Si la mémoire passionne depuis l’Antiquité, son fonctionnement est encore bien méconnu du grand public. Certains spécialistes tentent d’apporter un peu de clarté sur ce vaste sujet à l’instar d’Alain Lieury, professeur de psychologie cognitive à l’Université Rennes 2, auteur d’ « Une mémoire d’éléphant, vrais trucs et fausses astuces »*. Voici le vrai du faux de 5 idées reçues à propos de la mémoire.
Savoir faire du vélo, ça ne s’oublie pas
Vrai : C’est un lieu commun : quand on sait faire du vélo, c’est pour la vie. Et ce même pour les personnes souffrant de troubles de la mémoire. En effet, des études menées sur des patients souffrant d’amnésie rétrograde après un accident ont montrées que ces-dits patients se souvenaient parfaitement de la technique pour faire du vélo.
D’après les spécialistes, c’est la mémoire de tous les apprentissages "sensorimoteurs" qui est tenace, puisqu’elle ne s’appuie pas sur le même système cérébral que celui qui s’occupe des images et des sons. Pour Alain Lieury, « cette mémoire est très solide, car elle nécessite des milliers de répétitions pour se construire, ce qui va graver les gestes. Mais le manque d’entraînement peut être responsable à long terme d’une baisse des performances comme pour le piano par exemple. »
Manger du poisson favorise la mémoire
Faux : Qui n’a jamais entendu dire qu’il fallait manger du poisson pour avoir une bonne mémoire ? Cette idée reçue provient du fait que le poisson est riche en phosphore.Cependant, les bienfaits de cet oligo-élément n’ont jamais été prouvés.
Toutefois, il existe bel et bien des aliments qui « favorisent » la mémoire. Les protéines sont par exemple conseillées, ainsi que les lipides qui sont nécessaires à l’étanchéité des neurones.
De même, les chercheurs expliquent que les périodes d’examens ou de rendu de projet sont semblables à des compétitions sportives, qu’il faut préparer avec des sucres lents et des petits-déjeuners copieux. Enfin, très riche en potassium et en magnésium, la consommation (modérée) de chocolat est elle-aussi recommandée pour son rôle de stimulant cérébral et musculaire. Le chocolat agit sur le cerveau via des substances psychostimulantes.
Les jeux de stimulation cérébrale activent les mécanismes de la mémoire
Vrai et Faux : Depuis quelques années, on voit fleurir des nouvelles techniques innovantes sensées permettre aux utilisateurs de développer prodigieusement leur mémoire.
Pour autant les spécialistes s’insurgent ! S’il est vrai qu’à force de répétition, les exercices appris par le cerveau deviennent des automatismes, la méthode utilisée n’augmente en rien la capacité de mémorisation du cerveau, ni son âge. Jocelyne de Rotrou, neuropsychologue et spécialiste de la stimulation cognitive, à l’hôpital Broca (Paris) explique par exemple que la promesse de rajeunissement du cerveau faite dans la publicité du jeu du Dr Kawashima (2006) « est une ineptie totale ».
Pour autant, la stimulation cérébrale est fortement conseillée par les spécialistes de la psychologie cognitive, que ce soit par des jeux vidéo spécialisés ou par de simples mots croisés
Apprendre par cœur est la clé pour retenir le maximum
Faux : Si depuis votre plus tendre enfance, les instituteurs vantent les mérites de l’apprentissage par cœur, les chercheurs ont révélé que cette méthode était limitée.
En effet, le cerveau retient par mimétisme sans réellement comprendre l’information.
Pourtant, les récitations apprises à l’école primaire restent longtemps en mémoire. L’explication tient plus de la sonorité des vers que de la méthode d’apprentissage.
Même principe pour les phrases mnémotechniques, qui par leur sonorité, se retiennent plus facilement.
Quelques phrases mnémotechniques :
- "Mais où est donc Ornicar" pour se souvenir de toutes les conjonctions de coordination (mais, où, et, donc, or, ni, car).
- La phrase "Adam part pour Anvers avec deux cents sous sûrs", répertorie toutes les prépositions (à, dans, par, pour, en, vers, avec, de, sans, sous, sur).
- "La phrase "sur la racine de la bruyère, la corneille boit l’eau de la fontaine Molière" permet de lister les auteurs du XVIIe siècle (Racine, La Bruyère, Corneille, Boileau, La Fontaine, Molière.
- Pour se souvenir des atomes des premières rangées du tableau de Mendeleïev, il existe deux phrases mnémotechniques : « Lili bêcha bien chez l’affreux oncle Fernand Nestor » (lithium, béryllium, bore, carbone, azote, oxygène, fluor, néon) et « Napoléon mangea allègrement six poissons sans claquer d’argent » (sodium (Na), magnésium, aluminium, silicium, phosphore, soufre, argon).
- Enfin, il existe aussi une phrase mnémotechnique pour se souvenir dans l’ordre des planètes du système solaire : « Me voici tout mouillé, je suis un nageur pressé » (Mercure, Vénus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Pluton)
La mémoire est synonyme d’intelligence
Faux : Si pour beaucoup de personnes avoir une bonne mémoire relève de l’intelligence, les spécialistes distinguent quant à eux très nettement ces deux entités.
Par définition, l’intelligence est l'ensemble des facultés mentales permettant de comprendre les choses et les faits, de découvrir les relations entre eux et d'aboutir à la connaissance conceptuelle et rationnelle, alors que la mémoire est une activité biologique et psychique qui permet au cerveau d'enregistrer et de restituer des informations. Mémoriser une information est un véritable travail qui requiert l'activité consciente de la personne.
Toutefois, cette distinction peut être nuancée du fait que la mémoire permet d’organiser, de catégoriser, de hiérarchiser et de conceptualiser des informations reçues par un individu.
* Une mémoire d’éléphant, vrais trucs et fausses astuces, d’Alain Lieury. Editions Dunod, 17,50 €