Omniprésente dans nos conversations et dans les médias, la notion de consentement reste pourtant difficile à définir. On l’utilise parfois à tort, souvent de travers : et pourtant, celle-ci semble fondamentale pour rééquilibrer les rapports femmes/hommes au sein de la société, et pour lutter contre les violences sexuelles qui la gangrènent. 

Pour aborder cette question brûlante, Manon Garcia philosophe et enseignante à Harvard, autrice de On ne naît pas soumise (Ed. Flammarion, 2018) publie un nouvel ouvrage en ce mois d’octobre 2021 : La conversation des sexes, philosophie du consentement (Ed. Flammarion). 

Marie Claire : Pour commencer, comment peut-on définir cette notion de “consentement” ?

Manon Garcia : Cette question, c’est toute l’ambition de mon livre. C’est en réalité extrêmement difficile d’y répondre car en définissant le consentement, on prend position.

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On a l’impression que consentir, c’est “être d’accord”. Mais est-ce que cela veut dire “accepter” ? “Choisir” ? Ce que je démontre dans mon livre justement, c’est qu’on ne peut pas définir simplement le consentement. 

Marie Claire : Pourquoi est-ce fondamental de parler du consentement aujourd’hui ? Faut-il l’aborder dès l’enfance ?

Manon Garcia : D’abord parce qu’on essaye de lutter contre les violences sexuelles et que cette notion est au cœur de cette lutte-là. Mais ce n’est pas seulement une entreprise de lutte contre. La question du consentement nous oblige à réfléchir au bon sexe. 

Il y a là deux questions en réalité : qu’est-ce qu’une relation sexuelle épanouie et qu’est-ce qu’une relation sexuelle interdite. Et la notion de consentement permet de répondre aux deux. 
 
Concernant les enfants, là encore cette idée du consentement est essentielle, d’une part pour savoir à quoi les enfants peuvent consentir en fonction de leur âge. Par exemple, ils ne peuvent en aucun cas consentir à avoir une relation sexuelle avec un adulte… Mais cela pose également la question de l’éducation sexuelle. Aborder la question du consentement permet d’éduquer et de protéger les enfants contre les violences sexuelles mais aussi de les éduquer pour qu’ils puissent, plus tard, avoir une sexualité épanouissante. 
 

Marie Claire : En quoi le consentement peut-il être un levier pour plus d’égalité femme/homme au sein des couples hétéro et plus généralement dans la société ?

Manon Garcia : Je pense qu’en comprenant que le consentement est central dans toutes les relations sexuelles, on comprend que c’est immoral d’utiliser les gens sans les traiter de manière respectueuse. 

Or, c’est souvent sur ce modèle là que la sexualité masculine est pensée par les hommes et aussi plus largement par la société. Revoir le sens et la place du consentement, c'est une invitation à ce que les hommes considèrent les femmes comme leurs égales, et pas comme des corps dont ils usent.
 
Sans ce changement fondamental, il ne peut y avoir de véritable égalité entre les hommes et les femmes. 

Marie Claire : On entend encore trop souvent que le consentement verbalisé n’est pas “sexy”. Pourquoi le consentement est en réalité érotique ? 

Manon Garcia : C’est une idée que je ne comprends pas, de dire que le consentement n’est pas “sexy”. Au contraire, je trouve ça extrêmement sexy de dire à quelqu’un qu’on a envie de coucher avec lui/elle. On peut imaginer des centaines de scénarios dans lesquels on susurre à l’oreille de l’autre qu’on a envie de lui/elle. 

On a tendance à croire que verbaliser son consentement, c’est interrompre un moment pour se dire “est-ce qu’avant d’aller plus loin, on signe un papier”. Mais pas du tout : verbaliser son consentement, c’est simplement parler de son désir et de son plaisir avec l’autre. 
 
Cette idée soulève en réalité un problème majeur : on conçoit le sexe comme s’il n’y était pas question de conversation. On croit que la verbalisation du désir ou le consentement, c’est “en dehors” du sexe. Mais quand on fait du sexe avec quelqu’un, on a des échanges, on construit quelque chose même si c’est très bref. Le sexe est et devrait être une conversation au contraire, dans laquelle le consentement trouverait de fait sa place. 

Pour prolonger cette discussion, Manon Garcia sera en conférence au mk2 Nation, le 14 octobre 2021 à partir de 20h et répondra notamment à cette question : le consentement reste-t-il un impensé ? 

Les places sont à réserver sur la page de l'événement, ou sur place. La conférence sera suivie d'une séance de dédicaces.