Le mouvement #MeToo a été créé en 2006 par la militante afro-américaine Tarana Burke, avant de devenir viral sur les réseaux sociaux en octobre 2017, dans le sillage de l’affaire Harvey Weinstein.

Popularisé par l’actrice Alyssa Milano, le hashtag #MeToo a engendré une révolution sociale et politique dans le monde entier et libéré la parole des femmes victimes de violences sexuelles. Retour sur ce mouvement qui a changé la perception envers l'impunité des agresseurs sexuels et bouleversé la lutte féministe.

Tarana Burke, l'initiatrice de #MeToo

C’est en 1997 que Tarana Burke, une travailleuse sociale du Bronx, écoute le récit d’une jeune fille de 13 ans, abusée sexuellement, qui la laisse sans voix. 

"Je n’avais pas de réponse, je ne savais pas comment l’aider à ce moment-là, et je ne pouvais même pas dire 'Moi aussi'', se souvenait-elle auprès New York Times en 2017. 

Onze ans après cette conversation déterminante, elle co-fonde une association à but non lucratif, Just Be Inc., qui vient en aide aux victimes de violences sexuelles, plus particulièrement les jeunes filles noires. C’est dans ce contexte qu’elle recueille des témoignages poignants. Elle qui a également été agressée sexuellement, décide de leur apporter son soutien à travers la campagne "Me Too", "moi aussi", lancée en 2006  pour dire à ces femmes "Vous êtes entendues, vous êtes comprises, vous n'êtes pas seules". Le mouvement est alors né.

L’affaire Weinstein, l’élément déclencheur

Le 5 octobre 2017, marque le début de l’affaire Weinstein révélé par deux médias : le New York Times et le New Yorker. 

Vidéo du jour

L’influent producteur de cinéma Harvey Weinstein est d’abord accusé par une trentaine de femmes de viols et d’agression sexuelles dans une enquête réalisée par Jodi Cantor et Megan Twohey, journalistes au New York Times. Il publie rapidement un communiqué envoyé au quotidien dans lequel il s’excuse et attribue ces actes qu’il juge consentis au fait "d’avoir grandi dans les années 60 et 70, lorsque toutes les règles et comportements sociaux dans le milieu du travail étaient différents". Une enquête qui vaudra le Prix Pulitzer à Jodi Cantor et Megan Twohey, dont elles raconteront l'épopée dans le livre She Said, paru en France en septembre 2020.

Cinq jours plus tard, dans un article du New Yorker écrit par le journaliste Ronan Farrow, treize autres femmes décrivent un harcèlement sexuel ou une agression commis par l’homme d’affaires. 

Même les actrices les plus connues parlent. Angelina Jolie et Gwyneth Paltrow s’ajoutent à la longue liste des victimes, le 10 octobre. Le 11 octobre, Léa Seydoux livre son témoignage dans une tribune du Guardian, tandis que Cara Delevingne raconte sur Instagram comment le producteur s'était jeté sur elle dans une chambre d'hôtel. Ce qui était un secret de polichinelle à Hollywood fait la Une de tous les journaux. Il est ainsi révélé que Weinstein versait de colossales sommes pour empêcher des victimes de porter plainte, ou parler à la presse. 

Depuis les enquêtes du New York Times et du New Yorker, des dizaines de victimes présumées du producteur se sont exprimées dans les médias, et ont porté plainte, quand il n'y avait pas prescription.

#MeToo popularisé grâce à Alyssa Milano

Le mouvement lancé par Tarana Burke obtient alors une reconnaissance mondiale dans la nuit du 14 au 15 octobre 2017 après le tweet de l’actrice Alyssa Milano, l’une des victimes d’Harvey Weinstein.
"Si vous avez été victime de harcèlement ou d’agression sexuelle, écrivez 'Moi aussi' en réponse à ce tweet", écrit l'actrice de Charmed. L'Américaine invite les femmes à publier ce message afin que les hommes et la société se rendent compte de l'envergure des violences sexuelles dans le monde. Elles ne sont pas des exceptions, mais systémiques.

Cette déclaration a un effet boule de neige. Des femmes de tous horizons vont briser l’omerta autour des violences subies, au travail, à l’école, dans la sphère familiale ou dans la rue. D’autres figures publiques s'emparent du hashtag et en deviennent les représentantes comme l’actrice Rose Mcgowan (Charmed), et la comédienne et réalisatrice Asia Argento.

L'impact de #MeToo

La vague #MeToo est si forte que des agresseurs se voient tomber de leur piédestal.

Le 29 octobre 2017, l’acteur Anthony Rapp accuse Kevin Spacey (House of Cards) de lui avoir fait des avances sexuelles lorsqu’il était âgé de 14 ans lors d’une soirée arrosée en 1986, dans un article du site BuzzFeed.

Kevin Spacey publie une lettre dans laquelle il reconnaît les faits, s’excuse et fait son coming out, dans une entreprise de justification qui crée la polémique. D’autres jeunes garçons dénoncent des faits similaires au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Le réalisateur Ridley Scott efface l’intégralité des scènes de l’acteur qui était à l’affiche du film Tout l'argent du monde. Il sera remplacé par Christopher Plummer. Kevin Spacey est aussi éjecté de la série à succès House of Cards, qui avait redonné un élan à sa carrière.

En septembre 2018, l’acteur afro-américain Bill Cosby est condamné à trois peines de prison de dix ans pour avoir drogué des femmes avant de les violer et les agresser. C’est le premier homme célèbre à être condamné depuis la résurgence du mouvement #MeToo. Des dizaines de ses victimes avaient fait la Une du New York Magazine, plus d'un an avant les enquêtes sur Harvey Weinstein, à l'été 2015.

En mars 2020, Harvey Weinstein est quant à lui condamné par un tribunal de New York à 23 ans de prison, pour agressions sexuelles et viols. Une sentence inédite et inespérée. D'autres procès similaires l'attendent encore.

Des célébrités mobilisées

En décembre 2017, le magazine Times choisit plusieurs personnalités qui ont dénoncé des violences sexuelles pour son titre "La personnalité de l'année". Ashley Judd, la comédienne qui a été citée dans l’article du New York Times du 5 octobre, la chanteuse Taylor Swift, qui a remporté un procès pour agression sexuelle contre un animateur radio, Sandra Muller, Alyssa Milano, mais aussi, des femmes qui ne sont pas issues du cinéma, deux hommes et la fondatrice du mouvement Me Too, Tarana Burke, figurent en une de la revue en tant que “briseurs de silence”.

L’initiative Time's Up, menée par 300 personnalités exerçant dans le milieu du divertissement, dont Meryl Streep et Natalie Portman, est annoncée le 1er Janvier 2018 dans le New York Times. L'idée : créer un fond légal de défense, afin de soutenir financièrement les victimes d'agression sexuelle et d’harcèlement, dans leurs poursuites judiciaires.

En 2018, les mouvements #MeToo et Time's Up sont présents à diverses cérémonies comme les Grammys et les Oscars. Les stars participent au "black-out" sur le tapis rouge, portant du noir ou une rose blanche, pour symboliser les victimes de violences sexuelles.
Tout en acceptant le prix Cecil B. DeMille pour l'ensemble de sa carrière, Oprah Winfrey célèbre les femmes qui ont dénoncé leur agresseur lors des Golden Globes, le 7 janvier 2018. "Pendant trop longtemps, les femmes n'ont pas été entendues ou crues si elles osaient dire la vérité au pouvoir de ces hommes. Mais leur temps est écoulé. Leur temps est écoulé".

Le 20 janvier 2018, des milliers de femmes manifestent à New York lors de la deuxième édition de la marche des femmes (Women’s march), un an après l’investiture de Donald Trump. Menées par des dizaines de célébrités, ces marcheuses n’ont pas uniquement défilé pour s’opposer au président. Pour beaucoup, il s’agissait de poursuivre le travail lancé par #MeToo, devenu catalyseur de l'omerta et de l'impunité concernant les violences faites aux femmes. Les images font le tour du monde.

Le 27 septembre 2018, Alyssa Milano se présente, avec d’autres femmes, à l’audition devant le Sénat de Christine Blasey Ford. Cette médecin accuse Brett Kavanaugh, juge conservateur nommé à la Cour suprême par Donald Trump, de l’avoir agressée sexuellement 36 ans plus tôt. L'intéressé nie. Diffusée en direct, leur audition est regardée par des millions d'Américains à travers le pays, et marque un tournant.
Pourtant, les sénateurs américains confirmeront la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême, plus haute juridiction des États-Unis. Un vote largement critiqué par des militants et politiques.
Christine Blasey Ford souligne, au sujet du mouvement #MeToo : "La plus belle chose qui a résulté de ces deux dernières années est le fait d'avoir vraiment compris que les femmes sont là les unes pour les autres."

Les déclinaisons de #Meetoo dans le monde

Aussitôt lancé, #MeToo traverse les frontières et se décline dans une avalanche de hashtags : #Yo Tambien (moi aussi en espagnol) #WhatWhereYou wearing( qu’est-ce que tu portais) ou encore #TimesUp. Pendant ce temps, le pendant francophone de #MeToo , #Balancetonporc, lancé par Sandra Muller le 13 octobre 2017, devient un phénomène de société. La journaliste appelle les victimes à dénoncer publiquement leurs agresseurs en donnant leurs noms.

Les hommes prennent également part aux conversations avec le hashtag #HowIWillChange crée par l’écrivain et scénariste australien Benjamin Law le 16 octobre 2017. Ce dernier a expliqué qu’il était temps que les hommes endossent la responsabilité de leur actes.

En septembre 2019, Sandra Muller sera cependant condamnée pour diffamation par l'homme qu'elle avait accusé de harcèlement sexuel, un patron d'une chaîne de télévision.

Mais en 2020, le mouvement #MeToo connaît un nouveau souffle en France. De nombreux comptes Instagram émergent pour dénoncer le sexisme et les violences sexuelles commises envers des femmes dans des milieux professionnels fermés et prestigieux, comme la musique, la cuisine, ou les agences de publicité.