Auto-compassion, empathie affective ou simple sympathie : et si nous arrêtions de confondre nos émotions ?

D'après Marine Paucsik, psychologue clinicienne, psychothérapeute et maîtresse de conférences en psychologie et psychopathologie,l'empathie, la compassion et la sympathie se différencient, bien qu'ils se rejoignent en plusieurs points.

Malgré des consonances et si la plupart d'entre nous les emploient comme des synonymes, il convient de les distinguer pour mieux se les approprier. Car ressentir de la sympathie, de l'empathie ou de la compassion n'aura pas les mêmes conséquences sur nous, mais surtout sur nos relations aux autres.

Ainsi, comment apprendre à différencier ces facultés ?

La sympathie, un sentiment amical

La sympathie se caractérise par un sentiment amical, affectif, ressenti envers quelqu'un. Ce sont des "affinités", un "sentiment chaleureux et spontané qu'une personne éprouve (pour une autre)", selon Le Robert.

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"Par rapport à la pitié, la sympathie implique un plus grand sentiment de similitudes partagées ainsi qu’un engagement personnel plus profond. Mais la sympathie, contrairement à l’empathie, n’implique pas une perspective partagée ou des émotions partagées, et bien que les expressions faciales de sympathie transmettent de la bienveillance et de l’inquiétude, elles ne transmettent pas une détresse partagée", précise le psychiatre Neel Burton à Psychology Today.

La sympathie se différencie également de la compassion, même si elle fait partie de son spectre. "La sympathie est l'une des dimensions que l’on va essayer de développer dans la compassion. Mais ce n'est pas suffisant pour qualifier un comportement de compatissant", reprend la spécialiste Marine Paucsik. 

L'empathie, une identification à autrui

L'empathie, elle, consiste à s'identifier à autrui, à ressentir ses sensations, qu'elles soient agréables ou désagréables.

"Il y a souvent une confusion entre empathie et compassion. L'empathie, on la distingue de deux sortes : l’empathie affective a pour objectif d’imaginer ce que l’autre ressent sur le plan émotionnel et d'essayer de comprendre pourquoi il ressent ça. L’empathie cognitive, consiste, elle, à essayer de se mettre à la place de l’autre, d'essayer de comprendre ce qu’il peut penser de la situation", reprend la maîtresse de conférence.

Et pour développer de la compassion, l'empathie est fondamentale, tout comme la sympathie.

"On essaye d’amener les individus à développer de la compassion pour autrui. Mais l'empathie est fondamentale pour soi. On veut amener les individus à mieux identifier et comprendre ce qu'eux-mêmes ressentent, pour ensuite identifier leurs perceptions du monde et avoir conscience du poids de leur pensée", explique toujours Marine Paucsik. 

La compassion, une envie d'atténuer la douleur de l'autre

Enfin, la compassion englobe, elle, toutes ces dimensions. C'est une sensibilité à sa propre souffrance et à celle d'autrui, avec un engagement à essayer de l'atténuer et de la prévenir.

"Elle nous fait prendre conscience de la nécessité de se tourner vers les émotions difficiles, la détresse, les pensées douloureuses. Puis dans un second temps, d'essayer de mettre en place des actions, des comportements aidants. On la distingue de l’empathie, qui n'est qu'au niveau d’observation. Dans la compassion, il y a une dimension d’action", continue la psychologue. 

Et il existe trois sortes de compassions, sont tournées vers soi ou vers les autres.

"La compassion pour autrui, la compassion venant d’autrui (on accepte de recevoir de la sympathie, de l'empathie et de l’aide) et ensuite l'auto-compassion, qui n'est pas souvent développée, ce qui fait qu'on peut se sentir en détresse émotionnelle", précise Marine Paucsik.

Pourquoi différencier ces trois facultés ? 

Souvent confondues, ces émotions sont pourtant à distinguer, pour venir en aide aux autres ou à soi-même.

"D’un point de vue scientifique, il est essentiel de les distinguer pour comprendre leurs effets et à quoi elles servent. D’un point de vue clinique, quelqu'un qui a beaucoup d’empathie pour autrui mais pas envers lui-même, ou qui ne sait pas la gérer, peut se voir tomber dans des états délétères", continue la maîtresse de conférences en psychologie et psychopathologie.

Dans la compassion, on développe certaines qualités : "l'empathie, la sympathie, la tolérance à la détresse, le souci du bien-être, la sensibilité à la souffrance et le non-jugement. Dans les compétences développées, on s’appuie sur notre attention, notre capacité à penser et à imaginer, et sur nos comportements, nos sensations et nos émotions", continue la spécialiste. 

Mais comme l'explique l'experte en émotions, notre compassion est trop souvent tournée vers les autres. "Vous avez de l'empathie pour autrui mais vous ne prenez pas soin de vous. Cela mène à l'épuisement émotionnel, à la vulnérabilité et au sentiment de ne pas pouvoir agir", reprend Marine Paucsik.

L'auto-compassion, la plus difficile des facultés à développer 

Dans le bassin de ces multiples émotions que sont la sympathie, l'empathie et la compassion, c'est l'auto-compassion qui semble la plus difficile à développer. Mais des techniques existent toutefois pour maximiser le soin de soi.

Pour cela, l'amitié semble le meilleur modèle pour ce que nous voulons être pour nous-mêmes. "Posez-vous donc la question suivante : si vous aviez un très bon ami dans la même situation, comment lui parleriez-vous ? Et si c’est différent pour eux de la façon dont vous vous parlez à vous-même, alors essayez-le simplement comme modèle", propose la pionnière de l'étude de l'auto-compassion, Kristin Neff, à Psychology Today.

Évidemment, toujours d'après la spécialiste, la compassion ne doit pas être un travail tourné uniquement vers sa personne.

"Nous devons l'offrir et l'orienter vers l'extérieur. En d'autres termes, la justice sociale, l'activisme environnemental, l'égalité des sexes, toutes les difficultés de notre monde... Parce que nous faisons partie du monde, ne peuvent pas être considérées comme de la compassion tournée vers l'intérieur. Nous devons également être actifs et essayer de rendre le monde meilleur, non seulement pour nous, mais pour tout le monde", conclut-elle.