C’est un phénomène qui touche de très nombreuses personnes, partout autour du monde : celui des collections. Philatélistes (timbres), Clopocléphiles (porte-clefs), Numismates (pièces de monnaie), Glacophiles (pot de yaourts)… on peut vraisemblablement collectionner tous types de choses, même les aventures amoureuses.

Selon le Dictionnaire de Psychologie1(2005), la collection est définie par le concept de catégorisation, soit une "action ou opération mentale, explicite ou implicite, consistant à organiser des données perceptives ou lexicales, etc. (collections) en catégories ou classes définies par certains critères. Insertion d’éléments dans des catégories ainsi formées".

Mais à partir de quoi une accumulation d’objets devient-elle une véritable collection ? Comment expliquer ce phénomène et quelles en sont les origines ? Cette passion ne risque-t-elle pas de tourner à l’obsession ?

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L’origine des collections, où et quand on commence ?

Pour Joéline Andriana2, Docteur en psychologie, “le phénomène des collections provient d’un désir inconscient initial d’obtenir et de retenir des données, des objets, des aventures qui rappellent un moment heureux, une symbolique alliée à un plaisir, une personne, un contexte…”.

Le psychanalyste américain Werner Muensterberger3, ce phénomène fonde son origine dans la petite enfance. Selon lui, se remettre du traumatisme qu’a été la séparation avec sa mère, un individu va vouloir le combler avec des objets qui vont le rendre heureux. Et de là peut découler une collection. “Avec elle, on peut établir une identification beaucoup plus étroite et exclusive qu’avec n’importe quel être humain”, explique le commissaire-priseur et académicien Maurice Rheims dans Les Collectionneurs4 .

Physiologiquement, le docteur Joéline Andriana explique que pour constituer une collection, “tous les sens (VAGOK : Visuel, Auditif, Gustatif, Olfactif, Kinesthésique) de l’individu peuvent être mis à contribution dans l’assemblage de ces éléments qui semblent identiques”. Ce rapport sensoriel crée un lien direct avec les émotions et l’inconscient du collectionneurs. “Les collectionneurs ou les collectionneuses d’aventures sexuelles par exemple émettent l’idée de retrouver l’objet (le sentiment d’amour, d’attention, de sécurité) ou le sujet perdu”, ajoute-t-elle.

Qui sont ceux et celles qui collectionnent ?

Il est difficile de définir un portrait-type du collectionneur : chaque personne peut, à un moment ou l’autre, par transmission pour initiative individuelle, commencer une collection. En terme de répartition, on compterait 73 % d'hommes et 27 % de femmes. 50 % des collectionneurs ont commencé leur collection entre 4 et 15 ans.

C’est accumuler pour remplir le vide

Pour Sacha Guitry - auteur dramatique, réalisateur et acteur du début du XXème siècle - lui même grand collectionneur d’objets d’art et de manuscrits originaux, classait les collectionneurs en deux catégories : les "collectionneurs placard", introvertis et méfiants, qui préfèrent garder leur collection pour eux-seuls, et les "collectionneurs vitrine", extravertis voire exhibitionnistes, qui ne parlent que de leur collection. Ceux-ci peuvent devenir des experts reconnus, car en plus de bien connaître leur sujet, ils apprennent à en parler à des néophytes.

Collectionneurs, quand la passion tourne à l’obsession

Constituer une collection, c’est - au moins en partie - compenser un manque. “C’est accumuler pour remplir le vide, c'est s’arranger avec la réalité, c’est montrer que l’on 'a' en pensant à ce que l’on veut 'être'”, décrypte l’experte.

Ce sentiment de manque et ce besoin de compensation peut dériver : la passion pour leur collection peut devenir une obsession qui prend le pas sur leur vie personnelle, leur vie de famille et qui peut coûter très (trop) cher. Une autre dérive est possible lorsqu’on se lance dans une collection : l’absence de point de saturation.

"Nous sommes tous compulsifs ! expliquait le psychiatre Robert Neuburger dans un article sur la question en 2004. A des degrés divers, bien sûr. C’est pourquoi le “collectionnisme” n’est ni un comportement pathologique ni une maladie. On peut même dire que c’est un traitement en soi ! La preuve en est que bien des collectionneurs sont déprimés lorsqu’ils ont terminé une collection. Mais il leur suffit d’en commencer une nouvelle, et la dépression disparaît…".

Donc finalement, mis à part la mise à mal de la vie privée qui peut, quand la collection devient trop importante, mettre en péril l’équilibre d’un couple ou d’une famille, voire des finances, collectionner reste une occupation plutôt positive.

1Dictionnaire de Psychologie, sous la direction de Roland Doron et Françoise Parot, Ed.  PUF (2005)
2Joéline Andriana**, Docteur en psychologie, www.effet-psy.fr
3Auteur du Collectionneur, anatomie d’une passion (Ed. Payot, 1996)
4Ed. Ramsay, 1981