Alors que le naturisme continue de séduire de nouveaux adeptes, le Mucem, à Marseille, lui consacre une grande exposition. Qui démontre que ce mode de vie aux allures d'utopie a encore de beaux jours devant lui.

Ils portent le nom de Physiopolis, Héliopolis, Sparta Club, Montalivet ou le Cap d'Agde. Certains accueillent encore du public, d'autres ont disparu, engloutis dans l'Histoire et la nostalgie. Des lieux qui incarnent l'utopie naturiste, toujours vivante et dynamique, qui, après avoir versé dans la ringardise après son apogée dans les années 60, séduit aujourd'hui les jeunes générations.

Le Mucem, en partenariat avec la Villa Noailles et l'Université de Paris, consacre à cette pratique une exposition - Paradis naturistes, du 3 juillet au 9 décembre 2024, au Mucem -, la première en France au sein d'un monument national.

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"Le naturisme est une utopie de plus de cent ans, avance Jean-Pierre Blanc, directeur de la Villa Noailles, l'un des commissaires de l'exposition et lui-même pratiquant. Une utopie fragile soumise aujourd'hui à des vents contraires, comme le repli de la société occidentale après des décennies de libération des corps, mais aussi la pression immobilière dans des endroits merveilleux et idylliques comme Montalivet ou le Levant".

 Une île que le fondateur du Festival international de mode, de photographie et d'accessoires de Hyères découvre il y a vingt-cinq ans. Et qui reste l'un des derniers paradis perdus des naturistes.

Le naturisme, une philosophie de vie 

L'été, alors que la France suffoque sous la canicule, ils remontent de la plage le corps dévêtu. Et se croisent chaque année dans leurs points de chute de prédilection.

Avant d'être une pratique de loisir, le naturisme est avant tout une philosophie. Celle de la vie en communauté contre l'individualisme, du corps nu comme réflexion sur la sobriété. Qui intègre aussi des éléments fondamentaux comme le végétarisme, constitutif du mouvement, ou l'importance de la nature.

Cette façon de vivre qu'ont voulu instaurer les frères Durville dans les années 30, en créant les lieux de Physiopolis à Paris et d'Héliopolis sur l'île du Levant, résonne pertinemment avec les enjeux actuels : le naturisme est un éloge de la "slow life", comme une réponse aux aspirations grandissantes des individus.

"Ce qui est le plus révolutionnaire aujourd'hui, c'est la place que le naturisme accorde à la notion de communauté, quand l'injonction de l'époque est de prendre soin de soi et de son corps individuel, dans la ligne droite du développement personnel. Le naturisme ne pense pas le corps singulier, mais le corps collectif".

C'est ce que raconte la philosophe Margaux Cassan dans Vivre nu (Ed. Robert-Laffont), qui met en scène son enfance dans un village naturiste du Vaucluse. Cette manière dont le naturisme gomme les signes d'appartenance, ostentatoires, et laisse le corps nu pour seul uniforme.

La clé pour s'accepter ? 

Si le naturisme, loin de se réduire au nudisme, invite à une réflexion plus globale sur l'homme et le monde qui l'entoure, il questionne toutefois le sujet du corps, du corps nu et de son acceptation dans l'espace public. Mais aussi sur les réseaux sociaux, où les tétons restent dans le viseur de Meta.

"C'est en ça que le naturisme continue de représenter, selon moi, une vraie contre-culture, poursuit Margaux Cassan. Aussi bien à sa création dans une société très chrétienne que dans les années 70, quand il s'inscrivait en faux contre cette vision particulière de la libération sexuelle, qui érotisait les corps. Aujourd'hui, la dimension contre-culturelle me semble d'autant plus puissante qu'elle vient heurter notre civilisation de l'image".

Dernière évolution du mouvement ? La réflexion autour du "body positivisme".

"Avant les années 2000, la charte naturiste interdisait les tatouages et les piercings, dans une logique de préservation de la naturalité des corps. Les nouveaux discours sont plus axés sur l'acceptation de la diversité", explique Margaux Cassan.

Aujourd'hui, les adeptes e ce mode de vie aux airs d'utopie veulent le protéger en le faisant classer au patrimoine culturel immatériel français et à celui de l'Unesco. Pour que cette liberté ne soit jamais confisquée.

Le naturisme en 3 chiffres

500 : c'est le nombre d'espaces où le naturisme est autorisé sur l'ensemble de la France, première destination naturiste au monde.

16 millions : c'est le nombre d'adeptes réguliers du naturisme dans le monde. La France en compte 2,6 millions.

1994 : c'est l'année depuis laquelle la simple nudité n'est plus répréhensible en France, le délit d'attentat à la pudeur étant remplacé par celui d'exhibition sexuelle dans le Code pénal.

Article publié dans le magazine Marie Claire n863, daté août 2024