C’est une décision historique. Le 22 février dernier, le tribunal de Fangshan à Pékin, a condamné un homme à verser à son ex-épouse une compensation pour ne pas l’avoir aidée dans les tâches familiales. 

Une première en Chine, qui a été permise grâce à l’instauration en janvier dernier d’un nouveau Code Civil, qui reconnaît la valeur du travail domestique qui pèse traditionnellement sur les épaules des femmes. 

Dédommagée pour avoir assumée seule les tâches domestiques

En tout, monsieur Chen a été condamné à verser tout d’abord une pension mensuelle pour l’enfant (250 euros) et à rétribuer son ex-femme à hauteur de 50 000 yuans, soit un peu plus de 6400 euros, pour les tâches domestiques dont elle s’est occupées durant leur union. Une somme plus symbolique qu’autre chose, comme ont pu le souligner des personnes interrogées après la publication du jugement, car dans les faits, une aide ménagère gagne cette somme en seulement quelques mois. 

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Or, le mariage de monsieur Chen et madame Wang a duré plus de 5 ans. Tout avait d’ailleurs débuté par un coup de foudre en 2010, et un emménagement dans la foulée. Pendant cinq ans, ils filent le parfait amour et convolent en justes noces en 2015. Cette même année, madame Wang (mariée Chen, donc) donnera naissance à leur enfant et cette nouvelle étape dans leur vie à deux va signer le début de la fin de leur idylle. 

D’une part, “l’éducation de l’enfant n’intéressait pas vraiment monsieur”, selon The Guardian qui cite la femme, et d’autre part, celui-ci ne participait à aucune tâche domestique. Une charge mentale, éducative et domestique énorme pour madame Wang qui a même dû quitter son emploi pour devenir femme au foyer. La situation entre les époux s’étiole et finit par dégénérer. Monsieur Chen demande alors le divorce, ce que sa femme accepte, sous réserve d’une compensation financière, qu'elle estime alors à “160 000 yuans (20 400 €)” selon les médias locaux, cités par Ouest France

Un travail invisible a "valeur de propriété immatérielle"

Si le tribunal n’a pas accordé la totalité de la somme demandée par l'ex Madame Chen, cette décision, historique, fait désormais jurisprudence. Selon le nouveau Code Civil instauré en début d’année, un conjoint a dorénavant le “droit de demander une indemnisation en cas de divorce s’il assume davantage de responsabilités dans l’éducation des enfants ou dans les soins aux parents âgés”. 

Dans ce cas précis, le juge a précisé que “Les travaux ménagers constituent une valeur de propriété immatérielle. Ils peuvent par exemple contribuer à améliorer le cadre de vie ou le développement personnel de l’autre conjoint, sans que cela ne se reflète dans les biens matériels”, comme l’a rapporté la BBC

Les travaux ménagers constituent une valeur de propriété immatérielle. Ils peuvent par exemple contribuer à améliorer le cadre de vie ou le développement personnel de l’autre conjoint.

Des cas similaires ont par ailleurs déjà été observés dans le monde, comme par exemple en Argentine, en 2019, où une femme avait reçu près de 160 000 euros pour compenser son implication dans les tâches domestiques. “La dépendance économique des femmes vis-à-vis de leurs maris est l'un des mécanismes centraux à travers lesquels on les subordonne dans la société”, avait alors déclaré la juge argentine Victoria Fama, comme le rapportait à l’époque LCI

Quelle considération pour le travail domestique en France ?

En France aussi, le travail invisible des femmes, notamment au foyer, reste un sujet compliqué. En 2017, le cabinet d'analyse américain Salary estimait que les femmes (ou hommes) au foyer devraient toucher un salaire d’environ 7000 euros net par mois, car elles (et ils) cumulent près de 10 métiers en même temps. Depuis les années 70, des personnes dont la sociologue Christine Delphy, militent pour que ce travail domestique soit reconnu et rémunéré. Et pourtant, ce n’est toujours pas le cas. 

Pour autant, en cas de divorce, il existe des prestations compensatoires pour aider ces personnes à maintenir un certain niveau de vie, “bien qu’en droit français l’emphase n’est jamais mise sur les tâches ménagères en particulier”, rappelait en 2019 l’avocat Me François-Xavier Emmanuelli, spécialiste en droit de la famille, interrogé par LCI. 

Toutefois, selon l'article 271 du Code civil qui détaille les critères permettant au juge de fixer le montant de cette compensation, celui-ci devra estimer “les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne”. 

Exactement comme pour madame Wang donc.