Peur, joie, tristesse, colère... Voilà nos émotions principales, dites "primaires", "fondamentales" ou encore "de base". Mais comment ont-elles été identifiées et pourquoi ont-elles été classées ainsi ? Quelles sont leurs déclinaisons ? Qu'est-ce qu'une émotion "secondaire" ? Pour comprendre le monde émotionnel, il nous faudra revenir à son b.a.-ba finalement bien mystérieux, à savoir : qu'est-ce qu'une émotion ? 

Le professeur et psychologue clinicien Yves-Alexande Thalmann nous accompagne à travers son livre Le décodeur des émotions* dans une visite guidée de l'univers affectif.

Qu'est-ce qu'une émotion ?

"Il suffit de poser la question autour de nous pour en arriver à ce constat surprenant : les gens ne savent pas ce qu'est l'émotion", écrit le psychologue. On la ressent, on la vit, on la côtoie quotidiennement, mais on ne la comprend pas forcément.

Une petite explication s'impose : il faut savoir qu'un élément déclencheur est à l'origine de l'émotion. "Un déclencheur est ce qui provoque une réaction, qui peut varier d'une fois à l'autre", peut-on lire dans le livre du spécialiste. Mais il faut distinguer le "déclencheur" de la "cause". La cause de l'émotion ne se trouve pas à l'extérieur de nous (comme un événement : une rupture, par exemple) mais à l'intérieur de nous (notre façon de considérer les événements et d'y réagir), explique le professeur.

L'émotion est ainsi une réponse à ce fameux déclencheur, qui peut venir de la réalité ou de nos pensées (souci, souvenir, etc). "Précisons que beaucoup de nos émotions sont uniquement provoquées par nos pensées, sans qu'aucun événement ne se soit produit", insiste Yves-Alexande Thalmann.

Etant maintenant plus au clair avec le fonctionnement de nos émotions, passons à leur "rangement". Première étape (ou intercalaire) de notre grand classeur émotionnel : les émotions primaires.
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Quelles sont les émotions primaires ?

Parmi toute la palette d'émotions que nous pouvons ressentir, on distingue les émotions dites "fondamentales" ou "primaires". C'est pour mieux identifier l'univers affectif que les psychologues et autres spécialistes ont établi une sorte d'organisation (et non de hiérarchisation) des émotions.

"Face à cette complexité, les psychologues ont tenté d'ordonner les ressentis et de les regrouper en grandes catégories. Le classement sur lequel tous s'accordent repose sur la distinction des émotions de base, ou fondamentales, et émotions secondaires, ou complexes", détaille Yves-Alexande Thalmann. Il existe quatre émotions de base : la joie, la tristesse, la peur et la colère. On ajoute aussi parfois la surprise et le dégoût. 

Les émotions fondamentales sont présentes chez le bébé ainsi que chez le primate, c'est pour cela qu'elles se nomment ainsi. "De plus, elles s'identifient de manière équivoque sur le visage, peu importe la culture des personnes qui les manifestent : un enfant joyeux sourit, quelle que soit son origine. Enfin, ces émotions animent l'ensemble des êtres humains : on ne peut imaginer un individu n'ayant jamais connu la peur ou la tristesse", constate le psychologue. "Chacun de ces registres émotionnels se décline en une multitude de nuances, autant sur le plan quantitatif que qualitatif", souligne-t-il.

Déclinaisons, nuances... Place à la deuxième étape de notre parcours : les émotions complexes.

Les autres émotions : secondaires et complexes

"A côté des émotions fondamentales, il existe une multitude d'autres ressentis. Ceux-ci peuvent être plus complexes, dans le sens où ils nécessitent une véritable élaboration mentale, telle une honte qui suppose une comparaison aux autres, la culpabilité qui implique un jugement de soi", explique l'auteur du livre Le décodeur des émotions. Mépris, orgueil, fierté, ou encore gratitude font également partie de cette catégorie émotionnelle (notez qu'une émotion secondaire n'est pas secondaire sur son intensité ou sa façon de la vivre. Cette appellation permet juste une bonne organisation).

Un point (hautement) important n'a cependant pas encore été abordé : l'amour. "L'amour n'est pas considéré comme une émotion de base", informe le spécialiste. Il est composé de plusieurs émotions : la tendresse, l'attirance, la joie, le désir... Sa composition émotionnelle est complexe, changeante et surtout propre à chacun.

Si l'on regarde d'un peu plus près nos émotions, primaires ou secondaires, il est assez aisé de se rendre compte que notre classeur émotionnel est essentiellement composé de ressentis... Désagréables. Pourquoi tant de haine ? 

Plus d'émotions désagréables ?

Parmi les émotions fondamentales, une seule se caractérise par un ressenti agréable (la joie). A ses côtés, nous retrouvons la peur, la tristesse, la colère et même le dégoût. Comment cela s'explique-t-il ? Sommes-nous vouées à être bougonnes ? 

"Si on répertorie les travaux effectués en psychologie sur les émotions et les sentiments, on en compte dix-sept fois plus portant sur des ressentis désagréables que sur des ressentis agréables", indique Yves-Alexande Thalmann."Nous avons plus de possibilités de ressentir des émotions désagréables afin que nous soyons guidés plus précisément vers le besoin à satisfaire", ajoute-t-il.

Mieux identifier son besoin pour plus facilement et rapidement le combler ? C'est à peu près ça. Selon le psychologue, "il n'existe aucune émotion négative, pas plus qu'il n'existe de voyants lumineux négatifs sur un tableau de bord : tous ont leur fonction et tous sont utiles". 

Lors de votre prochaine grosse tristesse, rappelez-vous donc qu'elle est... Utile !

*Le décodeur des émotions, de Yves-Alexandre Thalmann, éd. First, 2,99 euros.