Avec l’avènement d’Internet, tous nos usages ont changé et ont fait naître de nouvelles angoisses. C’est le cas par exemple des messageries instantanées. En effet, avant, le temps de réponse d’un ami ou d’un proche à un message dépendait généralement de son éloignement géographique ou de l’efficience des services postaux. Aujourd’hui, mis à part la (non)-connexion 4G, il y a peu d’éléments qui peuvent expliquer pourquoi une personne met du temps à répondre, voire ne répond pas du tout.

Le fait de décider sciemment de ne pas répondre ou de retarder la réponse à un message reçu, et le fait de stresser parce un de nos messages reste sans réponse (alors même qu’il nous arrive de ne pas répondre nous-même…) font ainsi partie des nouveaux comportements observés, un peu partout dans le monde, sur les utilisateurs de ces services de messagerie instantanée.  

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Pour bien comprendre ce qui se joue dans ce phénomène que certains nomment “la surveillance mutuelle”, la psychopraticienne Aurore LeMoing* rappelle que “les messages - que ce soit des mails ou des sms - font appel au langage visuel”. Avant de poursuivre, “il existe trois grands types de langage chez les individus :  le visuel, l’auditif et le kinesthésique qui signifie le ressenti. Chacun de nous fonctionne, communique avec un canal primaire nommé ci-dessus. Ce système est complètement nominatif et commun à toutes les personnes”.

Pourquoi certaines personnes ne répondent pas aux messages ?

Dans un article récent du magazine américain The Atlantic sur les nouveaux comportements face aux messages, des spécialistes apportent des explications sur ce qui peut motiver une personne à ne pas répondre à un message.

Du manque de temps au manque d’envie en passant par les questions de priorisation ou de surcharge de messages en tous genres, l’article égraine des tas de “bonnes raisons” qui peuvent expliquer d’une personne puisse décider de ne pas répondre à un message. Une pluralité d’explications également listées par Aurore Le Moing, qui rappelle alors qu’il existe encore des personnes “qui n’aiment pas les textos” et qui privilégient dans leur quotidien d’autres manières d’échanger avec leurs proches.  

Ne pas répondre à un message peut également être un moyen de signifier son ennui, ou sa domination

“Ne pas répondre à un message peut également être un moyen de signifier son ennui, ou sa domination dans une relation, en prétendant être simplement trop occupé(e) pour répondre”, complète le magazine Américain. Sans compter que ces comportements peuvent prendre une autre dimension encore quand on entre dans un rapport de séduction.

Pourquoi nos messages sans réponse nous stressent ?

La vraie question qui découle de ses nouveaux usages est en réalité de comprendre pourquoi ces “non-réponses” agissent sur notre moral ou notre niveau de stress. Parce que, s’il est si facile de laisser un message sans réponse, il est nettement moins facile d’accepter qu’une personne puisse recevoir, ouvrir, lire un de nos messages et qu’il décide sciemment de ne pas y répondre. D’autant que la plupart des services de messagerie sont dotés d’options qui permettent de savoir si et quand ledit message est “lu” par notre destinataire ou qui nous renseigne sur le fait que ce dernier soit en train d’écrire une réponse (qu’il n’enverra peut-être jamais).

“Répondre de suite, ne pas répondre, attendre quelques heures... Chaque réaction est soumise à interprétation”, analyse Deborah Tannen, linguiste à l'université de Georgetown, interrogée par The Atlantic. “Mais ces technologies et leurs conventions d'usage sont tellement récentes, et évoluent tellement rapidement, que même des amis très proches ont des avis divergents quant à la manière dont elles doivent être utilisées”, poursuit-elle. Des données qui varient également en fonction des enjeux du message en question. “Tous les messages n’appellent pas forcément une réponse”, complète Aurore Le Moing.

Le simple fait d’être dans l’attente engendre du stress et des pensées négatives

Du coup, comment expliquer que l’on puisse se sentir mal quand on attend une réponse qui n’arrive jamais (ou très tardivement) ? Pour Aurore Le Moing, il y a plusieurs explications à ce mal-être, en commençant d’abord par la projection et l’attente que l’on met dans le message initial (qui ne transparaît pas toujours). “Si vous avez l’habitude de répondre très rapidement aux messages que vous recevez, il est possible que vous projetiez sur l’autre cette même façon de faire, alors qu’il n’en n’est rien. L’autre n’est pas vous”, détaille ainsi la psychothérapeute. Et c’est le simple fait d’être dans l’attente qui engendre du stress, du questionnement, des pensées négatives (“si je n’ai pas de retour, c’est que c’est mauvais signe, ou qu’il ou elle ne pense pas à moi”).

L’hyperconnexion, source de stress et d’angoisses

L’autre source de stress, commune à tout le monde, est bel et bien l’hyperconnexion et le fait d’être sollicité tout le temps et par de (très) nombreuses personnes. “La société actuelle étant en permanence, presque 24 heures sur 24, connectée au monde et aux autres, cela accroît le sentiment d’angoisse de ne pas avoir de retour”, explique Aurore Le Moing. Surtout que - et c’est en cela que le phénomène est appelé par certains spécialistes la “surveillance mutuelle” - on a la possibilité aujourd’hui de savoir si une personne est “connectée” ou non sur les différences canaux et réseaux sociaux.

Comment ne pas rentrer dans un questionnement face à cette réalité

“Alors qu’au temps des lettres, le temps était un allié puisqu’on ne savait pas quand et si le retour aurait lieu puisque le message pouvait se perdre en cours de route”, raconte ainsi l’experte, aujourd’hui on sait exactement quand notre message est ouvert. “Comment ne pas rentrer dans un questionnement face à cette réalité ?”, questionne-t-elle.

Et notre imagination débordante - et le pessimisme qui peut l’accompagner - nous fait toujours entrer dans des scénarios négatifs et analyser les non-réponses comme des affronts. “On ne peut jamais précisément savoir pourquoi telle personne ne donne pas de réponse à un message qu’on lui aura délivré. Et d’ailleurs, très souvent, quelques heures ou jours après, nous savons pourquoi nous n’avons pas eu de retour au moment où nous l’attendions”, conclue Aurore Le Moing.

De quoi apprendre à relativiser au prochain message sans réponse.

*Aurore Le Moing, psychopraticienne et conseillère en relations conjugales en région parisienne