Comment faire de son enfant quelqu'un de bien ?

Par Marie-Claude Treglia
mère et petite fille famille
Comment transmettre à nos enfants nos valeurs d'éducation ?Réponse de la psychologue Claude Halmos.

Quand on croit à la tolérance, au respect et à la générosité, on a parfois du mal à supporter les déviances « réac» de notre enfant. Mais comment transmettre à nos enfants, nos valeurs d'éducation, sans les contraindre ni les rebuter ? 

Education des enfants : "Y-a-t-il des enfants méchants ?"

  • Marie Claire : Le terme d'enfants réac évoque quoi pour vous ?

Claude Halmos* : Une lecture d'adultes avec des critères d'adultes... Traduits en langage d'enfants, ces mots recouvrent en fait mille choses très différentes. Celui qui commente le décolleté de sa mère (« Si papa te voyait ! ») a besoin qu'on lui rappelle l'interdit de l'inceste, qu'on lui rétorque que la vie sexuelle (ou « amoureuse ») de ses parents ne le regarde pas. Que son père, d'ailleurs, n'a pas besoin de lui pour se défendre et, éventuellement, qu'on en parlera avec lui... Cet enfant a besoin d'être remis à sa place, au sens propre et au figuré.

La problématique de celui qui tient des propos racistes ou qui trouve que le SDF « n'a qu'à travailler » est totalement différente. Avec ce genre de propos, le petit interroge. Il a sans doute entendu ça à l'école, dans la bouche d'un copain ou du parent d'un copain, et demande des explications. On peut lui dire pourquoi on a donné cette pièce, lui parler de la difficulté de trouver du travail dans notre société... De même qu'on peut rappeler, à propos du racisme, l'histoire de l'esclavage, du colonialisme... Les enfants ont besoin de culture pour comprendre le monde qui les entoure, parfois si violent.

  • Marie Claire: Ce genre de propos a-t-il un sens différent selon l'âge de l'enfant? 
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Claude Halmos: Chez les adolescents, ces propos peuvent renvoyer à leur besoin vital de limites. C'est une façon de demander aux parents: « Dis-moi que 2+2 font bien 4 »... Il peut y avoir aussi, à cet âge-là, la nécessité, pour se réapproprier sa vie, d'envoyer balader toutes les valeurs des parents. Si ceux-ci sont « cool », de devenir extrêmement rigides, et inversement. C'est en fait leur enfance que les adolescents envoient ainsi balader. Ce qui est très douloureux. Et estimable. C'est un travail de fond pour se mettre au monde une seconde fois, trouver ce qu'on veut, ce qu'on est.

  • Marie Claire : Mais comment réagir à de tels propos ?

Claude Halmos: En tenant ses valeurs à soi, tout en admettant qu'ils puissent penser autrement. En ouvrant le débat. Il faut pouvoir écouter, discuter, même si tout n'est pas facile à entendre. De toute façon, plus on les affronte, plus ils vont s'accrocher à leurs « contre-valeurs ». Dans mon livre, je cite l'exemple de cet enfant de communistes qui voulait devenir moine. Pour éviter de le voir entrer au couvent, mieux vaut envisager avec lui toutes les conséquences d'un tel choix, tous les aspects qu'il n'avait pas imaginés, lui montrer que «tout cela mérite réflexion», plutôt que de s'opposer. Bien souvent, ce que cherche inconsciemment un parent, en se crispant sur ses valeurs, c'est garder son enfant sous sa coupe. Certes c'est douloureux qu'un enfant vous échappe... Mais transmettre des valeurs, ce n'est pas fabriquer un clone.

  •  Marie Claire : Il est tout de même légitime d'avoir envie de faire de son enfant « quelqu'un de bien »...

Claude Halmos: Mais la tolérance, le respect et la générosité ne s'enseignent pas en cours magistraux. Pour transmettre des valeurs, il faut avant tout les vivre, pas faire du baratin. Dès qu'il est au berceau, un enfant perçoit bien la façon dont on le traite lui, dont on se traite dans le couple, comment on se comporte avec les amis, les inconnus... Il faut aussi lui apprendre à penser, ouvrir son intelligence. En même temps qu'on lui impose une règle, on doit laisser à l'enfant le droit de la discuter. Comme nous avec les feux rouges : on n'a pas le choix, on les respecte, mais on est parfaitement libres d'en discuter l'existence. Un enfant doit comprendre qu'il n'y a pas d'opinion unique, que pour se faire son opinion propre, il faut discuter avec d'autres, s'informer, lire des livres...

  • Pensez-vous qu'avec certains ce soit perdu d'avance ? Y a-t-il des enfants méchants ?

Claude Halmos: Bien sûr que non ! La « méchanceté » n'est jamais d'origine. Certes il y a une sauvagerie originelle. Le petit enfant est d'abord dominé par la pulsion (« J'ai envie de frapper, je frappe »), le principe de plaisir (« Je fais ce que je veux comme je veux quand je veux ») et le sentiment de toute-puissance (« Je suis le roi du monde »). Mais il a toutes les capacités pour devenir un humain humanisé. A condition que des adultes l'aident en l'éduquant. Au terme « éducation », Françoise Dolto préférait d'ailleurs « humanisation ». Le but est notamment de lui faire découvrir d'autres plaisirs. L'enfant qu'on laisse ouvrir le ventre des poissons rouges pour voir ce qu'il y a dedans va peu à peu découvrir une jouissance à massacrer, alors que celui à qui on a montré qu'il peut aussi apprendre ça dans des livres va découvrir le plaisir de lire. L'un deviendra peut-être chercheur, l'autre criminel... L'histoire nous montre bien comment la sauvagerie est toujours prête à ressortir. L'éducation est le seul rempart qui peut nous en protéger.

(*)Auteure de "Grandir, les étapes de la construction de l'enfant, le rôle des parents" (éd. Fayard).

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