C’est une question quasi philosophique, à laquelle il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse : ça veut dire quoi donner du sens à vie ? Pour en savoir un peu plus nous avons demandé à sept femmes, de tous âges et de tous horizons, quels étaient leurs buts et leurs aspirations.

Vivre en alignement avec ses rêves

La première qui a répondu à notre appel est Anlor, 33 ans. Six ans plus tôt, alors qu’elle préparait l’agreg’ d’anglais, elle comment à se poser des questions sur ses choix. “J’avais peur de m’engager dans une voie qui ne me ressemblait pas”. Amoureuse de la danse depuis sa plus tendre enfance, elle n’avait jamais envisagé en faire sa carrière car sa famille ne jurait que par “les longues études”. “J’ai donc continué mais, première bifurcation, pour devenir administratrice culturelle. Et là, dès que j’ai commencé à bosser, j’ai repris des cours de danse. D’abord une fois par semaine, puis tous les soirs !”

Finalement, la jeune femme décide de démissionner, malgré les reproches de sa mère qui ne cesse de lui rappeler qu’elle rêvait mieux pour elle. “J’ai passé une audition pour intégrer une école de danse où j’étais la plus « vieille » ! C’était dur physiquement, mon corps est moins malléable, mais relever le défi de décrocher mon diplôme d’Etat de prof de danse me passionnait”, raconte-t-elle enthousiaste.

Au final, elle finit major de promo avec énormément de fierté. “Aujourd’hui je vis de la danse, je l’enseigne, et j’ai créé une compagnie* en Ardèche. Oui, ma vie a pris tout son sens. Quand je danse, j’ai le sentiment très concret d’être vivante. Pour moi c’est une pratique très primitive et essentielle. C’est une vocation, je me sens chargée d'une mission”, confie-t-elle tout sourire.

Vidéo du jour

Ne jamais cesser d’apprendre

Nous rencontrons ensuite Venezia, 50 ans, blogueuse **, passionnée depuis toujours des plantes et de leurs pouvoirs. “Apprentie sorcière à 12 ans, je fabriquais déjà du lait de pissenlit, car j’avais lu que ça pouvait estomper mes taches de rousseur”, se souvient-elle en riant. Depuis, elle s’est un peu amélioré, sans pour autant en faire un métier à part entière. “Baumes cicatrisants, savons parfumés, macérations de thym antibobo ou crème pour les mains aux genévrier et gingembre : je sais décoder et utiliser les innombrables pouvoirs thérapeutiques des plantes, des huiles essentielles et des épices”, explique-t-elle.

Elle, qui était selon ses dires “nulle en chimie” s’est remise à potasser. “Cet apprentissage m’oblige à un va-et-vient entre les livres et la pratique : avant de valider mes formules, je fais travailler mes sens et mon intuition. Certaines plantes et parfums nous « parlent » plus que d’autres… Connaître les différentes familles de plantes, tout près ou loin de chez moi, c’est surtout ma manière de me « rattacher » à l’univers, de prendre conscience que nous sommes tous reliés, hommes et plantes, à ce grand « tout » merveilleux qu’est la nature", théorise ainsi Venezia.

Faire preuve de générosité et d'altruisme

C’est au tour de Perrine, 37 ans, de nous donner sa définition du sens de la vie. Son regard s’illumine instantanément quand elle nous parle de Yves Lorice, 7 ans, son filleul depuis 3 ans, via l’association Parrains par Mille***. Le petit garçon ivoirien vit avec sa mère dans un HLM de son quartier. “Il ne manque clairement pas d’amour maternel, mais de clés pour s’insérer dans la société française. La démarche de sa maman me bluffe : elle a contacté Parrains par Mille pour que son fils ait accès à la culture et aux codes français, qu’il sache se débrouiller alors qu’elle ne peut pas l’aider”, nous raconte Perrine en précisant qu’elle n’est pas là pour combler un quelconque manque d’affection.

“Moi, avec Yves Lorice, je tisse un lien vraiment chouette. On a déjà visité des musées, la forêt de Rambouillet, on a fait de l’accrobranche… Je lui ai appris comment se tenir à table, faire la bise, je l’aide pour ses devoirs quand il le demande, il crâne à l’école parce qu’il a vu toutes les expositions…”, raconte-t-elle avec fierté. Et puis, Perrine ne peut pas s’empêcher de temps en temps de gâter le petit garçon quand elle le voit, une fois par mois. “Le premier jour on s’occupe de lui, mais le lendemain on fait quelque chose pour autrui…”, décrit-elle.

Après toutes ces années, Yves Lorice est connu de tout l’entourage de Perrine. “Pour son anniversaire, chacun lui a écrit un petit mot ; je les ai scannés et j’en ai fait un grand pêle-mêle. Je ne l’ai jamais vu aussi ému que quand il l’a ouvert. Il fait partie de ma vie, et moi de la sienne”, sourit-elle.

S'engager pour une cause

Pour Anna, 45 ans, c’est le fait de s’engager dans une cause qui a donné du sens à vie. “Pour moi, le fondamental dans la vie c’est d’être avec les gens, tricoter de la relation humaine, quelle qu’elle soit. Je ne peux pas concevoir l’existence sans la solidarité”, commence-t-elle. C’est pourquoi cette cadre de France Telecom s’est par exemple syndiquée. “

“Essayer de recréer de l’humain dans cet univers de fous qu’est l’entreprise, tisser du lien, ne plus laisser les gens seuls avec leurs peurs, faire ensemble, être avec… C’est ma façon de lutter contre l’individualisme, avec mes tout petits moyens. Ça me donne envie de me lever le matin et d’aller bosser, dignement”, confie-t-elle en se dit résolument “du côté de la vie”.

Donner de l'amour

Pour Elisabeth, enseignante-chercheuse de 52 ans, le sens de la vie se trouve aussi grâce aux autres. “C’est l’amitié qui donne du sens à ma vie. J’ai une amie d’enfance, une « plus que sœur », avec qui j’ai traversé toutes les galères… et les joies ! C’est curieux, mais j’ai toujours trouvé le moyen de la sortir de ses pièges, de ses impasses”, explique-t-elle avec tendresse.

Cette relation si particulière a un impact considérable sur la vie d’Elisabeth. “Savoir que je peux faire du bien à au moins une personne sur cette terre, ça suffit à justifier mon existence !” s’enthousiasme-t-elle. Avant de conclure, “c’est le genre de trucs qui évite de se sentir comme un con sur son lit de mort à se dire : « Eh merde… Qu’est-ce que j’ai fait au juste ? » Ça donne de l’intensité à ma vie."

Transmettre ses connaissances et ses valeurs

Pour donner du sens à sa vie, Isabelle, 38 ans, a fait une reconversion professionnelle. Cet ex-DRH est aujourd’hui institutrice en ZEP. “C’est ma deuxième rentrée en maternelle. Et malgré les difficultés – pas facile de faire classe à vingt petits bouts en zone d’éducation prioritaire –, je n’ai aucun regret. Mon statut d’instit est moins valorisant, mais j’assume, car ici je me sens beaucoup plus utile à la collectivité qu’en planchant sur des plans sociaux !”, explique-t-elle.

Isabelle est passionnée, de voir grandir tous ces enfants, de les accompagner dans leurs acquisitions, de s’adapter à chacun, de faire avec ce qu’ils sont. “Au-delà des connaissances, je veux leur transmettre le plaisir de venir à l’école, de s’y sentir bien. Quand je vois cette petite fille qui était très renfermée, presque prostrée à la rentrée, sourire enfin, mimer les comptines et même chatouiller les copains, je me sens heureuse d’être là", témoigne-t-elle.

Voyager et ouvrir son esprit

Pour certains, ce sont deux choses presque antinomiques, mais pas pour Doriane, 33 ans, qui arbore les deux casquettes de banquière et globe-trotteuse. “Voyager c’était mon rêve d’enfant. Aujourd’hui c’est un équilibre de vie”, explique-t-elle. Après avoir beaucoup voyagé comme touriste avec son compagnon, elle a l’opportunité de partir pour son travail.

Après avoir voulu tout voir, elle cherche une autre approche, surtout des gens, un partage au-delà des différences et des préjugés. “Au Sénégal, j’ai « palabré » des heures avec un collègue sénégalais plus âgé, un « sage » qui m’a conseillée, guidée… J’ai d’ailleurs un lien très fort avec l’Afrique : ma toute première destination a été le Niger, j’ai pleuré en y posant les pieds. Et j’y ai aujourd’hui presque une seconde famille. Cette façon de voyager me permet de retrouver l’essentiel dans une société d’ultraconsommation, et de ne pas perdre pied”, témoigne la trentenaire.

*www.lesmobilettes.fr

** www.princesseaupetitpois.over-blog.com

***www.parrainsparmille.org

Article publié initialement en décembre 2011 - réédité en 2019 par E. Ringot