Adèle Haenel est l'une des actrices françaises les plus influentes au monde ces dernières années. Féministe, lesbienne et militante anti-racisme, elle promeut une approche engagée de son métier de comédienne, réclamant au cinéma d'arrêter la complaisance envers les réalisateurs, acteurs ou producteurs accusés de violences sexuelles.

Une enfance à Paris

Née le 11 février 1989 à Paris, Adèle Haenelgrandit dans une famille d'intellectuels à Montreuil (Seine-Saint-Denis). C'est entourée de sa mère, professeure, et son père, traducteur autrichien, qu'elle développe sa passion pour le théâtre. Dès l'âge de 5 ans, elle monte sur les planches.

Plus tard, elle étudie le théâtre en parallèle de ses études en classe préparatoire au lycée Montaigne, à Paris. Puis, elle démarre des études de sociologie et économie à l'université, mais c'est le cinéma qui l'attire avant tout. 

Carrière précoce 

Repérée à l'âge de 11 ans par Christophe Ruggia, alors qu'elle accompagnait son frère à un casting sauvage, Adèle Haenel est révélée par le film Les Diables en 2002. 

Puis, Adèle Haenel passe cinq années sans tourner. En 2019, elle accuse le réalisateur Christophe Ruggia de violences sexuelles entre 2001 et 2004, et explique qu'elles l'ont poussée à prendre ses distances avec le cinéma.

On la retrouve en 2007 dans Naissance des pieuvres, le premier film de Céline Sciamma. Elle y incarne Floriane, capitaine d’une équipe de natation synchronisée, qui vit ses premiers émois amoureux auprès d'autres jeunes filles. Un rôle qui lui vaut d'être nommée aux César, dans la catégorie Meilleur espoir féminin. 

En 2012, Adèle Haenel est nommée une deuxième fois pour son rôle dans L’Apollonide : souvenir de la maison close (2011) de Bertrand Bonello. Elle reçoit également le prix Lumière de la presse étrangère de la Révélation féminine de l’année.

Vidéo du jour

Deux César

Ce sont des films indépendants, et le cinéma d'auteur, dont elle devient l'une des nouvelles figures en France, qui permettront la consécration d'Adèle Haenel.

Aux César, elle est sacrée Meilleur actrice dans un second rôle pour le film Suzanne de Katell Quillévéré, puis Meilleure actrice, pour son interprétation de Madeleine Beaulieu dans Les combattants (2014), premier long-métrage de Thomas Cailley. D’elle, il dit : "C’est un mélange de femme fatale et d’ado brutasse".

En 2016, Adèle Haenel joue une jeune médecin dans La Fille inconnue, des Frères Dardenne. L'année suivante, elle occupe un petit rôle dans l'émouvant long-métrage 120 Battements par minute, racontant les débuts de l'association de lutte contre le VIH Act-Up, à Paris, dans les années 90. Le film remporte le Grand Prix du Festival de Cannes, et la Queer Palm. 

En 2018, on la retrouve dans la peau d'une révolutionnaire, pour le film historique Un peuple et son roi, consacré à la Révolution de 1789. 

Acclamée dans le monde entier pour "Portrait de la jeune fille en feu"

En 2019, Adèle Haenel crève l'écran dans Portrait de la jeune fille en feu, nouveau film de Céline Sciamma. L'histoire d'un amour impossible entre une jeune peintre indépendante (Noémie Merlant) et une jeune aristocrate vouée à un mariage arrangé (Adèle Haenel), au XVIIIe siècle. Acclamé dans le monde entier, le film révolutionne la manière de mettre en scène les femmes à l'écran, à travers un female gaze revendiqué, et s'attire plusieurs récompenses. Mais aux César, il est boudé.

Début 2020, Adèle Haenel est signée auprès de la Creative Artists Agency, la plus importante agence d'artistes à Hollywood. En juin, elle rejoint l'Académie des Oscars, en tant que votante.

Plainte contre Christophe Ruggia

Dans une longue enquête publiée par Mediapart début novembre 2019, Adèle Haenel accuse le réalisateur Christophe Ruggia d’"attouchements" et de "harcèlement sexuel". Le 26 novembre, elle porte plainte contre lui, pour "attouchements sexuels" et "harcèlement". Le cinéaste est finalement mis en examen pour "agression sexuelle".

Durant la préparation du film, son tournage, puis sa promotion, Adèle Haenel affirme avoir été victime d'"harcèlement sexuel permanent" de la part du réalisateur, alors âgé de 37 ans, et avoir subi "des baisers forcés dans le cou", des "attouchements" sur le "torse" et les "cuisses". À l'époque, l'actrice avait entre 12 et 15 ans. 

Je me sentais vraiment mal, si sale que j'avais envie de mourir.

"À chaque fois je savais que ça allait arriver. Je n'avais pas envie d'y aller, je me sentais vraiment mal, si sale que j'avais envie de mourir. Mais il fallait que j'y aille, je me sentais redevable", a-t-elle expliqué. 

L'actrice a souhaité s'exprimer, car, selon elle, "le silence joue toujours en faveur des coupables". Une décision engagée, dans la foulée de #MeToo, et poussée par la diffusion en mars 2019 du documentaire sur les accusations de pédocriminalité envers Michael Jackson, Leaving Neverland. Et aussi, lorsqu'elle a appris que Christophe Ruggia s'apprêtait à tourner un nouveau film avec des adolescents.

Féminisme et lutte anti-raciste

"Moi, je me revendique féministe," dit Adèle Haenel à Marie Claire en 2017, lors d'une interview croisée avec Adèle Exarchopoulos pour la sortie de Orphelines. Plus loin, elle explique pourquoi elle existe qu'exister demande une sacrée dose de combat" : "On est écrasé par les injonctions. Il faudrait être comme ci ou comme ça. En fonction d’où tu es né, de ta couleur de peau, de ton orientation sexuelle, de ton sexe…, j’assimile ça à de la fausse vie, de la vie plate, sans intérêt. Moi c’est là où j’envoie chier tout le monde, et où l’acte d’exister devient une résistance. Donc on peut appeler ça un petit combat."

Je me revendique féministe.

Adèle Haenel explique : "Le regard masculin a été pendant très longtemps associé à un regard neutre, parce que l'immense majorité des films sont produits par des hommes qui regardent des femmes. Il faut dire que ce regard a une origine et un rapport avec la domination masculine."

En février 2018, Adèle Haenel co-fonde, avec 300 autres personnalités, le collectif 50/50, qui se bat pour une meilleure égalité femmes-hommes, et plus de diversité, dans le cinéma et l'audiovisuel. 

En plus d'être engagée contre les violences sexuelles, Adèle Haenel soutient également la cause anti-raciste, et notamment, contre les violences policières. Elle est ainsi l'un des soutiens du collectif Vérité pour Adama Traoré. En mars 2021, alors qu'elle se fait discrète au cinéma, on peut l'apercevoir dans le documentaire Regard Noir d’Aïssa Maïga.

Attendu, son retour sur le grand écran après trois ans de repli, devrait se faire dans L'Empire, prochain long-métrage de Bruno Dumont avec Virginie Efira, Lily Rose-Depp et Fabrice Luchini. "Sous les dehors de la vie commune d'habitants d'un village de pêcheurs de la côte d’Opale, surgit la vie parallèle et épique de chevaliers d'empires interplanétaires. En proie aux luttes sanguinaires de ces clans à l'annonce de la naissance du Margat, Prince résurgent, mauve et immonde, Bête de la Fin des Temps, sis ici sur la Côte et marmot d'un jeune couple séparé, à l'ordinaire de leur condition dans un quartier résidentiel", décrit le synopsis on ne peut plus cryptique.

Départ lors des César 2020 face à la victoire de Polanski

Le 28 février 2020, Adèle Haenel se lève dans la salle du théâtre du Châtelet, lors des César 2020, pour protester contre la victoire de Roman Polanski, accusé de viol par douze femmes, dans la catégorie Meilleur réalisateur, pour son film J'accuse. À l'énoncé du gagnant, Adèle Haenel se lève, et hurle "La honte ! La honte !".

La honte ! La honte !

Une scène largement commentée, devenu un moment de protestation féministe et politique emblématique. La réaction d'Adèle Haenel incarne le ras-le-bol d'une nouvelle génération d'artistes militantes face à la complaisance du 7e art envers les artistes masculins accusés de violences sexuelles.

Avant la cérémonie, la comédienne s'était offusquée du grand nombre de nominations de Polanski, qui avait renoncé à présider la cérémonie et à y assister, face aux critiques. 

La vie privée d'Adèle Haenel

Si son talent d’actrice est reconnu par l’industrie du cinéma français, sa personnalité conquiert le cœur du public. Qui est Adèle Haenel ? Cette personne touchante qui peut faire rire toute une salle avec juste un mot "Voilà", lors de son discours de remerciement aux César en 2015 : "Ça fait vraiment un drôle d'effet". C’est le super-pouvoir de cette actrice dont le naturel et la simplicité détonnent dans cet univers glamour et convenu.

En 2013, toujours sur la scène des Césars, elle lâche : "Je voulais remercier Céline… Parce que je l’aime." Une déclaration d’amour à sa compagne, Céline Sciamma et un coming out sans prise de tête, qui passe relativement inaperçu. 

Si les deux femmes ne sont plus en couple, elles continuent de collaborer ensemble.