"Je ne suis même pas sûre d’aimer la mode pour être tout à fait honnête avec vous. Je ne suis pas à la mode. J’ai toujours - et je suis d’ailleurs très contente de la conserver - un attitude de débutante."
Si l’on ne connaissait pas l’élégante modestie qui la caractérise et son tempérament tout en retenue, on pourrait croire que Tilda Swinton, ici interviewée par le magazine américain In Style en 2014, se moque gentiment de son auditoire.
Et pour cause, difficile de nommer une actrice hollywoodienne dont la cinématographie se révèle aussi exigeante que sa grammaire stylistique et la présence IRL aussi hypnotique que son jeu à l’écran.
Interprète prodigieuse plébiscitée par une critique réputée intransigeante, Tilda Swinton n’a en effet jamais cessé de se distinguer de ses pairs par sa capacité bluffante à manier l’art subtil de se vêtir sur le tapis rouge.
La mode selon Tilda Swinton
Affirmant une identité vestimentaire singulière non dénuée de caméléonisme, celle qui choisit avec minutie le timing de ses apparitions - souvent limitées à la promotion de ses films et à des évènements ultra-prestigieux - prend soin d’afficher des silhouettes à l’esthétique éloquente et cérébrale.
Coupes à l’architecture prodigieuse et au minimalisme opulent, effets de texture et de matières digne d’une réflexion plasticienne, utilisation féroce de nuances chromatiques audacieuses : Tilda Swinton explore la mode au delà de ses zones de conforts, repoussant les limites du fashion statement avec une élégance aussi racée que frondeuse.
C’est elle qui dès 2008, transcende le drapé magistral d’une robe Lanvin signée Alber Elbaz alors qu’elle monte sur scène recevoir son premier Oscar. C’est aussi l’actrice écossaise qui au gré de ses rendez-vous avec le sulfureux Festival de Cannes ou les plus intellectuelles Berlinale et Mostra de Venise égrenera des looks d’une sophistication rare, suscitant l’admiration et l'étonnement.
Un pantalon d’un rose shocking tapageur, une robe d’inflexion médiévale, un smoking réinterprété façon redingote et jupe culotte, un tailleur-jupe rétro-futuriste vert anis ou encore un manteau immaculé, également griffé et doublé d’un masque bijou signé James T. Merry : les silhouettes se suivent et ne se ressemblent pas, si ce n’est dans leur constante virtuosité.
Finalement plus qu’elle ne la porte, Tilda Swinton habite littéralement la mode, la mouvoit, l’incarne, révélant au monde toute sa quintessence avec une élégance flirtant avec la grâce.
La reine du tapis rouge
Cette faculté de muer le vêtement en être vivant à part entière, elle lui vaudra des prestations uniques, à l’image de la lecture qu’elle donnera lors de la célébration rendue en hommage à Karl Lagerfeld en juin 2019 ou des multiples performances* qui l’unissent à Olivier Saillard, historien de la mode français et "tête chercheuse du vêtement", comme le décrit si bien un article du journal Libération.
Ensemble, le duo explore les frontières poétiques, techniques et patrimoniales de la mode à travers des saynètes aux registres variés, dignes de pièces de théâtre modernes. La dernière en date ? Celle du 25 juin de cette année, baptisée Embodying Pasolini, à travers laquelle ces deux geeks de l’art textile revisitent les costumes originaux des films du cinéaste italien.
À croire que Tilda Swinton ait raté le coche en se lançant à la conquête d’Hollywood en lieu et place de celle de la (haute) couture. Mais d’où tient-elle cette inclinaison pour la mode qu’elle couronne de virtuosité ? Certains diront qu’elle tire ce privilège d’une silhouette vestialienne d’1m80, sa taille de mannequin lui permettant d'arborer longueurs drapées et volumes structurés comme peu de mortelles ne peuvent se l’autoriser.
D’autres feront valoir sa beauté androgyne singulière, mêlant une carnation polaire, des traits délicats et une pixie cut emblématique balançant entre le blond vénitien et le blond platine au gré de ses envies. Enfin, on pourra avancer - et Tilda Swinton est la première à le confirmer - que cette relation quasi charnelle qui l'unit au style lui vient de ses amitiés avec le plus grands, ceux qu’elle inspire et qui en retour n’ont cessé de contribuer à façonner son allure de muse semi-mortelle.
Tilda Swinton, l'amie de la mode
Haider Ackermann, Maison Martin Margiela, Schiaparelli, Vionnet mais aussi Chanel et Lanvin : l’actrice entretient des rapports ultra-privilégiés avec une poignée de maisons parisiennes à la notoriété confidentielle ou au savoir-faire reconnu.
"Ma relation avec la mode vient uniquement de ma relation avec différentes personnes amies qui travaillaient par hasard dans le métier. Si je n’avais pas eu ces amis, je ne serais pas invitée à me rendre à leur show ou à porter leur vêtements." confesse Tilda Swinton dans la même interview, résumant l’industrie de la mode à un vaste "cirque".
Et si l’on souhaitait pousser la métaphore de façon un brin capillotracté, on pourrait même dire qu’elle en serait incontestablement la Madame Loyale qui, telle un charismatique cheffe d’orchestre, domine ce spectacle modeux d’une admirable virtuosité.
Découvrez le style de Tilda Swinton dans le diapo suivant.