Le jour où j'ai appris que j'allais être père

Par Caroline Rochet
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Inquiétude ? Bonheur immense ? Remise en question ? Comment savoir ce qui se cache alors derrière leur masque réjoui lorsqu'ils apprennent la nouvelle ? Quatre pères racontent.

De ce jour pas comme les autres, ils parlent volontiers. D’abord avec le sentiment de ne  rien avoir à raconter d’extraordinaire , quelques souvenirs flous, une certaine pudeur. S’excusant presque de ne pas trouver les mots pour le dire, ou alors des mots trop faibles, "trop petits". Ils sont un peu étonnés, aussi, que nous, à Marie Claire, on s’intéresse à leurs sentiments d’hommes sur un tel sujet. Avec la grossesse, ils ont plutôt l’habitude d’être recalés au second plan…

Mais dès qu’on les pousse un peu, voilà qu’ils ouvrent les vannes. S’épanchent, rigolent, racontent, avec une sincérité parfois déroutante. Les pères que nous avons rencontrés se souviennent avec précision de l’instant où ils ont découvert que leur existence allait basculer.

Jeunes ou moins jeunes, qu’ils aient ou non désiré cet enfant, ils nous ont confié comment ils ont "encaissé " la nouvelle de leur vie.

Ensemble que depuis cinq semaines 

Notre premier témoin, Paul a 31 ans et est en couple depuis un an. Son premier enfant est né il y a 3 mois. 

Comment je l’ai appris : Un matin, au réveil. Depuis quelques jours ma copine avait mal aux seins, mais comme on pensait avoir pris toutes les précautions, elle a passé le test sans y croire une seconde. Et on a découvert le résultat ensemble. Détail qui a son importance : nous n’étions ensemble que depuis cinq semaines.

Ce que j’ai ressenti : Nous étions tombés fous amoureux dès le début, c’était la première fois que je ressentais un truc pareil. Du coup, malgré le mauvais timing et ce que la "raison " aurait voulu, on a pris le temps d’y réfléchir sérieusement. Et on a décidé de garder le bébé. Sans panique. Cette rencontre était la bonne, la nature a juste un peu précipité les choses.

Vidéo du jour

Je n’aurais jamais pensé… faire un bébé si vite, par "accident ", mais en sachant déjà que c’était avec la bonne personne. Que tout me paraisse si naturel. On n’a jamais rien regretté, notre fils a aujourd’hui 3 mois et on baigne dans le bonheur. L’annonce d’une grossesse, ça n’a rien à voir avec ce qu’on voit dans les films ou dans les livres, ou ce qu’on imagine. Dans notre cas c’était particulièrement rock’n’roll.

Mon regard sur elle : Dès qu’on l’a su, avant de penser à moi je me suis inquiété pour elle : c’est elle qui le porte, qui accouche. Son corps n’a pas beaucoup changé, elle a pris une petite dizaine de kilos, tout au plus, et le gros bidon a mis du temps avant de s’installer entre nous. Un ventre qui s’arrondit, c’est joli, et on se dit qu’il y a quelqu’un à l’intérieur qui, peut-être, entend vos bêtises. En revanche, cette fameuse ligne qui se dessine en travers du ventre restera toujours un mystère pour moi.

Ce que j’en pense aujourd’hui : Mon père est mort alors que je n’avais que 8 ans, je n’ai donc aucun modèle paternel à rejeter ou à adopter, je suis en train d’inventer ma propre paternité . Si ma copine et moi devions un jour nous séparer (aujourd’hui cela me paraît impossible, mais dans la vie tout est possible), je n’ai pas peur. Ma chérie est fantastique, et je suis sûr de moi. Un enfant a avant tout besoin d’être aimé, et ça nous saurons le faire, même séparés. Malgré sa drôle de conception, mon fils a tout ce qu’il faut pour bien démarrer dans la vie.

Hyper heureux de devenir père

Le second volontaire à se prêter au jeu se prénomme John. A 39 ans, il est en couple depuis neuf ans et père de deux enfants, de 3 ans et 1 an. 

Comment je l’ai appris : Dans la rue, l’hiver, en lisant avec elle les résultats du labo. On avait galéré quelques années avant d’opter pour une insémination artificielle. Ma femme voulait attendre d’être arrivée à la maison pour ouvrir l’enveloppe, mais moi j’en étais incapable ! En voyant que c’était bon, on s’est embrassés, on a oublié le froid, on était juste hyper-heureux.

Ce que j’ai ressenti : Un immense soulagement. Quelques mois plus tôt il y avait eu une fausse couche qui nous avait ravagé le cœur. C’était bon de pouvoir enchaîner vite, construire.

Je n’aurais jamais pensé… que le changement de vie commencerait dès ce jour-là. Bien sûr, surtout en tant qu’homme (qui ne " porte " pas le fœtus), la vraie claque se produit à la naissance, et j’ai réellement réalisé mon rôle de père quand ma fille est arrivée. Mais du jour où on a su que ma femme était enceinte, tout est quand même devenu très différent, soudain très concret : on a commencé à en parler, anticiper, s’organiser… C’était hyper excitant.

Mon regard sur elle : Evidemment, dès ce moment-là ta femme t’apparaît encore plus précieuse. Je suis devenu encore plus câlin, je lui touchais souvent le ventre. Elle n’était plus seulement ma chérie, mais la coquille qui enveloppait notre projet commun.

Ce que j’en pense aujourd’hui : Devenir père change tout. Il y a eu ma vie avant et ma vie après. Je crois en l’instinct paternel, cette sorte de super pouvoir qui te rend à la fois extrêmement fragile – quand tu as peur pour eux – et hyper fort. Alors oui, ce jour-là, déjà, tout a commencé à changer pour moi.

Un non-désir d'enfant

Yvan, 53 ans, est en couple depuis vingt ans. Il est devenu père trois fois, (ses enfants sont âgés de 23 ans, 10 ans et 7 ans) pourtant au départ, il ne se voyait pas père. 

Comment je l’ai appris : Pour ma fille aînée, c’est très flou, cela fait si longtemps ; je me souviens de mes impressions mais pas du contexte. Je ne trouve pas ça très important.

Ce que j’ai ressenti : De la panique. De la colère. Malgré notre amour je ne voulais pas d’enfant. Nous en avions un peu parlé, mais chacun croyait de l’autre ce qu’il voulait bien croire. Et c’est arrivé. J’ai immédiatement senti que tout allait basculer dans ma vie. Peintre, je ne souhaitais me consacrer qu’à mon art et à mon couple, à rien ni personne de plus. Du jour où elle m’a annoncé cette grossesse, la discorde est née entre nous, et elle n’a fait que s’aggraver, jusqu’à faire exploser notre histoire.

Je n’aurais jamais pensé… avoir trois enfants. J’avais grandi dans l’idée qu’être peintre, artiste, c’était comme entrer dans les ordres, sans place possible pour ces choses-là. La paternité ne m’émeut toujours pas beaucoup. Mais avec ma deuxième femme je suis devenu plus philosophe, j’ai compris son besoin de maternité et l’ai laissée faire deux enfants. Avec réticence encore, mais je m’étais quand même un peu assoupli. Je commence même à me laisser attendrir par le charme des petits, à leur manifester ma tendresse, à me surprendre fou d’inquiétude quand ils sont malades. C’est étonnant.

Mon regard sur elle : Je ne comprends pas les hommes excités ou émus par le corps d’une femme enceinte. Pour moi, leur ventre devient quelque chose de curieux, distendu, et l’accouchement est d’un barbare ! J’appelais ma première femme "Moby Dick". Ça ne la faisait pas rire du tout.

Ce que j’en pense aujourd’hui : Même si je n’ai toujours pas une fibre paternelle très développée, j’aime mes enfants, et j’ai évolué avec l’âge. A 30 ans j’étais un môme, aujourd’hui j’ai compris qu’on peut être artiste et avoir une vie de famille. Comme je me suis davantage occupé de mes deuxième et troisième enfants, je culpabilise un peu vis-à-vis de ma première.

Une grossesse imprévue, comme un signe du destin

Enfin, Adrien, 36 ans, prend la parole. En couple depuis douze ans, il est père de deux enfants, de 7 ans et 3 ans. 

Comment je l’ai appris : Pour le second, en vacances à Bali, alors que ça n’allait plus du tout dans mon couple. Notre aîné avait alors 4 ans, ma femme et moi nous étions éloignés progressivement, j’avais une liaison extra-conjugale. On avait déjà prononcé le mot " divorce ", mais nous nous aimions encore et faisions encore l’amour. C’est dans ce contexte qu’elle m’a annoncé la nouvelle, comme si elle venait de l’apprendre, mais je suis sûr, encore aujourd’hui, qu’elle le savait déjà depuis un moment.

Ce que j’ai ressenti : Ni joie débordante, vu les circonstances, ni rejet. J’étais un peu en colère contre la vie qui me compliquait les choses. Mais j’ai surtout pensé à ma femme, qui avait subi une fausse couche traumatisante deux ans plus tôt. Pas une seconde je n’ai pensé à un avortement  : quoi qu’il advienne de notre mariage, cet enfant était là et nous l’aimerions comme son frère aîné. J’ai mis fin à ma liaison.

Je n’aurais jamais pensé… que notre amour renaîtrait de ses cendres. Petit à petit, avec le temps, nous avons retrouvé notre complicité, et peu avant la naissance j’ai réalisé que le bonheur était revenu. Comme il était parti  : sans faire de bruit, mais avec force.

Mon regard sur elle : Un corps de femme enceinte, je ne trouve pas cela " beau ", mais pas non plus rebutant. Disons que ça me laisse assez indifférent. J’étais à l’aise avec ce nouveau corps grâce au fait qu’elle, en revanche, était fière et heureuse de sa grossesse, et portait son ventre bien en avant.

Ce que j’en pense aujourd’hui : C’est à la fois beau, rassurant et effrayant de voir à quoi tiennent les choses… Sans cette grossesse imprévue, je ne serais plus avec la femme de ma vie, j’aurais perdu le cap, et mon fils cadet n’existerait pas. Et ces circonstances particulières m’ont donné l’impression d’avoir finalement deux fois un premier enfant.      

Les ressentis des pères vu par un expert

Marie Claire : Les réactions des hommes à l’annonce d’une grossesse révèlent-elles le père qu’ils seront plus tard ?

Gérard Strouk* : Non, pas forcément. Un homme met du temps à réaliser ce qu’il lui arrive. Et ce qu’il ressent le jour où il apprend la nouvelle peut être totalement différent de ce qu’il expérimentera à la naissance. Voire bien après la naissance. Il existe tous les cas de figures, du pire au meilleur. J’ai vu des hommes fous de bonheur pendant la grossesse déserter une fois l’enfant né ; d’autres, d’abord affolés et fuyants, devenir finalement les meilleurs papas du monde ; c’est très variable, et parfois extrême. Mais d’une manière générale ils sont souvent angoissés par cet engagement qui va transformer leur vie, se sentant « pris au piège », puis s’habituent doucement à l’idée, jusqu’à la naissance, qui souvent les bouleverse. 

Quels sont les sentiments les plus courants chez les futurs papas ?

Difficile de généraliser. Mais la principale différence avec les futures mamans, c’est qu’ils intellectualisent énormément. Contrairement à elles, ils ne sont pas « tombés dedans quand ils étaient petits », n’ont pas joué avec des poupées, sont moins « formatés » par la société et n’expérimentent pas dans leur corps les cycles de fécondité depuis l’adolescence. Une femme, à peine enceinte, « subit » déjà des modifications biologiques qui l’aident à réaliser ce qu’il se passe. L’homme vit la grossesse uniquement par son cerveau et se pose beaucoup de questions. Notamment, il a souvent peur de perdre la vie sexuelle qu’il avait avec sa compagne. Et les modifications du corps féminin peuvent le perturber, l’exciter, le dégoûter, l’effrayer (par peur de l’accouchement) ou, au contraire, le faire fondre de fierté et de tendresse. Dernière chose : bien souvent un futur papa pense à son propre père. Pour s’en différencier ou pour essayer de l’égaler.

Pourquoi avoir créé des groupes de paroles pour futurs pères ?

Parce que contrairement aux femmes, qui parlent volontiers de ces choses entre elles, les hommes ne sont pas « programmés » pour aborder ces sujets. De plus, autant l’entourage sera à l’écoute de la femme enceinte, autant l’homme, pour qui il ne se produit rien physiquement, suscitera moins de soutien, d’entraide spontanée ou de questions. Et ils reconnaissent volontiers avoir du mal à confier leurs émotions, pourtant si fortes après une telle nouvelle… Il se crée dans ces groupes une solidarité particulière. Certains reviennent après l’accouchement pour rassurer les autres, donner des conseils : « Ne vous inquiétez pas, la sexualité revient », « J’ai assisté à l’accouchement, voilà ce que j’ai ressenti », etc. C’est très émouvant.

Cela fait vingt-cinq ans que vous animez ces groupes. Les hommes ont-ils changé avec le temps ?

Je constate en effet une évolution : le contexte économique est difficile, les gens réfléchissent davantage avant de faire un bébé. Ils sont plus responsables, plus mûrs, ce qui est aussi dû au fait qu’on a désormais des enfants plus tard, plutôt à 30 ans qu’à 20. Et que les rôles homme/femme ont eux-mêmes évolué. Mais les nouveaux pères se posent depuis toujours les mêmes questions sur la paternité, la sexualité, leur rôle, leur femme, l’accouchement… Et ils ont besoin d’en parler. Ce qui ne change pas, selon moi, c’est « l’animalité » à laquelle une grossesse nous renvoie. Et, en même temps, la certitude qu’au-delà du schéma social que nous reproduisons, faire un enfant est un acte d’amour.

(*) Gynécologue obstétricien, coauteur, avec Corinne Vilder Bompard, de "Je vais être papa " (éd. du Rocher)

Article publié initialement en avril 2011 dans le magazine Marie Claire, réédité en septembre 2019

[Dossier] Qu'est-ce qu'un bon père ? - 9 articles à consulter

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De anonyme
le jour ou il a appris qu'il allait être père, ca été la douche froide car panique à bord.Il étais perdu et se demandais comment faire mais le problème, c'est qu'il n'a pas pensé une seconde à mon ressentie face à la situation.
au final j'ai passé ma grossesse toute seule, docteur, achat équipement, la totale car monsieur étais absent.A la naissance idem,je suis sortie de l'hôpital seul, il n'a pas pris ses 3 jours de congés.c'est 3 ans après qu'il se sens père et veux prendre sa place maintenant.comment quoi les hommes faut les prendre comme ils sont
De anonyme
...je fais seulement poser la question.
De anonyme
Et toi, quelle est ta position mon Buddha? Est-ce que c'est dans tes pensées ou pas du tout. Le 18 juin, c'est mon rendez-vous... la pillule, le stérilet ou rien du tout?