Génération Boomerang : retrouver le nid familial après un premier envol

Par Mylène Wascowiski
generation boomerang
Après une rupture, un licenciement ou encore une reconversion professionnelle, certains adultes retournent vivre chez leurs parents. On les appelle génération boomerang. Décryptage d'un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur.

On connaissait Tanguy, emblème au début des années 2000 d'une génération de jeunes adultes qui - volontairement ou contraints financièrement - squattaient le cocon familial à un âge où les génération précédentes avaient quitté le nid depuis bien longtemps. En 2019, Tanguy revient chez ses parents dans un nouvel opus, toujours réalisé par Etienne Chatillez et incarne une nouvelle fois, un symbole. Celui de la Génération Boomerang : des adultes contraints de revenir au domicile familial, une rupture, un divorce ou encore une reconversion professionnelle. Ne pouvant subvenir à leurs besoins - tout particulièrement dans les grandes villes où les loyers peuvent vite atteindre des sommets -, ils retournent au bercail, parfois leur propre famille sous le bras, le temps de de se reconstruire. 

Cette génération boomerang, aussi appelée génération "kangourou", "hôtel Mama", "nidicole", prend de l'ampleur depuis plusieurs années. En France, le film Retour chez ma mère, d'Eric Lavaine et sorti en salles en juin 2016, entendait déjà lever le voile - non sans humour - sur ce phénomène. Rebelote donc, avec "Tanguy, le retour". 

Pour autant, ce phénomène reste peu étudié. On recense en France une seule étude de l'Insee datant de 2015 et publiée dans la revue Retraite et société qui montre que 7% des 30-50 ans et même 3% des plus de 50 ans sont concernés par cette réalité. "Tous âges confondus, un adulte sur dix est déjà revenu vivre chez ses parents après avoir occupé un logement indépendant", peut-on ainsi lire toujours dans cette étude. Retrouver le cocon familial après avoir gouté à l'indépendance n'est pas toujours chose facile. Souvent, une telle situation peut vite devenir source de conflits, de tensions et de remises en question. Mais il arrive parfois que ce retour aux sources finisse par se transformer en une expérience finalement positive.

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Se rapprocher émotionnellement de ses parents

Pour Cécile, 30 ans, les choses ont évolué de manière positive. "Je suis retournée en Bretagne juste après une rupture avec mon ex", explique la jeune chargée de recrutement. "Nous avions commencé des démarches pour trouver un appartement tous les 2 et au moment de la rupture, j'étais en fin de contrat et donc dans l'incapacité de trouver un logement à Paris. J'ai dû retourner dans la maison familiale environ 6 mois. J'appréhendais surtout parce que je n'étais pas au meilleur de ma forme ni de mon moral et que ma mère qui vit seule a ses petites habitudes. J'appréhendais également le rythme de vie, je n'avais pas d'emploi mais ne comptais pas passer mes journées à la maison à ne rien faire".
Si c'était à refaire, je foncerais sans hésiter
Dans une période difficile qu'est celle de la post-rupture, Cécile a finalement trouvé auprès de sa mère une alliée de choc pour se reconstruire : "ma mère m'a accueilli à bras ouverts. On a commencé à avoir nos petits rituels, déjà au niveau horaires de repas puis au niveau activités certains jours. Elle m'a boostée pour trouver des activités enrichissantes pour moi et qui me permettaient de m'occuper l'esprit. Elle m'a beaucoup écouté également. Ma mère est quelqu'un de très optimiste et elle m'a permis de voir les choses d'un œil neuf. En fait cette rupture était une réelle opportunité pour moi afin de visualiser mes possibles erreurs mais également parce que j'allais tout redémarrer. La recherche d'un emploi d'abord et ensuite reprendre un rythme quotidien en toute autonomie. Elle m'a également donné de l'énergie pour faire du sport régulièrement, pour m'investir dans la vie du foyer - faire à manger régulièrement, entretenir le jardin, aller au marché...-. Je me suis énormément rapproché de ma mère à ce moment-là car je lui confiais mes doutes aussi bien sur ma vie personnelle que professionnelle".
 
Alors que Cécile appréhendait particulièrement ce retour au bercail, elle n'en garde aujourd'hui que du positif : "j'espère ne pas avoir à revivre cette situation car c'est toujours plus agréable d'avoir son propre rythme, de vaquer à ses occupations comme on l'entend chez soi, de manger des céréales pour le diner si le cœur nous en dit etc... Mais si c'était à refaire, je foncerais sans hésiter en sachant que la porte sera grande ouverte". 

Une véritable libération pour certains

Si pour certains le retour au bercail s'avère particulièrement difficile, pour d'autres, c'est une libération. Ce fut le cas d'Emmanuelle, 28 ans : "A l'époque, malgré de longues études, j'avais dû prendre un travail "alimentaire" pour subvenir à mes besoins et payer mon loyer. Quand ma colocataire m'a annoncé qu'elle voulait déménager pour vivre avec son copain, j'ai sauté sur l'occasion pour demander à mes parents si je pouvais revenir à la maison afin de tenter de faire carrière dans ce que j'aimais, sans pression financière. Ils ont dit accepté sans même hésiter ».
Maximum deux ans, pour ce retour aux sources
C'est dans sa chambre d'ado qu'Emmanuelle fait son retour à la maison, accueillie chaleureusement par ses parents : "Je pense qu'au fond ils n'étaient pas ravis que je sois coincée dans ce travail sans possibilité de repartir à zéro a cause de l'appartement et des charges que je payais à l'époque. Ils ont pris les choses du bon côté car ils connaissaient également les raisons - réfléchies - pour lesquelles je revenais. Et je m'étais moi même fixée une limite de temps, au maximum 2 ans, pour ce retour aux sources".
 
Une expérience on ne peut plus positive pour la jeune femme - qui, depuis, est parvenue à faire carrière dans la presse comme elle le souhaitait -, qu'elle ne regrette pas une seconde : "d'abord parce que j'ai pu prendre le temps de trouver un poste qui me convenait et qui correspondait à mes études. Ensuite parce que ce retour a été la preuve factuelle que j'avais bel et bien muri depuis mon premier départ de la maison, ça a également été un vrai bonheur de pouvoir revivre avec ma petite sœur dont je suis très proche" 

C'est aussi ça, la famille 

Lætitia, chef d'entreprise de 36 ans, a sauté le pas après une rupture amoureuse. "En 2012, mon ex compagnon, avec qui j'avais emménagé depuis quelques mois, m'a quittée. Je vivais dans son appartement, c'est donc moi qui me suis retrouvée à la porte du jour au lendemain. J'étais à l'époque dans l'incapacité de payer un loyer seule, j'ai été contrainte d'appeler mes parents à la rescousse, et de retourner vivre chez mon père".
 
Les parents de la jeune femme ont accepté de l’accueillir avec plaisir, mais c'est avec appréhension qu'elle s'est installée chez son père : "le problème était de devoir accepter le fait que j'avais besoin de mes parents à nouveau, alors que je me considérais comme une adulte responsable et indépendante. Ce qui n'était visiblement pas tout à fait le cas. Aussi, lorsque l'on a pris l'habitude de vivre seule ou en couple, il n'est pas facile de se réintégrer dans l'engrenage familial. Devoir tenir au courant les autres de ses faits et gestes, être présent pour les repas en famille... Autant d'habitudes que j'ai dû réapprendre". 
Mon indépendance m'a très vite manqué
Si c'est pleine d'appréhension que Lætitia s'est lancée dans l'aventure, elle en garde malgré tout un souvenir positif : "Si j'avais pu m'en passer, je l'aurai fait. Même si cette seconde expérience de la cohabitation avec ma famille, en tant qu'adulte cette fois-ci, s'est plutôt bien passée, mon indépendance m'a très vite manqué. Le point positif étant que je me suis mise un bon coup de pied aux fesses pour trouver un petit boulot et un appart en colocation, pour ne pas rester un "poids" trop longtemps pour ma famille. Si je dois à nouveau me retrouver à la rue pour des questions financières, je n'hésiterai pas à mettre ma fierté de côté pour leur demander de l'aide. C'est aussi ça, la famille". 

Article publié initialement en 2016, mis à jour en avril 2019

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