"Une déception constante pour ce qui devrait être des moments heureux", "mon humeur gâche les grands événements à cause de l’anxiété des attentes", "parce que la barre est si haute, je suis toujours déçue" : Sarah Yudkin, coach en anxiété relationnelle, suivie par plus de 123 000 abonné.es sur TikTok, aborde dans une vidéo récemment publiée ce qu'elle nomme "le syndrome du moment parfait".

Un concept méconnu mais dans lequel résonnent pourtant de très nombreux témoignages d'internautes.

Ce sentiment qui survient lorsque notre envie (parfois obsessionnelle) de nous sentir heureux.se et épanoui.e lors d'un événement - fête, anniversaire, mariage, célébration, Saint Valentin - nous pousse inévitablement à être déçu.e.

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Car s'attendre à ce que tout soit parfait - ou que tout ressemble à ce que devrait être ce moment spécial idéalisé - nous mène à ne jamais profiter et à nous concentrer sur ce qui n'a pas fonctionné. Des espoirs irréalisables, envers nous-même et envers les autres, qui viennent contaminer ces instants précieux

Qu'est-ce que le syndrome du moment parfait ? 

"Le syndrome du moment parfait, c'est avoir des attentes élevées, voire irréalistes, concernant un événement spécial", commence Delphine Py, psychologue. "Inatteignables" : c'est le mot qui caractérise souvent les espoirs que certain.es mettent dans le déroulement d'un événement, d'un anniversaire, d'un voyage ou de la Saint Valentin.

Car fixer des attentes strictes en matière de bonheur, d'épanouissement, de bien-être, pour des moment précis conduira presque toujours à la déception et à la tristesse. "La raison pour laquelle le syndrome du moment parfait conduit si systématiquement à la douleur et à la détresse est qu’il est littéralement impossible que tout se passe parfaitement tout le temps", explique le psychologue Kamran Eshtehardi au média anglosaxon Bustle

Et plus un événement aura d'importance pour nous, plus nous serons exigeant.e à son égard. "Plus on a des attentes élevées qui ne sont pas en adéquation avec la réalité, plus il y a un décalage entre ce qu'on a projeté, ces fantasmes, et la réalité, plus cela va créer de la déception. Mais c'est une déception que l’on se créée soi-même", reprend la psychologue Delphine Py. 

La Saint Valentin, un moment où les espoirs sont décuplés

Et ces attentes impossibles peuvent être particulièrement fortes à la Saint Valentin, alors que la société nous inonde d'amour et de "preuves" d'amour. De plus, contaminé.es par les comédies romantiques et les romans à l'eau de rose, nous avons l'amère sensation que les choses doivent se passer d'une certaine manière, lorsque nous célébrons l'amour et le couple.

"Cette façon dont on fête la Saint Valentin, dont on fête l'amour romantique est assez récente. On le veut comme on le voit partout, dans les pubs, dans les rues, sur nos écrans et sur les réseaux sociaux. Tout ça crée une attente, comme si c'était la seule manière de montrer et de fêter l'amour. Sinon, on doute de son couple", continue la psychologue.

Ainsi, si nous n'avons pas un bouquet de roses, une réservation dans un restaurant, ou qu'une dispute survient pendant la journée, notre déception contamine tout, jusqu'au plus profond de la relation. "Cet effet de comparaison a naturellement un impact sur la façon dont on perçoit son propre couple. Pourtant c'est très marketing cette idée de 'jour où il faut montrer son amour'", reprend Delphine Py. 

Car nous envions naturellement ce que nous voyons de la vie des autres. "Ils montrent ce qu’ils veulent montrer, une partie choisie, sublimée, théâtralisée. Des fois derrière cette photo, ce n'est que du faux. Il ne doit pas y avoir de comparaison quand on n'a pas suffisamment d'éléments pour se comparer. Mieux vaut se contrer sur soi, sur son couple. Car on ne sait pas ce qui se passe chez l'autre". 

Manque de flexibilité, perfectionnisme et charge mentale féminine

Une déception constante qui s'explique également par une personnalité encline à se mettre facilement la pression.

"Il est question ici de différences individuelles. Les personnes perfectionnistes auront tendance à avoir ce type d’attentes irréalistes et irrationnelles par rapport à elle ('je dois être au top, au maximum de mes performances') mais cela peut aussi concerner les autres", continue Delphine Py.

Des comportements qui dénotent aussi un manque de flexibilité : "c'est prévu dans ma tête que les choses doivent se passer comme ça. Si la projection est déviée, même un peu, cela me crée des angoisses et encore plus de rigidité. Ces personnes ont du mal à s’adapter, à vivre l'instant, à prendre ce qu'il y a. Elles sont trop dans l’anticipation de tout", précise la spécialiste.

Mais le syndrome du moment parfait se justifie aussi par des facteurs sociétaux : les femmes sont poussées à organiser, à penser, à anticiper, à se soucier du bonheur de tout le monde. "Une différence au niveau de l’inquiétude entre les femmes et hommes, en défaveur des femmes,qui se rapproche beaucoup de la charge mentale et émotionnelle", expliquait à Marie Claire Juliette Mercier, psychologue spécialisée en neuropsychologie et psychotraumatologie. 

Comment enfin apprendre à profiter ?

Alors que déception, tristesse et négativité accompagnent souvent ce phénomène, comment enfin parvenir à profiter de nos moments de vie ?

"On peut commencer par en parler autour de soi. Parler de ce que l’on veut. Trop de gens attendent que l’autre devine, que les proches, la ou le compagnon sache ce dont on a envie et besoin. Mais la seule personne qui le sait, c'est nous-même. L'autre ne lit pas dans nos pensées. Si l'on ne s'exprime pas, c'est le meilleur moyen de ne pas être satisfait", prévient Delphine Py.

Tout en "laissant la liberté à l’autre de s'adapter", la communication reste la clé pour ne plus se sentir à chaque fois déçu.e. "Si l'on ressent toujours de la déception, on peut aussi se demander si l'on n'est pas dans des attentes irrationnelles, par rapport à ce que l’autre peut donner", continue la psychologue.

Pour les personnes les plus perfectionnistes, pourquoi ne pas essayer de noter, entre 0 et 10, où vos espoirs se situent sur l'échelle de la "perfection" ? "L'idée ici est d’être dans un juste milieu, de viser un 8 sur 10, qui sera plus facilement atteignable, donc moins décevant. Pour avoir des attentes plus rationnelles, sans se dire qu'il ne faut plus avoir d'attentes", précise Delphine Py.

Pour finir, "concentrez vous sur l'instant présent, soyez dans la curiosité, acceptez d’être surpris, de vivre les choses dans le présent. On ne peut pas être tout le temps dans l'anticipation, la rumination, dans le futur, le passé. Il faut savoir vivre le moment, et surtout le savourer", conclut la psychologue.