Depuis quelques années maintenant, on s'aperçoit que les pervers narcissiques sont partout et touchent dans les faits plus de monde que nous n'aurions pensé, quand nous avons dédié un dossier à cette question en 2011. Dans les faits, presque chacun d’entre nous a déjà été confronté à ce type d’individu, que ce soit en famille, dans la vie privée ou professionnelle.

Dévalorisation, manipulation... qui conduisent souvent à l’isolement et à la culpabilité. Des personnalités qu’il vaut mieux éviter de croiser et qui, par manque de confiance en elles, peuvent détruire leurs victimes. Sur les forums et réseaux sociaux, une grande communauté s’est construite autour de ce sujet. Plusieurs personnes ont commencé à se parler, à se raconter leur histoire et à se soutenir. Cette solidarité nous touche, et nous avons souhaité mettre en avant les témoignages de ces victimes. Hommes ou femmes, leurs expériences peuvent aider d’autres personnes à trouver la force de partir.

Tous décrivent le même style de personnes : "un homme fabuleux en apparence, mais d’une noirceur terrible sous le masque". C’est en lisant d’autres histoires semblables aux leurs ou en consultant un psychologue que ces victimes ont réalisé qu’elles étaient face à des pervers narcissiques. Pour la plupart, la séparation a été extrêmement difficile et a souvent nécessité plusieurs tentatives.

Sarah*, 46 ans : "j'ai quitté mon mari pour lui et ma vie s'est transformée en enfer" 

"Victime d’un pervers narcissique pendant 3 ans, je travaillais avec lui depuis plusieurs années, j’étais son bras droit, 'l’indispensable' selon lui. Cet homme était charmant, flatteur, semblait à l’écoute et sûr de lui, prêt à rendre service, attirant... le bon type que tout le monde adore. Mon couple traversait une crise, je me suis confiée à lui et il m’a déclarée sa flamme. J’ai donc quitté mon mari après 20 ans de mariage.

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Notre histoire a commencé comme un conte de fées : projets d’avenir à deux, voyages... Mais très vite, les choses se sont gâtées. Il avait une compagne "officielle" avec laquelle il devait mettre les choses au clair, mais il ne l’a jamais fait. J’ai aussi réalisé qu’il avait d’autres "proies". Je l’ai même surpris en pleine action avec une autre femme... il passait d’une femme à l’autre, sans aucun remord. J’ai quitté mon emploi, et une longue descente aux enfers a alors commencé... qui a duré 3 ans.

Malheureusement, je suis retombée plusieurs fois dans ses griffes. On n’imagine pas à quel point leur emprise est forte.

Avec son entourage, il était tout le contraire de ce qu’il était avec moi : ouvert, séducteur, beau parleur... il savait flatter les gens. Mais l’envers de ce masque était sa lâcheté. Cet homme était fabuleux en apparence, mais d’une noirceur terrible à l’intérieur. Sous son visage chaleureux en surface régnaient le froid, le mépris et le dédain. Un rictus de triomphe s’affichait sur son visage lorsqu’il m’avait totalement anéantie. Aucune compassion, humanité ou tendresse. Pour lui, tout était toujours de ma faute. C’est en lisant sur Internet des histoires semblables à la mienne que j’ai compris qu’il était un pervers narcissique. J’ai fait une dépression, et consulté une psy.

Malheureusement, je suis retombée plusieurs fois dans ses griffes. On n’imagine pas à quel point leur emprise est forte. Je crois qu’avec un PN, on ne part pas qu’une seule fois. C’est une suite de départs, de silences, de réconciliations, un cycle infernal... Il faut admettre qu’il ne changera jamais. La fois de trop, ça a été lorsqu’il m’a laissée partir en pleine détresse, au bord du suicide et n’a plus pris de mes nouvelles.

Depuis, je n’y suis plus retournée et j’éviterai tout contact à l’avenir. Cela a été un véritable électrochoc qui m’a ouvert les yeux. J’ai réalisé que je n’étais qu’un objet pour ce pervers sexuel et à quel point il était vide intérieurement. Aujourd’hui, je me réveille d’un long cauchemar. C’est encore très douloureux, et à 46 ans, je dois tout recommencer. Cette histoire a détruit mon couple, ma famille, ma carrière. J’ai retrouvé un travail avec des gens adorables.

Même si je ne touche que le Smic, j’essaie de développer mon auto - entreprise en parallèle. J’ai beaucoup de projets et une envie de vivre phénoménale. Une énergie incroyable refait surface. L’envie de vengeance et le sentiment d’injustice s’estompent. Enfin, j’écris un livre pour témoigner et dénoncer les pervers narcissiques, ces monstres."

Magda*, 45 ans : "il a été jusqu'à tenter de me tuer pour toucher une assurance" 

"Lors de notre rencontre, cet homme représentait tout ce que je recherchais : doux, gentil, aux petits soins, galant, protecteur... Bref, je venais de rencontrer le Prince charmant. Moins d’un mois plus tard, les choses ont commencé à dégénérer. Il m’a volée des bijoux. Je n’arrivais pas à croire qu’il ait pu faire une chose pareille. Il a commencé à être distant, sur la défensive... 

Il avait une fille de 6 ans avec laquelle il était tantôt très câlin, tantôt presque méchant. Quant à ses amis, ils le voyaient comme quelqu’un de serviable et gentil. Mais à la maison, les choses n’ont fait qu’empirer. Mensonges incessants, regards méprisants... puis gentillesse et cadeaux pour se faire pardonner mais finalement laisser place à une attitude glaciale. Il se plaçait toujours en victime et devenait aussi blessant avec mes filles. Malgré tout ça, je n’arrivais pas à le quitter. J’ai alors décidé d’avoir recours à un psychologue. Au bout de trois ans de relation, j’ai compris que je venais d’épouser un pervers narcissique. 

 

J’ai alors commencé à m’opposer à lui, à essayer de sortir de son chantage incessant. Mais ça ne lui a pas plu du tout... il a été jusqu’à tenter de me tuer pour bénéficier d’une assurance. Il a également empoisonné mon chat. Je n’ai pas osé aller voir la police de peur de ne pas être crédible. Je voulais divorcer, il refusait. J’ai dû fuir de chez moi pour qu’il se décide à partir. Mais il est revenu en menaçant de se suicider... je vivais dans l’angoisse. Pendant près d’un an, il m’a harcelée. Il n’a jamais réussi à revenir. Je l’en ai empêché. Nous avons fini par vendre la maison que nous avions en commun et il a repris ses affaires.

Aujourd’hui, je me reconstruis au quotidien. J’ai beaucoup travaillé sur moi pour comprendre les raisons qui m’ont conduites vers ce genre d’individu. Je suis consciente d’avoir ma part de responsabilité. J’ai perdu confiance en moi, mais je crois toujours au bonheur. Cet homme m’envoie encore des mails de temps à autre. J’essaye au maximum de l’ignorer car je sais que c’est la seule chose à faire. J’interviens sur des groupes d’entraide pour tenter d’aider d’autres victimes. Une conférence sera organisée dans ma ville dans 4 mois pour aider les victimes et informer le plus de monde possible de ce que sont les PN et à quel point ils sont néfastes pour leur entourage".

Clémentine*, 30 ans : "il m'a obligée à avorter"

"J’ai rencontré cet homme par hasard dans le train. Nous allions tous les deux sans le savoir à la même soirée à la campagne chez des amis en commun. Il était poli et charmant, et j’ai eu le sentiment d’une prédestination, d’une évidence. Quelques temps après, nous avons emménagé ensemble et je suis tombée enceinte accidentellement. Il a très mal accueilli la nouvelle et m’a demandée d’avorter. Ce que j’ai fait. Mais chaque fois que j’ai voulu revenir sur cet incident, il se murait dans une froideur insupportable.

D’un point de vue extérieur, il ressemblait à un Prince charmant. Il était le gendre idéal aux yeux de ma mère. Mais dès que l’on rentrait à la maison, cette nature enjôleuse s’envolait. Petit à petit, je me suis retrouvée à terre : je me sentais nulle au boulot, dans mon couple, avec mes amis... bref, dans tout. J’ai commencé à consulter un psy. Je suis retombée enceinte, (il voulait un bébé), mais il est parti à l’annonce de ma grossesse. Il espérait vraiment que je ne garde pas cet enfant.

J’attendais en fait des jumeaux, et j’en ai perdu un... Pour protéger l’autre, j’ai décidé de me couper de cet homme. J’ai eu beaucoup de mal à accepter que je me trouvais face à un pervers narcissique car cela revenait à renoncer à avoir vécu une histoire d’amour avec lui et admettre que notre enfant n’était pas le fruit d’un amour. 

Aujourd’hui, après 18 mois de séparation, je pense que ma prise de conscience est la porte ouverte à la guérison, même si ne plus penser à lui est très difficile."

Marianne*, 43 ans : "il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas"

"Lors de notre rencontre, cet homme s’est montré très gentil et prévenant. Je venais de me séparer du père de mes enfants alors je me suis dit pourquoi pas ? Il a rencontré mes enfants au bout d’un an, mais nous n’avons jamais vraiment vécu ensemble. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas selon lui : la couleur de mon vernis à ongles, mes chaussures, mon portefeuille, mes cheveux... il voulait tout changer en moi, de mon parfum à mes boucles d’oreille en passant par mon rouge à lèvres.

Il n’avait pas de vrais amis, et était fâché avec presque toute sa famille. C’est l’un de ses copains qui est venu me voir pour me dire après notre séparation que cet homme était un pervers narcissique. Je me demande encore aujourd’hui s’il était conscient d’agir de manière perverse...

Aujourd’hui j’ai vraiment du mal à m’en sortir. C’est moi qui lui ai dit de partir mais je l’aime encore. Je ne sors plus ou uniquement par obligation. Je suis au chômage et incapable de me présenter pour un travail. Je vis quasiment dans le noir..."

Uzeb*, 42 ans: "elle se faisait toujours passer pour la victime"

"Quand j’ai rencontré cette femme, elle était mariée et jouait l’indifférente à mon égard. Au fur et à mesure que les relations avec son mari se dégradaient et qu’ils ont décidé de divorcer, elle devenait de plus en plus présente dans ma vie et a voulu aller plus loin. J’ai accepté car elle me plaisait. De mon côté, j’étais également marié, et j’ai mis du temps à quitter ma femme. Les reproches étaient incessants : elle trouvait que mon divorce était trop lent, que mes enfants n’étaient pas intéressants, ne voulait pas que je passe du temps avec eux, et elle était d’une jalousie maladive et permanente.

Notre relation était donc compliquée, entremêlée de ruptures, plus ou moins longues, de réconciliations de cris et de pleurs... Aux yeux de son entourage, elle se faisait toujours passer pour la victime, et ce, dans tous les domaines (amoureux, professionnel...). Elle ne s’est jamais remise en cause et disait toujours qu’elle n’avait rien à se reprocher. 

Je suis parti lorsque je me suis rendu compte que ma fille de 8 ans était en danger psychologique car elle était elle aussi victime de cette femme

C’est mon ex-épouse qui m’a alerté sur le fait que cette femme pouvait être une perverse narcissique. Je retrouvais complètement notre relation dans les articles que je lisais : une dévalorisation et un isolement du partenaire, une victimisation permanente, un rapport particulier avec l’argent et une recherche de plaire permanente.

Je suis parti lorsque je me suis rendu compte que ma fille de 8 ans était en danger psychologique car elle était elle aussi victime des persécutions de cette femme. Elle a essayé de me retenir en sortant le grand jeu, mais je ne suis pas revenu sur ma décision.

Aujourd’hui, je ne suis toujours pas guéri de cette relation, je ne me suis pas reconstruit, je n’ai pas confiance en moi et j’ai du mal à envisager une relation avec une autre femme par méfiance..."

* Nous avons changé les prénoms afin de préserver l’anonymat des victimes.