"Après avoir menti à sa famille sur sa situation amoureuse, une infirmière célibataire tente désespérément de trouver l’amour avant Noël. Problème : il ne lui reste que 24 jours avant de le trouver.” Tel est l’intrigue un brin réchauffée du dernier navet programme Netflix que le géant du streaming me propose de binge-watcher au détour d’une newsletter nominative ultra-ciblée. "Hey Alexandra, on a pensé que ce programme pourrait vous plaire !”, assurait l’objet de l’email.

Le titre du show en question ? “Je déteste Noël.” Touché !

Car outre des similitudes purement fortuites avec le personnage principal (notamment au regard de son addiction au panettone et une certaine inclinaison à recevoir beaucoup de cadeaux), il se trouve que j’éprouve effectivement une certaine bouffée d’angoisse doublée de stress et de palpitations cardiaques à l’approche de ce que l’on appelle communément les fêtes de fin d’année.

C’est ce qu’on appelle en langage psy la natalophobie soit la crainte de Noël et de tout son folklore, dont les manifestations psychiques et/ou physiques peuvent générer des épisodes dépressifs et/ou anxieux.

Consumérisme exacerbé, bons sentiments performés, traditions à la légitimité bancale ou encore dîners marathon ponctués de débats stériles : ce rituel d’ascendance religieuse (que personne ne semble vouloir d’ailleurs questionner) a toujours eu le don de m’irriter tant par ses injonctions hypocrites que par son manque flagrant d’authenticité.

“Mais pourquoi s’inflige-t-on une telle corvée ?”, se demandait l’an dernier une amie qui revenait de son marathon de Noël au bord de la cirrhose et du pétage de plomb. Le Grinch en chef que je suis n’a pas su quoi lui répondre.

Vidéo du jour

Et pour cause, dans un monde dont on annonce chaque jour la fin programmée, fêter l’anniversaire de la naissance du petit Jésus ou l’arrivée d’un barbu en combi rouge et léger surpoids par le conduit de cheminée constituent difficilement - à mon humble avis - des motifs valables pouvant justifier une euphorie collective de 48 heures doublée accessoirement d’une occlusion intestinale et d’un découvert bancaire non-autorisé.

Noël ou une todo list qui ne cesse de se rallonger

Et je ne suis pas la seule natalophobe à appréhender ce simulacre de convivialité préfabriquée. Selon un sondage Opinionway/Groupama de 2016, 30% des français décrivent Noël comme une “obligation” qu’ils redoutent, un chiffre qui monte à 45% chez les 35-49 ans.

Six ans et une pandémie plus tard, rien n'a changé (ou presque), puisque 1 Français sur 3 se dit angoissé par les fêtes de fin d’année (étude Ifop/Qare, 2022). Un sentiment partagé par plus de 50% des parents de jeunes enfants, ces derniers pointant toute une série de trouble-fête tels que les dépenses financières, la charge mentale et la fatigue XXL, la prise de poids éventuelle ou encore la pression sociale engendrée par de telles réunions familiales et/ou amicales.

Tu sens bien que tu dois avoir le sapin parfait, la table parfaite, les cadeaux parfaits… et que rien ne doit être laissé au hasard.

“Avec les réseaux sociaux, je trouve que tu as encore plus de pression aujourd’hui", me fait remarquer Julie, attachée de presse et mère de deux enfants de 5 et 3 ans. "Tu sens bien que tu dois avoir le sapin parfait, la table parfaite, les cadeaux parfaits… et que rien ne doit être laissé au hasard. Du coup, quand je regarde mon sapin, ma table, mes cadeaux, je trouve que rien est aussi bien que ce que je vois sur Instagram et que, d’une certaine manière, j’ai raté mon Noël”, confie la trentenaire au sujet de ces standards irréalistes et qui, comme 58% des mères de famille de 35-54 ans (Etude Qare, 2022) , dénonce une to-do list à rallonge répartie sur 3 semaines d’intenses préparatifs, de l’achat du calendrier de l’avent Kinder à la course aux cadeaux en passant par la cuisson al dente du chapon.

"Noël, c’est le triomphe de la bourgeoisie !", clamait l’anthropologue Martyne Perrot dont les recherches détaillent comment cette fête religieuse s’est muée - sous l’ère industrielle et l’apogée des grands magasins - en rituel familial axé sur le shopping et l’échange de présents.