Depuis quelques jours, les symptômes s’accumulent : difficultés à respirer, troubles de la vision... Et malgré mon hypocondrie latente, je sais que ça n’a rien à voir avec la pandémie actuelle de Covid-19, ni une quelconque seconde vague. Non. Si je me sens si mal ces temps-ci, c’est que j’ai reçu le fatidique mail de la Direction générale des Finances publiques, qui me demande de remplir ma déclaration d’impôts. 

Cette tâche administrative, comme de très nombreuses autres d’ailleurs, me donne des sueurs froides. Je suis ce qu’on appelle communément une phobique administrative. Comme Thomas Thévenoud en 2014, qui avait été contraint de quitter le gouvernement, pour avoir omis de déclarer ses revenus et cumuler de nombreux retards. Sauf que moi, je n’ai pas commis de fraude fiscale. Promis. 

"Dans la phobie administrative, on peut d'abord distinguer le terme 'phobie'. La phobie, c'est une peur maladive, paralysante", affirme la psychologue clinicienne Maïté Tranzer. Donc la phobie administrative n'est autre qu'une peur démesurée de tout ce qui touche à l’administratif, CQFD. 

Une peur handicapante au quotidien 

Toutefois, même si cette peur est handicapante au quotidien, elle n’a de phobie que le nom en réalité et n’appartient à aucune classification psychologique reconnue. Ce n’est ni plus ni moins qu’un syndrome de procrastination un peu poussé.

"Quand on est phobique de l'administratif, on se met dans une stratégie d'évitement pour ne pas avoir à remplir des papiers, on laisse par exemple le courrier s'accumuler dans la boîte aux lettres. On peut développer une forte anxiété, un blocage et même des symptômes physiques : maux de ventre, perte d'appétit, insomnie", explique la psychologue.

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Cette phobie peut aussi - parole d’experte - conduire à des comportements irraisonnés et à des situations administrativement inextricables. Sachez par exemple que je suis restée sans Sécurité Sociale pendant près de quatre ans, juste parce que je n’arrivais pas à rassembler tous les documents. Ou qu’il m’ait déjà arrivé de payer des agios, parce que je repoussais éternellement le moment où je devais déposer des chèques. Malin, n’est-ce pas ?

Tout le monde peut être victime de phobie administrative

Le fait est, qu’à bien y regarder, l’angoisse de la paperasse serait plus commune qu’il n’y paraît. Sauf peut-être pour les personnes travaillant dans l’administration, et encore. De plus, chacun peut, à un moment de sa vie, rencontrer des difficultés qui découleront sur cette crainte maladive : "Cette peur peut être liée à un événement comme un décès ou un divorce. Ce sont des épisodes traumatisants où l'on doit remplir un tas de papiers", indique Maïté Tranzer

La psychologue parisienne ajoute que "cette peur peut se manifester aussi chez les personnes ayant des troubles obsessionnels compulsifs ainsi que chez les dépressifs. Cela les pousse à procrastiner indéfiniment".

Les signes que vous êtes atteint de phobie administrative

Même s’il est possible de se soigner en s’octroyant des pauses administratives régulières, pour trier son courrier, payer des factures, remplir des formulaires... certains signes ne trompent pas quand il s’agit de savoir si vous faites partie ou non, de la grande famille des angoissés administratifs. Liste non-exhaustive : une pile de courrier branlante sur le coin du buffet, des lettres timbrées et cornées au fond de votre sac, les tentatives désespérées de classer/trier dans des pochettes qui finalement ne servent qu’à camoufler les documents sans véritablement se pencher sur les tâches administratives, les feuilles de soin non-remboursées qui s’accumulent dans une de ces pochettes, les todo list à rallonge qu’on recopie jour après jour, sans jamais barrer “appeler les impôts”... Il est possible pour ce dernier exemple que la phobie administrative soit couplée avec une peur panique du téléphone. Bienvenue dans mon monde. 

Au-delà du caractère comique de certaines situations, et bien qu’il n’y ait pas de reconnaissances médicales à cette pseudo-pathologie, celle-ci peut entraîner de sérieux ennuis, tant sur le plan professionnel que personnel. Le mieux est comme souvent d’en parler, à un proche par exemple qui pourrait suivre de loin les démarches à accomplir et s’assurer qu’on ne risque pas le redressement fiscal, ou encore à un psychologue qui travaillera sur l’origine d’une telle angoisse. Les deux ne sont évidemment pas incompatibles. 

Ne reste plus qu’à vous rappeler que la campagne des déclarations d’impôts 2020 est bientôt terminée et qu’il ne reste que quelques jours. Début des clôtures, le 4 juin pour les départements de 01 à 19. Ne l’écrivez pas dans votre to do list, faites-le.