Dois-je contacter la personne avec qui mon partenaire m'a trompée ?

Par Sasha Pieszecky
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contacter maîtresse
Tentation nuancée de doutes et de craintes, la prise de contact avec l’amant.e de l’être qu’on aime (ou que l'on a aimé) semble aussi périlleux qu’émotionnellement dangereux, que ce soit la tromperie d’une nuit ou l’infidélité d’une vie. On vous explique pourquoi.

C’était en avril 2014. En pleine recherche d’emploi, mon téléphone portable était littéralement devenu une extension naturelle de mon bras droit, répondant névrotiquement à chaque appel avec la voix la plus naturelle possible, convaincue que la personne au bout du fil allait me proposer un entretien, voire qui sait, un boulot à 50K.

Alors quand je vois ce numéro inconnu s’afficher sur mon smartphone, je ne me pose pas de question et je décroche. Manque de bol, ce n’était ni un recruteur, ni le CEO d’une start-up autofinancée : c’était la petite amie d’un mec avec qui j’avais couché quelques fois l’été passé.

Le jour où la femme trompée m’a appelée

Telle une biche prise dans les phares d’un semi-remorque, je l’écoute se présenter, me préciser qu’elle n’est plus avec cet homme dont j’avais déjà oublié le prénom et qu’aujourd’hui, elle veut “simplement” connaître la vérité.

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Mortifiée, je m’entends esquiver de manière peu convaincante, persuadée que nier tout en bloc me sauvera de ce guet-apens téléphonique avant d’admettre à demi-mots que oui, j’étais au courant de son existence au moment des faits, et que non, cela ne m’avait pas empêchée de m’accoupler deux fois avec lui, avant de ne plus jamais en entendre parler. Et parce qu’il faut bien faire preuve de mauvaise foi, je n’ai pas manqué de préciser qu’il était clairement à l’initiative de cette aventure, l’homme en question ayant rivalisé d’arguments et de créativité pour me convaincre de le revoir après m’avoir aperçue en boîte de nuit.

Mais, soyons honnête, pendant cette poussive conversation de 18 minutes et 27 secondes, je n’en menais pas large, paralysée par la honte et rongée par la culpabilité

Dix ans plus tard, quand je repense à cet épisode peu glorieux de ma carrière sentimentale, je ne peux que saluer le courage, que dis-je, la bravoure de cette jeune femme qui, ce jour-là, avait réussit à traquer mon numéro de téléphone avant de le composer sur son clavier, prête à en découdre. 

À la recherche d'une vérité qu'on n'aura sûrement jamais

“Connaître la vérité” m’avait-elle dit, suggérant qu’elle n’avait pas avalé un mot du storytelling savamment ficelé de son désormais ex-petit ami. Une demande relativement raisonnable quand on y pense, une personne ayant été trahie par un flot de mensonges de la part d’une autre dont elle avait confiance ayant naturellement tendance à vouloir savoir ce qui s’est réellement passé, comment, pourquoi ou encore avec qui. Problème ? Cette vérité, quand bien même, l’amant ou l’amante de son partenaire en donnerait un énoncé factuel, elle ne l’aura jamais. 

C’est du moins ce qu’écrit la prêtresse new-yorkaise du courrier des lecteurs E.Jean Caroll, qui distille ses conseils avisés depuis 1993 dans les colonnes du Elle étatsunien.

Selon elle, en appelant l’amante de son mari, la femme trompée n’aurait accès qu’à une vérité parmi tant d’autres. “Si vous êtes chanceuse, elle esquissera une ébauche plus ou moins factuelle de sa propre version de la vérité”, écrit-elle. “Mais voulez-vous vraiment entendre combien de fois votre mari lui a dit qu’il l’aimait ? Ou qui lui disait qu’il préférait ses jambes aux vôtres ? Ou encore qu’il l’emmenait dans votre bistrot préféré au bord du canal ?”, interroge-t-elle, suggérant que sa lectrice répondra évidemment par la négative.

Aussi compréhensible soit-elle, cette démarche est dépeinte par la majorité des experts que l’on peut lire ci et là comme un exercice périlleux, pouvant rapidement se muer en séance de masochisme auto-infligé. “Vous avez déjà traversé (et survécu) à une tornade de douleur. Voulez-vous vraiment en traverser une autre ? Il vaut peut-être mieux pardonner à l'imbécile et passer à autre chose”, recommande E. Jean.

Pour d’autres, comme la coach en amour canadienne Debra McLeod, c’est un non catégorique. Et pour cause, elle estime qu’on ne peut croire sous aucun prétexte les dires de l’autre femme ou de l’autre homme. “Ce n’est pas une source d’information fiable. Et vous n’avez aucune idée de ce qui se passe dans sa vie !”, souligne-t-elle dans le Huffington Post canadien. Et je ne peux que la plussoyer, moi-même en tant qu’autre femme n’ayant eu le courage que d’avouer une version très approximative de la vérité

Contacter la personne avec qui notre partenaire nous a trompée, une fausse bonne idée ? 

Autre raison de ne pas contacter la femme ou l’homme avec qui votre partenaire vous a trompé.e, y compris et surtout si vous la connaissez déjà ? La vengeance est un plat qui ne se mange pas.

Je m’explique. En vous confrontant à celle/celui que vous estimez, même un micro chouïa, responsable de la trahison de votre partenaire, il se peut que vous soyez animé.e d’un désir de revanche, de velléités belliqueuses ou tout autre mauvais sentiment, au demeurant tout à fait légitime.

Or, contrairement aux idées reçues, projeter cette colère et ce ressentiment sur cette tierce personne en lui balançant ses quatre vérités - ou simplement en lui infligeant le malaise d’une rencontre dans un coin de terrasse de café - aura peu de chance de vous soulager, bien au contraire.

C’est aussi ce qu’explique l’expert en relations sociales du New York Times, Philip Galanes, dans une chronique non-équivoque. “J’imagine qu’on en rêve tous, affronter cet autre dans une grande tirade chauffée à blanc qui nous défoulerait”, débute-t-il. “ Mais les émotions sont souvent plus compliquées que ça, et, franchement, je pense que vous vous concentrez sur la mauvaise personne : cette femme ne vous a jamais promis de vous être fidèle, et elle ne vous a trompé. C’est votre compagnon qui est précisément responsable de ces actions”, poursuit-il soupçonnant ceux et celles qui veulent rencontrer l’Autre de projeter la rancune qu’ils éprouvaient pour leur conjoint sur une tierce personne.

Son conseil ? Traiter cette colère - et le trauma dont elle découle -  avec un professionnel de santé mentale, pour ne pas qu’elle fasse (encore) plus de dommages collatéraux. 

L’exception qui confirme la règle

Mais pour d’autres, prendre contact, rencontrer ou échanger des messages écrits avec l’amant ou la maîtresse de notre partenaire peut se révéler salvateur, la personne trompée pouvant y trouver une forme de libération sentimentale. C’est ce que raconte la journaliste Amanda Chatel, après qu’elle a découvert que son mari la trompait avec une jeune femme de 28 ans sa cadette, cette dernière la contactant par email pour lui raconter toute l’histoire et la pousser indirectement à demander le divorce avec son mari.

Quelques échanges plus tard, se dessine une forme de soulagement dans le cœur de la journaliste. “Ces e-mails m’ont provoqué un sentiment de paix. J’ai réalisé que j’étais bien mieux à ne plus vivre dans un monde d’illusions et d’ignorance 24h/24,” écrit-elle dans sa chronique pour le Glamour US.

Quant à celle qui m’avait appelée ce fameux jour d’avril 2014, je ne saurai jamais si son coup de fil lui a finalement permis de passer à autre chose ou si, au contraire, elle a passé les jours suivants à pleurer, notre conversation n’ayant que remuer le couteau dans la plaie.

Peut-être le lui a-t-elle pardonné, peut-être a-t-elle trouvé bien mieux ailleurs. Tout ce que je peux vous dire, c’est que de mon côté, je n’en suis pas mal voulu d’avoir contribué à cette trahison. Je me suis promise alors qu’on ne m’y reprendrai plus, et surtout,  que je ne répondrai plus jamais aux numéros inconnus.

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