Synonyme d’un accueil en grandes pompes, le tapis rouge reste dans l’inconscient collectif le privilège des stars hollywoodiennes, personnalités politiques et autres grands de ce monde. Et pour cause, de la Grèce Antique aux MTV Music Awards, en passant par la Renaissance et le péron de l’Elysée, ce scénique chemin écarlate marque depuis la nuit des temps une forte distinction symbolique entre les gens importants, les “dieux” de ce monde disons, et ce qu’on appellera métaphoriquement le commun des mortels.

En effet, rare et coûteuse à se procurer, la teinte carmin se voit historiquement associée aux riches et puissants et ce dès le Moyen-Age. Mais pour ce qui est du tapis rouge moderne tel qu’on le connaît aujourd’hui, il faudra attendre une visite du président américain James Monroe à Georgetown, en 1821, pour voir apparaître ce gimmick de l’accueil VIP.

Dans les années 60, 100 ans plus tard donc, les Oscars et ses cérémonies ultra-sélect se chargeront de faire le reste, muant le tapis rouge en symbole d’un glamour performatif sur lequel célébrités en tout genre et membres de cette nouvelle aristocratie du divertissement se doivent de tout donner, y compris vestimentairement parlant.

Vidéo du jour

Le tapis rouge ou l'art de se faire remarquer

Clark Gable, Jimmy Stewart, Marlène Dietrich et Grace Kelly : aux prémisses de La La Land, le tapis rouge devient l’unique endroit où l’on peut apercevoir ses stars favorites, bien que paqueté derrière des barrières de sécurité. Électriques, ces instants de ferveur mettant en scène la rencontre fugace entre deux mondes diamétralement opposés sont, sans surprise, le moyen pour ces personnalités de se faire de surcroît remarquer. C’est ici qu’intervient alors leurs accoutrements, la mode étant - coup de chance - également en pleine ascension.

Si les Audrey Hepburn et consorts feront du tapis rouge un défilé d’élégance dans les années 50, leur héritières s’appliqueront au contraire à en faire un terrain de jeu stylistique sans limite, pour le meilleur comme (souvent) pour le pire. En 1969, c’est Barbara Streisand qui bouscule la bienséance avec un ensemble pailleté transparent qu’elle portera pour recevoir l’Oscar de la meilleure actrice pour sa prestation dans Funny Girl.

Barbara Streisand aux Oscar de 1969

Une récompense marquée du sceaux de l’audace puisque 9 ans plus tard, c’est Diane Keaton qui l’acceptera pour son rôle dans Annie Hall, dans une tenue à l’image de celui de son personnage : un costume d’homme oversize jouxté d’une chemise au col relevé et d’une écharpe bohème.

Demi Moore en surprenante robe cape, bustier et short-cycliste, Cher dans une spectaculaire tenue de plumes, Bjork et sa robe cygne ou encore Angelina Jolie et son mythique jetée de jambes dans un fourreau noir fendu : le passage des stars sur le tapis rouge des Oscars se muent chaque année en authentique défilé de mode, et se voit concurrencer par de plus en plus d’évènements.

Échange de bons procédés sur le tapis rouge

Le Festival de Cannes et sa mythique montées des marches, les avant-premières de cinéma, les cérémonies de remises de prix musicaux ou les grands rendez-vous d’art contemporain : tout événement mondain de notoriété publique devient prétexte à une exhibition stylistique, mode et show-business s’alimentant alors de façon frénétique.

En 1994, Liz Hurley, encore peu connue du grand public, fera ainsi tourner les têtes avec sa robe à épingles dorées Versace lors de la première de 4 mariages et 1 enterrement. Lors des Grammy Awards de 2000, c’est Jennifer Lopez qui cassera les internets avec une tenue également signée du talent ostentatoire de la maison italienne.

Jennifer Lopez robe Versace Emmy Awards 2000

Plus récemment, on pense à Bella Hadid en Alexandre Vauthier à Cannes en 2017 qui en avait fait presque oublier l’objet même de la compétition. Autant de coups de com’ savamment orchestrés par lesdites marques de luxe et stylistes de stars, qui trouvent dans ces apparitions remarqués un intérêt mutuel hautement lucratif : pendant que l’un verra ses ventes exploser sans budget pub dépensé, l’autre verra sa star attitrée gagner en gloire et popularité.

Un phénomène tel, que le New York Times se demande en 2014 si "tout ce glamour n’a pas volé la vedette" aux Oscars.

Quant aux mauvaises langues, elles se plaisent à souffler que le Festival de Cannes n’est plus qu’une vaste pub pour les maisons de la place Vendôme et du Faubourg Saint Honoré. N’en déplaise aux puristes, le tapis rouge se mue de fait en défilé (haute) couture et temple de l’audace modeux, propulsant allègrement la carrière de jeunes créateurs et de talents en devenir.

Le red carpet, un tremplin pour les jeunes créateurs

C’est du moins la dernière tendance en date, certaines superstars internationales préférant aujourd’hui mettre leur célébrité au service de designers confidentiels au détriment des grands groupes de luxe, a fortiori quand les réseaux sociaux se chargent de booster naturellement la résonance de quelconque apparition remarquée.

Beyoncé dans sa robe Cong Tri lors de la Première de The Lion King

On se souvient ainsi de Beyoncé, flamboyante pour la première du Roi Lion en Europe dans une robe dorée de Cong Tri, designer vietnamien basé à Ho-Chi-Minh, Laura Dern en Markarian, le label made in NYC d’Alexandra O’Neill, ou encore Sienna Miller, Saoirse Ronan and Greta Gerwig habillées récemment en Galvan, la marque britannique au cool chic. Avant eux, des designers comme Elie Saab ou Zac Posen avaient réussi à concurrencer les habituels Dior, Chanel et Valentino en faisant des tapis rouges leurs vitrines de prédilection.

"J’ai toujours en tête le fait d’habiller les VIP quand je dessine une robe car c’est une grande partie de notre business mais aussi une partie amusante de notre business." confiait en toute honneteté la créatrice Alexandre O’Neill au site Fashionista. Ou quand le tapis rouge permet au futur de la mode de se faire un nom.