.

Pour assurer financièrement la transition, beaucoup passent par la rupture conventionnelle. Votre entreprise la refuse ? Envisagez le dispositif démissionnaire, qui permet de partir en ayant droit à l'allocation-chômage pour aider à se lancer, sous certaines conditions. Quitter le salariat requiert malgré tout du courage.

Pour dépasser la peur de l'inconnu et de l'insécurité, Alexandre Dana pointe "le piège du coût irrécupérable : on a tellement investi dans une carrière – études longues, confort de vie – que l'on ne peut pas tout lâcher. Mais si on s'ennuie, c'est qu'il est temps de remettre en marche le muscle de l'apprentissage".

Et tant pis si l'entourage ne comprend pas. "Parents et grands-parents ne saisissent pas toujours les aspirations des plus jeunes, note l'essayiste Jean-Laurent Cassely. Quand on part en reconversion, on gagne souvent moins d'argent, mais on retrouve une fierté qui n'est pas forcément présente dans le travail salarié".

Savoir demander de l'aide et accepter les défaites 

Pour renforcer sa confiance en soi, on peut se faire accompagner. Pôle Emploi et l'Apec offrent de nombreuses ressources. Des organismes tels que LiveMentor, chance.co ou Switch Collective dépoussièrent le bilan de compétences, des coachs apportent une aide individuelle.

Accepter, aussi, d'avancer à son rythme. Privilégier les petits pas plutôt que les changements radicaux, à travers un "side project", par exemple – projet mené en marge de son activité principale – comme le fit Marie, 46 ans.

"Je me suis formée à la psychologie de l'habitat, au feng shui et au design d'intérieur en 2019, en parallèle de mon métier de communicante dans le cinéma et l'audiovisuel, raconte la cheffe d'entreprise. J'ai compris que ma deuxième vie professionnelle était là. Les premiers clients sont arrivés trois jours après mes certifications en feng shui. Cette reconversion ne fut pas une cassure, mais une version améliorée de mes premières expériences, avec en plus l'écoute de mon intuition et de ce que je faisais enfant."

Rien n'est figé. On peut faire marche arrière et s'autoriser à changer de nouveau quand on en ressent le besoin.

Jean-Laurent Cassely a vu certains reconvertis abandonner, "mais personne n'est revenu à la case départ. On trouve des compromis. Cela s'inscrit dans une réflexion sur le cadre de vie". On continue jusqu'à trouver son équilibre.

Anne, 37 ans, a fini par l'atteindre en redevenant salariée : "En 2015, j'ai quitté un poste de cheffe de projet pour créer mon entreprise de loisirs créatifs. J'ai été six ans à mon compte, libre de créer comme je le voulais. Mais j'ai fini par subir la solitude que j'avais tant appréciée. Depuis un an, je suis conseillère à l'emploi auprès des entreprises. J'aime cette nouvelle expérience et le fait d'avoir un vrai équilibre vie pro/vie perso. Pourtant, certains aspects de ma vie d'avant me manquent. Je ne suis pas à l'abri d'une nouvelle reconversion. Je ne pense pas que l'on soit fait pour un seul métier. La question à se poser est : à quoi est-on prêt à renoncer ? Rien n'est figé. On peut faire marche arrière et s'autoriser à changer de nouveau quand on en ressent le besoin".

Reconversion : les 5 questions à se poser avant de se lancer

Quelle est mon envie profonde ? Revenir à ses désirs enfouis, exprimer ses frustrations, les examiner d'un regard neuf, avec l'aide d'un professionnel si besoin.

De quelles compétences ai-je besoin ? Pour cela, partir de celles que l'on a déjà, car beaucoup sont transposables à d'autres secteurs ou à d'autres métiers.

Comment confronter mon rêve à la réalité ? Faire un stage non rémunéré en mode Vis ma vie peut confirmer une attirance ou dissoudre un fantasme en quelques jours. Au moins, on est fixé·e !

Sur quels moyens financiers m'appuyer ? Une reconversion est une course de fond. La prudence est de mise.

Quelles sont mes ressources mentales ? Tenir compte de sa santé émotionnelle. Après un burn-out, s'accorder du temps avant de repartir.

1. Éd. Eyrolles 2. Éd. Arkhê, version actualisée en 2021. 

[Dossier] Reconversion professionnelle : "J'ai envie d'une autre vie" - 8 articles à consulter

La Newsletter Égo

Bien-être, santé, sexualité... votre rendez-vous pour rester en forme.