Une éducation dite "stricte" pourrait modifier l'ADN des enfants et ainsi les prédisposer à la dépression, arguent des chercheurs belges et allemands. 

Présentant les conclusions de travaux portant sur le sujet au congrès du Collège européen de neuropsychopharmacologie tenu à Vienne (Autriche) du 15 au 18 octobre 2022, le Dr Evelien Van Assche, dont les propos ont été relayés par EurekAlert, a déclaré : 

"Nous avons découvert que la parentalité perçue comme dure, avec des punitions physiques et des manipulations psychologiques, peut introduire un ensemble supplémentaire d'instructions sur la façon dont un gène est lu dans l'ADN. Nous avons certaines indications qui montrent que ces changements peuvent prédisposer l'enfant en pleine croissance à la dépression. Cela ne se produit pas dans la même mesure si les enfants ont reçu une éducation de soutien". 

Une variation accrue de la méthylation chez les enfants éduqués "strictement"

Pour avancer ces conclusions, les scientifiques de l'université de Louvain (Belgique) ont étudié un échantillon de 21 enfants, qui avaient "déclaré avoir reçu une éducation saine, les parents étant encourageants et donnant une autonomie aux enfants", précise The Independent et un autre de 23 enfants ayant des "parents durs", "décrivant un comportement manipulateur, des châtiments corporels, et une sévérité excessive". Tous avaient entre 12 et 16 ans. 

Les scientifiques belges ont ensuite mesuré "les taux de méthylation à plus de 450 000 endroits dans l'ADN de chaque sujet".

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"La méthylation est un processus normal qui se produit lorsqu'une petite molécule chimique est ajoutée à l'ADN, modifiant la façon dont les instructions écrites dans votre ADN sont lues : par exemple, la méthylation peut augmenter ou diminuer la quantité d'une enzyme produite par un gène. Une variation accrue de la méthylation est connue pour être associée à la dépression", explicite EurekAlert.

D'après les résultats énoncés, le taux de méthylation était plus élevé chez les adolescents ayant déclaré avoir eu une éducation stricte.

"L'ADN reste le même, mais ces groupes chimiques supplémentaires affectent la façon dont les instructions de l'ADN sont lues. Ceux qui ont signalé une parentalité plus dure ont montré une tendance à la dépression, et nous pensons que cette tendance a été ancrée dans leur ADN par une variation accrue de la méthylation", rapporte Dr Evelien Van Assche. 

Un stress intense dans l'enfance prédisposerait à la dépression

Mais les chercheur.euses nuancent. 

"Dans cette étude, nous avons étudié le rôle d'une parentalité sévère, mais il est probable que tout stress important entraînera de tels changements dans la méthylation de l'ADN ; ainsi, en général, les stress de l'enfance peuvent entraîner une tendance générale à la dépression plus tard dans la vie en modifiant la façon dont l'ADN est lu", a ajouté la co-auteure de l'étude, devant le congrès autrichien. 

Ainsi, des recherches, sur un échantillon plus large, sont nécessaires pour préciser les causes de cette altération de lecture de l'ADN. Pour autant, les scientifiques de l'université de Louvain arguent que cette avancée est à prendre en compte, notamment en matière de prévention. 

"Nous pouvons lier cette découverte à un diagnostic ultérieur de dépression et peut-être utiliser cette variation accrue de la méthylation comme marqueur, pour avertir à l'avance de qui pourrait être plus à risque de développer une dépression en raison de leur éducation", a ajouté Dr Evelien Van Assche. 

Selon Pr Christiaan Vinkers, psychiatre extérieur à l'étude et interrogé par EurekAlert, "il s'agit d'un travail extrêmement important pour comprendre les mécanismes par lesquels les expériences négatives pendant l'enfance ont des conséquences tout au long de la vie, tant sur la santé mentale que sur la santé physique".