L'image (ou simplement l'idée) d'une raclette bien dégoulinante vous fait saliver ? Vous ne pouvez composer un plat sans y ajouter une (grosse) touche fromagée ? Et si vous étiez addict.e à ce produit adoré ? 

Car, si nombreuses sont les personnes à se taxer d'être des "cheese addict" - d'après une étude France AgriMer de 2020, les Français.es consomment, en moyenne, 24 kilos de fromage par an -, selon les chercheurs de l'université du Michigan, le fromage serait réellement plus addictif que le tabac ou l'alcool

Dans une étude publiée dans la revue Plos One en 2015, ils arguent que "[les casomorphines] jouent vraiment avec les récepteurs de la dopamine et déclenchent cet élément addictif", comme l'explicite la nutritionniste et co-auteure de l'écrit, Cameron Wells à Mic.

La casomorphine, un composant du fromage similaire à un opiacé 

"Les casomorphines sont un groupe de peptides opioïdes libérés lors de la digestion gastro-intestinale ou transformation des aliments à partir de la caséine des protéines du lait", précise une étude de 2014, parue dans le International Journal of Food Properties.

"Ces composants sont similaires à des opiacés", nous confirme Maëlla le Borgne, diététicienne-nutritionniste. "Quand il y a un déficit d’enzymes dans l'intestin, les casomorphines du fromage sont mal dégradées et libérées dans le sang. Cela peut créer des troubles de la concentration, une nervosité… qui découlent de la sensation de manque. On peut alors parler, dans certains cas précis, d'une addiction", poursuit-elle. 

Des intestins poreux à l'origine de l'addiction

Mais comme l'explique l'experte, il y a une différence à faire entre aimer profondément le fromage et se sentir mal quand on ne peut pas avoir "sa dose".

Et cet effet - réellement - addictif est d'abord dû à des intestins poreux. "Selon les conditions digestives de la personne, cette addiction va se manifester à cause d'une mauvaise absorption par l'intestin. Certaines personnes sont dotées de trop peu d'enzymes et vont ainsi moins dégrader les protéines du fromage", détaille-t-elle. 

C'est un phénomène qui peut découler du syndrome de l'intestin irritable, mais aussi se faire une place en notre creux via un stress excessif ou une surconsommation de produits ultra transformés.

Cependant, la communauté scientifique ne témoigne pas d'un consensus à ce sujet. "Cela reste une hypothèse puisque la dépendance à la caséine n'est pas scientifiquement prouvée", affirment les chercheurs Bertrand Nalpas et Philip Gorwoo à Sciences et Avenir. Tous deux regrettent ainsi la sur-utilisation du terme "addiction" : "les aliments ne provoquent pas, sauf cas exceptionnels, cet effet de manque et de perte de contrôle sur soi", arguent-ils. 

Comment se désintoxiquer du fromage ? 

Si l'addiction au fromage est rare, elle se différencie de l'envie forte parce qu'il y a des symptômes au manque, mais pas réellement à l’envie. "Est-ce que le besoin est impérieux ?", questionne Maëlla le Borgne. 

Et si cette relation toxique avec le fromage est moins dangereuse pour notre santé que celle liée à d'autres substances, -"la différence entre la nourriture et la drogue est majeure : la première active naturellement le circuit de la récompense et entraîne donc une libération de dopamine contrôlée, alors que les opioïdes le détournent et augmentent artificiellement la sécrétion de ce neurotransmetteur", explique Philip Gorwood à Sciences et Avenir -, elle peut avoir des répercussions sur notre santé. 

“Quand on est intolérant à cette protéine de lait [la caséine], on peut développer différents symptômes, non digestifs. Migraines, problèmes dans la sphère orl, angines, sinusite, otite et problèmes musculaires et articulaires comme tendinites, problèmes de peau, acné, démangeaisons…”, listait, en 2021, Isabelle Descamps, diététicienne-nutritionniste à Bordeaux, dans un article pour Marie Claire

Mais Maëlla le Borgne martèle que pour éradiquer l'addiction, il faut surtout prendre soin de son système digestif. "Il est primordial de remonter à la source du problème avec un professionnel de santé et si besoin, de se supplémenter en enzymes", recommande-t-elle.