"On se presse. On s'agite. On pense déjà au repas de ce midi qu'il faut inventer, aux enfants attendant d'être emmenés à leurs activités estivales, aux draps qu'il est nécessaire de changer pour accueillir les nouveaux copains et à l'itinéraire qu'il faut composer pour occuper les uns, distraire les autres, et satisfaire l'équilibre précaire d'une tribu en villégiature.

Vacances, dit-on ?

Mais de quoi sommes-nous réellement en “vacances” ? Hiver comme été, notre refrain est le même, celui du lapin blanc dans Alice aux pays des merveilles, ce lapin en redingote courant après ses obligations permanentes. Les mots naviguent dans notre tête et entravent nos grasses matinées : “En r'tard, en r'tard / J'ai rendez-vous que'que part / Je n'ai pas le temps de dire au revoir / Je suis en r'tard, en r'tard.”

Vidéo du jour

Rompre le sentiment d'urgence

Est-il impossible de rompre ce châtiment de l'urgence ? Le plaisir dont on profite n'est-il pas, lui aussi, un lieu à visiter ? Quelle teneur auraient nos journées d'août si, au réveil, nous prenions le temps non pas de méditer mais plutôt de dialoguer avec les éléments autour de nous ? Si le matin, au lieu d'être happées par nos interminables “to do lists”, par nos angoisses du faire et par le tourbillon du temps qui presse, nous volions quelques instants pour regarder l'infini du ciel et entendre ce qu'il a à nous dire ?

Au lieu d'être, dès le matin, happées par nos 'to do lists', accordons un instant à l'observation de ce qui nous entoure.

Il ne s'agit pas de plonger dans notre intériorité et d'ignorer les autres, il est question, au contraire, d'ouvrir la fenêtre et d'observer les nuages, le vent, la lune, le soleil et la somme de tout ce qui se dresse là-haut.

Serions-nous différents ? Serions-nous plus apaisés ? Plus sereins ? Plus poètes ? Plus curieux ? Plus conscients des saisons, des absents, de l'immensité ? Plus au repos ?

"Tsukimi", une tradition japonaise qui célèbre la contemplation

Il existe une tradition japonaise, celle de “tsukimi”. Littéralement, “tsukimi” signifie “regarder la lune”, et c'est aussi le terme qui désigne la fête de l'entrée dans l'automne.

On trouve les premières traces de sa célébration durant la période de Heian, de 794 à 1185. À cette époque, les aristocrates japonais avaient pour habitude de contempler le reflet de la lune dans l'eau en récitant des poèmes. Au fil des années, elle a évolué, cependant, son fondement est resté identique.

La fête consiste en une contemplation profonde, presque solennelle de l'astre. C'est un véritable temps de réflexion et de remerciement adressé à la divinité de la lune. On la remercie d'avoir éclairé les nuits de labeur dans les champs et on exprime de la gratitude pour tous les bienfaits de la nature. Alors peut-être qu'avant de rentrer dans l'automne, nous pouvons regarder le ciel un peu plus souvent que notre montre. Et faire du répit le plus joli des programmes de l'été."

Chronique publiée dans le magazine Marie CLaire N°840, daté septembre - paru en août 2022