Fin mars, c’est la news pop qui faisait le tour des Internets. Et pour cause, Kristen Stewart foulait le prestigieux tapis rouge des Oscars 2022 habillée d’une veste de smoking et d’un micro-short assorti, brisant la sacro-sainte tradition de la robe de gala spectaculaire.
"Pas de silhouette "sirène" ! Pas de robes de princesse ! Il était temps !", s’exclame avec enthousiasme Vanessa Friedman, cheffe de rubrique mode du New York Times, qui poste alors sur Twitter une photo de l’actrice américaine.
Sur les réseaux sociaux, les discussions s’enflamment autour du bout de tissu d’ascendance sportive, certains regrettant un tel pied-de-nez au protocole vestimentaire tandis que d’autres galvanisent le parti-pris audacieux de celle qui est alors en lice pour l’Oscar de la Meilleur Actrice.
La pandémie nous a permis une remise à zéro. Les looks de tapis rouges ne devraient-ils pas en faire autant ? Sur notre manière de définir l’élégance ? - Vanessa Friedman
L’interprète de Lady Di dans le Spencer de Pablo Larrain ira même jusqu’à pousser le blasphème à son paroxysme en troquant ses vertigineux escarpins pour une paire de mocassins noirs aux subtils accents masculins.
"Amen girl " tweete la journaliste Amy Kaufman qui a repéré en coulisses le discret changement de souliers. Ce n’est pourtant pas la première fois que Kristen Stewart s’affiche dans des tenues de soirées peu conventionnelles.
L’ambassadrice Chanel ayant pour habitude de s’émanciper volontiers des codes stylistiques socialement genrées à grands renforts de costumes pantalons, de boots militaires et autres pièces badass quitte à se voir accuser par le New York Post de vouloir imposer la "tendance du look lesbien".
Sans commentaires.
N’en déplaise à certaines publications homophobes, l’ancienne héroïne de la saga Twilight n’est ni la seule, ni la première à s’être lassée des injonctions aux robes longues et hauts talons.
Tapis rouge, la fin de la robe de princesse ?
"La robe de bal est morte ! Longue vie à la chemise blanche !" ironise le journal The Independant qui, au lendemain de la prestigieuse soirée, remarque une présence marquée de la pièce immaculée sur le plus prestigieux des tapis rouge, qu’elle soit portée de façon stricte par Uma Thurman ou en mode cropped top par Zendaya.
La jeune actrice au CV mode impeccable s’est d'ailleurs révélée une habituée des déviations protocolaires, ses apparitions sur le red carpet convoquant tailleur pantalon et veste masculine.
Mais elle n’est pas la seule à défier les lois de l’habillement sur le tapis rouge.
Brassière et pantalon large pour Ariana DeBose, robe ultra-large, ultra courte et ultra fluo pour H.E.R, dégaine Matrix pour Willow Smith mais aussi robe vintage pour Kirsten Dunst qui ne cesse de promouvoir l’apparat de seconde main et pantalon bouffant immaculé pour Priyanka Chopra.
Et n’allez pas croire qu’il s’agit d’une simple manie de Millenials biberonnés à Tiktok.
Le dress code précise que les femmes doivent porter une robe de cocktail ou de soirée. Ça me stupéfait ! - Rose McGowan
On se souvient de Frances McDormand foulant le tapis rouge du Rome Film Festival chaussées d’une paire de Birkenstock rouges, de la chemise d’homme Gap de Sharon Stone en 1998, de la tenue "sans-culotte" de Victoria Abril en 1997 tout comme du costume-cravate oversize de Julia Robert en 1990.
"La pandémie nous a permis une remise à zéro. Les looks de tapis rouges ne devraient-ils pas en faire autant ? Sur notre manière de définir l’élégance ?"questionne Vanessa Friedman dans le New York Times.
Si la tenue de conte de fées flamboyante reste toutefois la règle, ces incursions de la tenue de gala dans le vestiaire masculin ou la garde-robe du commun des mortels font office de failles prometteuses dans un système à la mécanique capitaliste et patriarcale bien huilée.
"Le dress code précise que les femmes doivent porter une robe de cocktail ou de soirée. Ça me stupéfait !" s’était indigné en 2018 l’actrice Rose McGowan au sujet des British GQ Awards, dénonçant cette obligation de porter une tenue qui vient renforcer l’air de rien les stéréotypes genrées et l’hypersexualisation dont le second sexe ne cesse de faire l’objet, y compris sur les hauteurs d’Hollywood.
Quand les hommes mettent des paillettes sur le red carpet
Des injonctions sexistes dont la gente masculine semble aussi vouloir se débarrasser, ces derniers troquant volontiers le costume 3 pièces pour des silhouettes résolument plus gender-fluid.
Veste scintillante sur torse nu, costume blanc surmonté de Converse, harnais couture : le jeune Timothée Chalamet insuffle ainsi des looks frondeurs qui redéfinissent avec succès les codes de la bienséance vestimentaire hétéronormée.
Un engagement stylistique que revendique également Harry Styles, l’ex-leader du boys band One Direction devenu aujourd’hui muse pour Gucci piochant allègrement dans les "collections femmes" comme dans les "collections homme" pour assouvir ses pulsions créatives.
"Jouer avec les vêtements peut donner tellement de joie. C’est juste une façon de créer quelque chose de nouveau", expliquait-il au Vogue américain dont il est le premier homme à faire la couverture solo.
Sans surprise, la pop star suit les pas d’une autre égérie Gucci - l’acteur Jared Leto - dont la grammaire vestimentaire sur le red carpet s’est elle aussi radicalement transformée au cours des 10 dernières années.
Autant de mutations vestimentaires certes remarquables mais qui n’auraient pas été possible sans l’audace et l’influence iconoclaste de personnalités queer comme Lil Nax X, le rappeur américain s’étant mué en inspirante icone de mode au gré de ses looks flamboyants.
Robe couleur lilas signée Atelier Versace, ensemble mi-baroque mi-fleuri Richard Quinn, crinoline et toile de Jouy étiqueté Andrea Gossi : l’artiste s’est mué en ambassadeur de l’extravagance au masculin, quitte à se voir comparer à son aîné Billy Porter.
Considéré comme l’un des premiers hommes à porter des robes sur les tapis rouges hollywoodiens de premier plan, il est aussi l’un des rares à faire de ses tenues un outil militant de la cause LGBTQ+.
Ou l’art de dire, sans un mot, qu’il va y avoir du changement.