Dans les années 1990, Bill Clinton est élu président des États-Unis à deux reprises. Durant son temps à la Maison-Blanche, le Président entretient des relations sexuelles avec l'une de ses stagiaires, Monica Lewinsky, 22 ans à l'époque. Marié à Hillary Clinton, il a une relation secrète avec la jeune femme entre novembre 1995 et mars 1997.

Pour la troisième saison de American Crime Story, série revenant sur des scandales ayant marqué l'histoire des des États-Unis, Ryan Murphy (Glee, American Horror Story) a cette fois décidé de se pencher sur l'affaire Monica Lewinsky. La saison, intitulée Impeachment : American Crime Story, déroulera cette histoire sur 10 épisodes, et est diffusée sur Canal+ à partir du 28 octobre.

Elle est co-produite par Monica Lewinsky, qui pourra donc donner sa version des faits. Elle est incarnée par Beanie Feldstein (Lady Bird, Booksmart), et Bill Clinton, par Clive Owen (Les fils de l'homme, Closer).

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Une liaison secrète

Monica Lewinsky, étudiante en psychologie, obtient un stage à la Maison-Blanche grâce à un ami de la famille. Elle commence une relation avec le président des États-Unis. Les conseillers de Bill Clinton ne voient pas d'un bon oeil cette liaison, et Monica Lewinsky est finalement transférée au Pentagone.

En 1997, elle est appelée à témoigner devant la Cour Suprême, alors que Paula Jones accuse Bill Clinton de harcèlement sexuel lorsqu'il était gouverneur de l'Arkansas. Elle commet un parjure, une fausse déclaration sous serment, en niant avoir eu des relations sexuelles avec le Président Clinton.

Un mensonge pour protéger son ancien amant, qui va ressurgir quelques mois plus tard. Alors qu'elle travaille au Pentagone, elle se confie à une de ses collègues, Linda Tripp, sur son histoire avec le démocrate. Mais Linda Tripp s'est empressée de collecter des preuves, d'enregistrer son amie, et d'aller tout raconter au procureur indépendant Kenneth Starr. Les deux, opposés au Président, y voient une opportunité pour le faire destituer, en plein dans son deuxième mandat.

Les rumeurs d'une relation sexuelle entre une stagiaire et le président des États-Unis commencent à envahir le paysage médiatique.

1998, l'année de bascule

Le 16 janvier 1998, des agents du FBI abordent Monica Lewinsky dans un centre commercial près du Pentagone. Elle était censée y retrouver son amie Linda Tripp. Elle sera finalement emmenée dans une chambre du Ritz-Carlton de Washington, raconte-t-elle à VanityFair US en 2018.

C'est le point de départ d'une machine juridique et médiatique interminable, et aussi, le point de départ de la série sur Canal+. Le mensonge continue encore quelques mois. Lors d'une conférence de presse en direct de la Maison-Blanche le 26 janvier 1998, Bill Clinton nie à nouveau avoir eu des relations sexuelles avec une jeune stagiaire.

De son côté, les avocats de Monica Lewinsky trouvent finalement un accord en juillet de la même année. Si elle avoue publiquement ces moments intimes, elle ne sera pas poursuivie pour parjure devant la Cour Suprême.

En plus de sa confession, l'ancienne stagiaire remet au FBI une robe bleue sur laquelle se trouve une tâche de sperme de Bill Clinton. La preuve que le président des États-Unis a menti. En août 1998, il témoigne devant un grand jury, affirmant qu'il est faux, selon lui, de parler de rapport sexuel puisqu'il n'y a pas eu pénétration.

Néanmoins, à la sortie de cette audience de 5 heures, Bill Clinton s'exprimera devant les Américains, reconnaissant avoir eu une relation "inappropriée" avec son ancienne stagiaire et présentant ses excuses à son épouse, Première dame, Hillary Clinton

Une procédure de destitution

Il n'en reste pas moins que le Président a menti, a eu des relations sexuelles avec une femme plus jeune, et a commis un adultère. L'image puritaine d'un père et mari dévoué est ternie, outil politique primordial aux États-Unis, s'effondre.

Le scandale éclabousse Bill Clinton, jusqu'au lancement d'une procédure de destitution, engagée le 8 octobre 1998 par le fameux procureur indépendant Kenneth Starr. Il est accusé de 11 chefs d'inculpations, dont ceux pour parjure, subornation de témoin et obstruction à la justice.

Un document de 160 pages est remis au Congrès. Monica Lewinsky est confrontée à un procès interminable, des blagues de bas étage dans les "late show" américains et une attention médiatique oppressante, au discours sexiste.

Le procédure s'étend sur plusieurs mois, et ce n'est qu'en février 1999 que les sénateurs acquittent finalement le Président.

Bill Clinton est le troisième président américain à être visé par une procédure de destitution. Avant lui, en 1868, le président Andrew Johnson a finalement été acquitté, tout comme Donald Trump, à deux reprises après lui, en 2019 et 2021.

Hillary Clinton, soutien infaillible de Bill Clinton

Dommage collatéral de cette histoire, l'épouse de Bill Clinton, Hillary Clinton, a pourtant été un soutien constant et infaillible durant toute l'affaire. Devant les caméras, la Première dame joue son rôle d'épouse solidaire et fidèle.

Une position qui lui a valu de nombreuses critiques. Dans un documentaire intitulé Hillary, sorti en mars 2020, l'ancienne Première dame est revenue rapidement sur cet épisode. "Certaines personnes pensaient que j'avais pris la bonne décision et d'autres pensaient que non".

Ce qui l'a vraiment bouleversée, ce n'est pas la liaison elle-même, mais sa découverte et la surenchère médiatique qui a suivi

En privé, les choses semblent légèrement différentes. Selon Kate Brower, auteure de The Residence: Inside the Private World of the White House, Bill Clinton aurait dormi plusieurs fois sur un canapé au deuxième étage de la Maison-Blanche, au moment où l'affaire Lewinsky a atteint son paroxysme.

"Certains membres du personnel ont déclaré qu'Hillary était au courant de l'affaire Lewinsky bien avant qu'elle ne soit révélée, et que ce qui l'a vraiment bouleversée, ce n'est pas la liaison elle-même, mais sa découverte et la surenchère médiatique qui a suivi", écrit également l'autrice.

Victime d'un abus de pouvoir

Monica Lewinsky accuse de son côté Bill Clinton d'avoir usé de sa position de Président pour arriver à ses fins. "Il n’y a pas eu d’agression sexuelle entre Bill Clinton et moi, mais c’était un abus de pouvoir très clair", confiait-elle en 2018 à Vanity Fair US, portée par le mouvement #MeToo et l'affaire Weinstein. Une conclusion approuvée par Tarana Burke, créatrice du mouvement #Metoo, mais réfutée par Hillary Clinton auprès de CBS News.

Vingt ans après l'affaire, cette prise de parole en masse de victimes de violences sexuelles et sexistes a permis à Monica Lewinsky de mettre des mots sur ce qu'elle a vécu, et comprendre le syndrome de stress post-traumatisme qu'elle subit depuis. "Pendant deux décennies, j'ai travaillé sur moi-même, mon traumatisme et ma guérison. Et, naturellement, j'ai été confrontée aux interprétations du reste du monde et aux réinterprétations de Bill Clinton sur ce qui s'est passé."

"Je dois beaucoup aux héroïnes du mouvement #MeToo et Time’s Up. Elles en disent beaucoup sur les conspirations de silence qui ont protégé les hommes de pouvoir contre les accusations d’agression sexuelle, de harcèlement sexuel ou d’abus de pouvoir", explique Monica Lewinsky.

En plus de l'étalement de sa vie privée dan les médias, la jeune femme, la vingtaine à l'époque, est accusée de profiter de ce scandale, de tirer profit de l'exposition crue et détaillée de son intimité. Certains médias ne se privent pas. Par exemple, la chaîne FoxNews lance ce sondage : "Lewinsky est-elle une traînée ou une Américaine ordinaire ?". La première option est choisie à 54 %.

Il n’y a pas eu d’agression sexuelle entre Bill Clinton et moi, mais c’était un abus de pouvoir très clair.

L'engagement de Monica Lewinsky contre le cyberharcèlement

À la suite de ce scandale, Monica Lewinsky tente de se faire discrète et de s'en détacher. Elle poursuit ses études et obtient un diplôme en psychologie sociale à la London School of Economics.

Absente des médias pendant plusieurs années, elle décide de revenir sur cette affaire pour la première fois en 2014. À VanityFair US, elle donne sa version des faits. Si elle ne regrette pas sa relation avec Bill Clinton, elle confie avoir été profondément marquée par l'acharnement des médias et des internautes à son encontre.

J'ai été utilisée comme bouc émissaire afin de protéger sa position de force

"Bien sûr, mon patron a profité de moi, mais je resterai toujours ferme sur ce point : c'était une relation consentie. Tout 'abus' est survenu après coup, lorsque j'ai été utilisée comme bouc émissaire afin de protéger sa position de force... L'administration Clinton, les larbins du procureur général, les responsables politiques des deux côtés de la Chambre et les médias ont réussi à m'étiqueter. Et cette étiquette est restée, en partie parce qu'elle était imprégnée de pouvoir."

Monica Lewinsky estime être la première personne à avoir vécu une "humiliation mondiale propagée par Internet", autrement dit, la première personne victime de cyberharcèlement de masse. Elle confie avoir eu des pensées suicidaires, mais n'avoir fait aucune tentative.

Un épisode de sa vie ravivé par le suicide d'un étudiant en 2012, Tyler Clementi, après qu'une vidéo de lui et un autre garçon en train de s'embrasser ait été diffusée sur internet. Depuis, Monica Lewinsky a un objectif. Celui "de s'impliquer dans les initiatives pour aider les victimes d'humiliation et de harcèlement en ligne et de commencer à parler de ce sujet dans des forums publics".